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familles et la vertu des grands personnages (1); par la religion même, les institutions anciennes, et la suppression des jours d'assemblée, sous prétexte que les auspices n'avaient pas été favorables; par les cliens; par l'opposition d'un tribun à un autre; par la création d'un dictateur (2), les occupations d'une nouvelle guerre, ou les malheurs qui réunissaient tous les intérêts; enfin par une condescendance paternelle à accorder au peuple une partie de ses demandes pour lui faire abandonner les autres, et cette maxime constante de préférer la conservation de la république aux prérogatives de quelque ordre ou de quelque magistrature que ce fût.

Dans la suite des temps, lorsque les plébéiens eurent tellement abaissé les patriciens, que cette distinction (3) de familles devint vaine, et que les unes et les autres furent indifféremment élevées aux honneurs, il y eut de nouvelles disputes entre le bas peuple agité par ses tribuns, et les principales familles patriciennes ou plébéiennes, qu'on appela les nobles, et qui avaient pour elles le sénat, qui en était composé. Mais comme les mœurs anciennes n'étaient plus, que des particuliers avaient des richesses immenses, et qu'il est impossible que les richesses ne donnent du pouvoir, les nobles résistèrent avec plus de force que les patriciens n'avaient fait; ce qui fut cause de la mort des Gracques et de plusieurs de ceux qui travaillèrent sur leur plan (4).

Il faut que je parle d'une magistrature qui contribua beaucoup à maintenir le gouvernement de Rome : ce fut celle des censeurs. Ils faisaient le dénombrement du peuple ; et de plus, comme la force de la république consistait dans la discipline, l'austérité des mœurs et l'observation constante de certaines coutumes, ils corrigeaient les abus que la loi n'avait pas prévus, ou que le magistrat ordinaire ne pouvait pas punir (5). Il y a de mauvais

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(1) Le peuple, qui aimait la gloire, composé de gens qui avaient passé leur vie à la guerre, ne pouvait refuser ses suffrages à un grand homme sous lequel il avait combattu. Il obtenait le droit d'élire des plébéiens, et il élisait des patriciens. Il fut obligé de se lier les mains en établissant qu'il y aurait toujours un consul plébéien: aussi les familles plébéiennes qui entrèrent dans les charges y furent-elles ensuite continuellement portées ; et quand le peuple éleva aux honneurs quelque homme de néant, comme Varron et Marius, ce fut une espèce de victoire qu'il remporta sur lui-même. (2) Les patriciens, pour se défendre, avaient coutume de créer un dictateur; ce qui leur réussissait admirablement bien; mais les plébéiens, ayant obtenu de pouvoir être élus consuls, purent aussi être élus dictateurs, ce qui déconcerta les patriciens. ( Voyez, dans Tite-Live, liv. VIII, chap. XII, comment Publius Philo les abaissa dans sa dictature: il fit trois lois qui leur furent très-préjudiciables. ) - (3) Les patriciens ne conservèrent que quelques sacerdoces, et le droit de nommer un magistrat qu'on appelait entre-roi. (4) Comme Saturninus et Glaucias. (5) On peut voir comme ils dégradèrent ceux qui après la bataille de Cannes, avaient été d'avis d'abandonner l'Italie; ceux qui

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exemples qui sont pires que les crimes; et plus d'états ont péri parce qu'on a violé les mœurs que parce qu'on a violé les lois. A Rome, tout ce qui pouvait introduire des nouveautés dangereuses, changer le cœur ou l'esprit du citoyen, et en empêcher, si j'ose me servir de ce terme, la perpétuité, les désordres domestiques ou publics étaient réformés par les censeurs : ils pouvaient chasser du sénat qui ils voulaient, ôter à un chevalier le cheval qui lui était entretenu par le public, mettre un citoyen dans une autre tribu, et même parmi ceux qui payaient les charges de la ville sans avoir part à ses priviléges (1).

M. Livius nota le peuple même ; et de trente-cinq tribus il en mit trente-quatre au rang de ceux qui n'avaient point de part aux priviléges de la ville (2). « Car, disait-il, après m'avoir condamné, vous m'avez fait consul et censeur : il faut donc » que vous ayez prévariqué une fois en m'infligeant une peine, » ou deux fois en me créant consul et ensuite censeur. »

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M. Duronius, tribun du peuple, fut chassé du sénat par les censeurs, parce que pendant sa magistrature il avait abrogé la loi qui bornait les dépenses des festins (3).

C'était une institution bien sage. Ils ne pouvaient ôter à personne une magistrature, parce que cela aurait troublé l'exercice de la puissance publique (4): mais ils faisaient déchoir de l'ordre et du rang, et privaient, pour ainsi dire, un citoyen de sa noblesse particulière.

Servius Tullius avait fait la fameuse division par centuries, que Tite-Live (5) et Denys d'Halicarnasse (6) nous ont si bien expliquée. Il avait distribué cent quatre-vingt-treize centuries en six classes, et mis tout le bas peuple dans la dernière centurie qui formait seule la sixième classe. On voit que cette disposition excluait le bas peuple du suffrage, non pas de droit, mais de fait. Dans la suite, on régla qu'excepté dans quelques cas particuliers, on suivrait dans les suffrages la division par tribus. Il y en avait trente-cinq qui donnaient chacune leur voix, quatre de la ville, et trente-une de la campagne. Les principaux citoyens, tous laboureurs, entrèrent naturellement dans les tribus de la campagne; et celles de la ville reçurent le bas peuple (7), qui y étant enfermé, influait très-peu dans les affaires; et cela était regardé comme le salut de la république. Et quand Fabius remit s'étaient rendus à Annibal; ceux qui, par une mauvaise interprétation, lui avaient manqué de parole. —(1) Cela s'appelait ærarium aliquem facere, aut in cœritum tabulas referre. On était mis hors de la centurie, on n'avait plus le droit de suffrage. (2) Tite-Live, liv. XXIX, chap. XXXVII. lère Maxime, liv. II, chap. IX, art. 5. · (4) La dignité de sénateur n'était pas une magistrature. (5) Liv. I, chap. XLII. → (6) Liv. IV, art. 15 et suiv. - (7) Appelé turba forensis.

(3) Va

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dans les quatre tribus de la ville le menu peuple, qu'Appius. Claudius avait répandu dans toutes, il en acquit le surnom de très-grand (1). Les censeurs jetaient les yeux tous les cinq ans sur la situation actuelle de la république, et distribuaient de manière le peuple dans ses diverses tribus, que les tribuns et les ambitieux ne pussent pas se rendre maîtres des suffrages, et que le peuple même ne pût pas abuser de son pouvoir.

Le gouvernement de Rome fut admirable, en ce que, depuis sa naissance, sa constitution se trouva telle, soit par l'esprit du peuple, la force du sénat, ou l'autorité de certains magistrats, que tout abus du pouvoir y put toujours être corrigé.

Carthage périt, parce que, lorsqu'il fallut retrancher les abus, elle ne put souffrir la main de son Annibal même. Athènes tomba, parce que ses erreurs lui parurent si douces, qu'elle ne voulut pas en guérir. Et parmi nous, les républiques d'Italie, qui se vantent de la perpétuité de leur gouvernement, ne doivent se vanter que de la perpétuité de leurs abus; aussi n'ont-elles pas plus de liberté que Rome n'en eut du temps des décemvirs (2).

Le gouvernement d'Angleterre est plus sage, parce qu'il y a un corps qui l'examine continuellement, et qui s'examine continuellement lui-même; et telles sont ses erreurs, qu'elles ne sont jamais longues, et que, par l'esprit d'attention qu'elles donnent à la nation, elles sont souvent utiles.

En un mot, un gouvernement libre, c'est-à-dire, toujours agité, ne saurait se maintenir, s'il n'est, par ses propres lois capable de correction.

CHAPITRE IX.

Deux causes de la perte de Rome.

LORSQUE la domination de Rome était bornée dans l'Italie, la république pouvait facilement subsister. Tout soldat était également citoyen: chaque consul levait une armée; et d'autres citoyens allaient à la guerre sous celui qui succédait. Le nombre des troupes n'étant pas excessif, on avait attention à ne recevoir dans la milice que des gens qui eussent assez de bien pour avoir intérêt à la conservation de la ville (3). Enfin le sénat voyait de

sance.

(1) Voyez Tite-Live, liv. IX, chap. XLVI. (2) Ni même plus de puis(3) Les affranchis, et ceux qu'on appelait capite censi, parce qu'ayant très-peu de bien, ils n'étaient taxés que pour leur tête, ne furent point d'abord enrôtés dans la milice de terre, excepté dans les cas pressans. Servias Tullius les avait mis dans la sixième classe, et on ne prenait des soldats que dans les cinq premières. Mais Marius, partant contre Jugurtha, enrôla indifféremment tout le monde : Milites scribere, dit Salluste, non more majorum neque ex classibus, sed uti cujusque libido erat, capite censos plc

près la conduite des généraux, et leur ôtait la pensée de rien faire contre leur devoir.

Mais, lorsque les légions passèrent les Alpes et la mer, les gens de guerre, qu'on était obligé de laisser pendant plusieurs campagnes dans les pays que l'on soumettait, perdirent peu à peu l'esprit des citoyens ; et les généraux, qui disposèrent des armées. et des royaumes, sentirent leur force, et ne purent plus obéir.

Les soldats commencèrent donc à ne reconnaître que leur général, à fonder sur lui toutes leurs espérances, et à voir de plus loin la ville. Ce ne furent plus les soldats de la république, mais de Sylla, de Marius, de Pompée, de César. Rome ne put plus savoir si celui qui était à la tête d'une armée dans une province était son général ou son ennemi.

Tandis que le peuple de Rome ne fut corrompu que par ses tribuns, à qui il ne pouvait accorder que sa puissance même, le sénat put aisément se défendre, parce qu'il agissait constamment; au lieu que la populace passait sans cesse de l'extrémité de la fougue à l'extrémité de la faiblesse. Mais quand le peuple put donner à ses favoris une formidable autorité au dehors, toute la sagesse du sénat devint inutile, et la république fut perdue.

Ce qui fait que les états libres durent moins que les autres, c'est que les malheurs et les succès qui leur arrivent leur font presque toujours perdre la liberté; au lieu que les succès et les malheurs d'un état où le peuple est soumis confirment également sa servitude. Une république sage ne doit rien hasarder qui l'expose à la bonne ou à la mauvaise fortune : le seul bien auquel elle doive aspirer, c'est à la perpétuité de son état.

Si la grandeur de l'empire perdit la république, la grandeur de la ville ne la perdit pas moins.

Rome avait soumis tout l'univers avec le secours des peuples d'Italie, auxquels elle avait donné en différens temps divers priviléges (1). La plupart de ces peuples ne s'étaient pas d'abord fort souciés du droit de bourgeoisie chez les Romains, et quelquesuns aimèrent mieux garder leurs usages (2). Mais, lorsque ce droit fut celui de la souveraineté universelle, qu'on ne fut rien dans le monde, si l'on n'était citoyen romain, et qu'avec ce titre on était tout, les peuples d'Italie résolurent de périr ou d'être Romains: ne pouvant en venir à bout par leurs brigues et par rosque. (De Bello Jugurth.) Remarquez que, dans la division par tribus, ceux qui étaient dans les quatre tribus de la ville, étaient à peu près les mêmes que ceux qui, dans la division par centuries, étaient dans la sixième classe. (1) Jus Lații, jus Italicum. - (2) Les Eques disaient dans leurs assemblées : « Ceux qui ont pu choisir ont préféré leur loi au droit de la cité romaine, qui » a été une peine nécessaire pour ceux qui n'ont pu s'en défendre. » ( TiteLive, liv. IX, chap. XLV.)

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leurs prières, ils prirent la voie des armes; ils se révoltèrent dans tout ce côté qui regarde la mer Ionienne; les autres alliés allaient les suivre (1). Rome, obligée de combattre contre ceux qui étaient, pour ainsi dire, les mains avec lesquelles elle enchaînait l'univers, était perdue; elle allait être réduite à ses murailles : elle accorda ce droit tant désiré aux alliés qui n'avaient pas encore cessé d'être fidèles (2); et peu à peu elle l'accorda à tous. Pour lors Rome ne fut plus cette ville dont le peuple n'avait eu qu'un même esprit, un même amour pour la liberté, une même haine pour la tyrannie; où cette jalousie du pouvoir du sénat et des prérogatives des grands, toujours mêlée de respect, n'était qu'un amour de l'égalité. Les peuples d'Italie étant devenus ses citoyens, chaque ville y apporta son génie, ses intérêts particuliers, et sa dépendance de quelque grand protecteur (3). La ville déchirée ne forma plus qu'un tout ensemble; et, comme on n'en était citoyen que par une espèce de fiction, qu'on n'avait plus les mêmes magistrats, les mêmes murailles, les mêmes dieux, les mêmes temples, les mêmes sépultures, on ne vit plus Rome des mêmes yeux, on n'eut plus le même amour pour la patrie, et les sentimens romains ne furent plus.

Les ambitieux firent venir à Rome des villes et des nations entières pour troubler les suffrages, ou se les faire donner; les assemblées furent de véritables conjurations; on appela comices une troupe de quelques séditieux; l'autorité du peuple, ses lois, lui-même, devinrent des choses chimériques; et l'anarchie fut telle, qu'on ne put plus savoir si le peuple avait fait une ordonnance, ou s'il ne l'avait point faite (4).

On n'entend parler, dans les auteurs, que des divisions qui perdirent Rome; mais on ne voit pas que ces divisions y étaient nécessaires, qu'elles y avaient toujours été, et qu'elles y devaient toujours être. Ce fut uniquement la grandeur de la république qui fit le mal, et qui changea en guerres civiles les tumultes populaires. Il fallait bien qu'il y eût à Rome des divisions : et ces guerriers si fiers, si audacieux, si terribles au dehors, ne pouvaient pas être bien modérés au dedans. Demander, dans un état libre, des gens hardis dans la guerre, et timides dans la paix,

(1) Les Asculans, les Marscs, les Vestins, les Marrucins, les Férentans, les Hispins, les Pompéians, les Vénusiens, les Japyges, les Lucaniens, les Samnites, et autres. ( Appien, de la Guerre civile, liv. I.) (2) Les Toscans, les Ombriens, les Latins. Cela porta quelques peuples à se soumettre; et comme on les fit aussi citoyens, d'autres posèrent encore les armes ; et enfin il ne resta que les Samnites, qui furent exterminés. (3) Qu'on s'imagine cette tête monstrueuse des peuples d'Italie, qui, par le suffrage de chaque homme conduisait le reste du monde. (4) Voyez les Lettres de Cicéron à Atticus liv. IV, lettre 13.

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