Ses yeux ravis se portaient des fleurs, étoiles colorées de la terre, aux étoiles, fleurs lumineuses du ciel, et embrassaient l'horizon de verdure se confondant avec l'horizon d'azur, dans ce lointain indéfini qui attire et recueille l'âme contemplative et oublieuse d'elle-même, l'âme abstraite et concentrée: Et tout lui parlait de Dieu seul. Isolé et libre, Atala avait souvent changé de demeure, selon la saison, ou selon l'avertissement secret d'une voix intérieure qui lui parlait souvent; mais sa demeure préférée était sur le bord d'une ravine profonde, alimentée par les eaux vives de mille sources intarissables. Autour de cette demeure, croissaient des lataniers nombreux, dont les larges feuilles s'ouvraient en éventails. Parmi les grands arbres toujours verts qui y poussaient, on distinguait le chêne antique, le cyprès chevelu, le cèdre, le mélèse, le magnolia et le pin; et, sous ces grands arbres, le laurier, le houx, la cassine, et le galé cirier, qui donne une cire odorante, et dont les feuilles, comme celles de l'eucalyptus, purifient l'air des marécages, en absorbant une grande quantité d'hydrogène. Et parmi les grands arbres qui perdent leurs feuilles au commencement de l'hiver, on remarquait le noyer, le platane, le tremble, le hêtre, et le copalme ou liquidambar, à la gomme suave; et, sous ces grands arbres, le cornouiller, l'airelle, le sumac et le sassafras aux racines odoriférantes. Des lianes entrelacées formaient au-dessus de cette demeure une voûte impénétrable aux rayons du soleil; et la mélodie des oiseaux enchantait cette retraite imposante et tranquille, ce sanctuaire consacré par la virginité: Et elle appela cette solitude le Grand-Ermitage. Là, elle trouvait du miel dans le creux des vieux arbres, où les abeilles mettent leurs ruches à l'abri de la voracité des ours, qui sont très avides de ce nectar-ambroisie. Partout où Atala portait ses pas, elle était suivie d'une gracieuse biche, qu'elle avait apprivoisée: Elle lui donna le nom de Pâlki, Pieds-Rapides. Cette biche, comme celle de St-Rilles, lui prodiguait chaque jour son lait le plus pur. Elle avait aussi un magnifique chien de race; et, voici comment elle eut ce chien: Le chien poursuivait sa biche, qui accourut près d'elle pour lui demander protection. Lorsque le chien aperçut Atala, immobile dans l'attitude de la prière, à genoux, au pied d'un arbre aux longs voiles de mousse, il s'arrêta soudain, en se tapissant dans les herbes: Il était sous. l'influence d'un charme irrésistible; il ne voulut plus quitter sa nouvelle maîtresse; et, comme il avait, au milieu du front, une tache en forme d'étoile, elle le nomma Etoile. La biche dormait à côté du chien, et le chien et la biche aux pieds de leur maîtresse : Quel peintre aurait pu rendre ce tableau primitif? Atala, Pâlki et Etoile ne se séparaient jamais, ni pendant leurs courses, ni durant leur repos. Plus d'une fois, Pâlki et Etoile, toujours ensemble, servirent leur extatique maîtresse, en l'avertissant de quelque danger prochain, ou en la protégeant contre la silencieuse approche du redoutable serpent à sonnettes; ils savaient comment combattre et chasser cet insidieux ennemi, qui a la puissance de fasciner la proie vivante qu'il convoite, en lancant de ses yeux et exhaltant de son corps un fluide empoisonné: Ces deux gardes fidèles défendaient les abords de sa sainte solitude avec une vigilance qui équivalait à une clôture et des grilles. Je suis, dans le vague des airs, Le char de la nuit qui s'avance.-Lamartine. La lune du Lacombe argente les deux rives: Dans le foyer bruit l'invisible grillon. Oh! c'est l'heure pieuse où l'âme recueillie L'heure où le "whip-poor-will," tendre et plaintif oiseau, Sous le saule qui pleure ou l'yeuse isolée, Comme une âme souffrante, une ombre inconsolée, Qui meurt dans le lointain et qu'on écoute encore Sur le bayou, tenant une pagaie oisive, À M. ANATOLE C... There is a pleasure in the pathless woods.-Byron. Et puis tous deux assis, quel bonheur de lui dire Oui, je pars; il me faut la solitude immense! Oh! comme tous ces bruits qui tombent des rameaux Il semble alors qu'au monde on ait dit son adieu, On lui dit: "O mon Dieu, mais où donc est mon Eve? J'ai déjà de mes mains bâti mes ajoupas; Oh! mon Eve! Mon Dieu, ne l'amenez-vous pas?" . . D'amour, d'émotions, toujours, toujours avide, J'ai trouvé ce qu'à Dieu tout jeune homme demande; A. M. JULES M. . . LE CHEVREUIL DE LA LOUISIANE Quand un voile brumeux enveloppe Lutèce, Ainsi que par instinct, ami, je vais souvent, Longeant les boulevards, jusqu'au Jardin-des-Plantes : Et, tout en relisant Byron ou Sainte-Beuve, Son murmure sans fin d'harmonieux roseaux, Des longs cyprès voilés qui pleurent sur ses rives. Et, l'oreille attentive à de lointains accords, Et puis, quand au couchant un dernier rayon brille, Et calme, insoucieux, sommeillant comme lui, Et dans quelque désert vierge de pas humain, LA JEUNE FILLE DES BOIS DOMINIQUE ROUQUETTE A MON AMI A. D. C'est une brune, ami, comme ces jeunes filles Ses longs cheveux d'ébène embaumés de plantain. |