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à rendre les Romains les maîtres du monde, c'est qu'ayant combattu successivement contre tous les peuples, ils ont toujours renoncé à leurs usages sitôt qu'ils en ont trouvé de meilleurs.

On pensait alors, dans les républiques d'Italie, que les traités qu'elles avaient faits avec un roi ne les obligeaient point envers son successeur; c'était pour elles une espèce de droit des gens (1): ainsi tout ce qui avait été soumis par un roi de Rome se prétendait libre sous un autre, et les guerres naissaient toujours des guerres.

Le règne de Numa, long et pacifique, était très-propre à laisser Rome dans sa médiocrité ; et si elle eût eu dans ce temps-là un territoire moins borné et une puissance plus grande, il y a apparence que sa fortune eût été fixée pour jamais.

Une des causes de sa prospérité, c'est que ses rois furent tous de grands personnages. On ne trouve point ailleurs dans les histoires une suite non interrompue de tels hommes d'état et de tels capitaines.

Dans la naissance des sociétés, ce sont les chefs des républiques qui font l'institution; et c'est ensuite l'institution qui forme les chefs des républiques.

Tarquin prit la couronne sans être élu par le sénat (2) ni par le peuple. Le pouvoir devenait héréditaire; il le rendit absolu. Ces deux révolutions furent bientôt suivies d'une troisième.

Son fils Sextus, en violant Lucrèce, fit une chose qui a presque toujours fait chasser les tyrans d'une ville où ils ont commandé : car le peuple, à qui une action pareille fait si bien sentir sa servitude, prend d'abord une résolution extrême.

Un peuple peut aisément souffrir qu'on exige de lui de nouveaux tributs; il ne sait pas s'il ne retirera point quelque utilité de l'emploi qu'on fera de l'argent qu'on lui demande : mais quand on lui fait un affront, il ne sent que son malheur, et il y ajoute l'idée de tous les maux qui sont possibles.

Il est pourtant vrai que la mort de Lucrèce ne fut que l'occasion de la révolution qui arriva : car un peuple fier, entreprenant, hardi, et renfermé dans des murailles, doit nécessairement secouer le joug, ou adoucir ses mœurs.

Il devait arriver de deux choses l'une; ou que Rome changerait son gouvernement, ou qu'elle resterait une petite et pauvre monarchie.

L'histoire moderne nous fournit un exemple de ce qui arriva pour lors à Rome : ́et ceci est bien remarquable; 'car, comme les

(1) Cela paraît par toute l'histoire des rois de Rome. —(2) Le sénat nommait un magistrat de l'interrègne, qui élisait le roi cette élection devait être con firmée par le peuple. Voyez Denys d'Halicarnasse, liv. II, III et IV.

hommes ont eu dans tous les temps les mêmes passions, les occasions qui produisent les grands changemens sont différentes, mais les causes sont toujours les mêmes.

Comme Henri VII, roi d'Angleterre, augmenta le pouvoir des communes pour avilir les grands; Servius Tullius, avant lui, avait étendu les priviléges du peuple (1) pour abaisser le sénat. Mais le peuple, devenu d'abord plus hardi, renversa l'une et l'autre monarchie.

Le portrait de Tarquin n'a point été flatté; son nom n'a échappé à aucun des orateurs qui ont eu à parler contre la tyrannie; mais sa conduite avant son malheur, que l'on voit qu'il prévoyait; sa douceur pour les peuples vaincus, sa libéralité envers les soldats, cet art qu'il eut d'intéresser tant de gens à sa conservation, ses ouvrages publics, son courage à la guerre, sa constance dans son malheur, une guerre de vingt ans qu'il fit ou qu'il fit faire au peuple romain, sans royaume et sans biens, ses continuelles ressources, font bien voir que ce n'était pas un homme méprisable.

Les places que la postérité donne sont sujettes, comme les autres, aux caprices de la fortune. Malheur à la réputation de tout prince qui est opprimé par un parti qui devient le dominant, ou qui a tenté de détruire un préjugé qui lui survit!

Rome, ayant chassé les rois, établit des consuls annuels ; c'est encore ce qui la porta à ce haut degré de puissance. Les princes ont dans leur vie des périodes d'ambition; après quoi d'autres passions, et l'oisiveté même, succèdent : mais la république ayant des chefs qui changeaient tous les ans, et qui cherchaient à signaler leur magistrature pour en obtenir de nouvelles, il n'y avait pas un moment de perdu pour l'ambition; ils engageaient le sénat à proposer au peuple la guerre, et lui montraient tous les jours de nouveaux ennemis.

Ce corps y était déjà assez porté de lui-même: car, étant fatigué sans cesse par les plaintes et les demandes du peuple, il cherchait à le distraire de ses inquiétudes, et à l'occuper au dehors (2).

Or la guerre était presque toujours agréable au peuple, parce que, par la sage distribution du butin, on avait trouvé le moyen de la lui rendre utile.

Rome étant une ville sans commerce et presque sans arts, le pillage était le seul moyen que les particuliers eussent pour s'enrichir.

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(2) D'ailleurs l'au

(1) Voyez Zonaras, et Denys d'Halicarnasse, liv. IV. torité du sénat était moins bornée dans les affaires du dehors que dans celles de la ville.

On avait donc mis de la discipline dans la manière de piller, et on y observait à peu près le même ordre qui se pratique aujourd'hui chez les petits Tartares.

Le butin était mis en commun (1), et on le distribuait aux soldats: rien n'était perdu, parce qu'avant de partir, chacun avait juré qu'il ne détournerait rien à son profit. Or, les Romains étaient le peuple du monde le plus religieux sur le serment, qui fut toujours le nerf de leur discipline militaire.

Enfin, les citoyens qui restaient dans la ville jouissaient aussi des fruits de la victoire. On confisquait une partie des terres du peuple vaincu, dont on faisait deux parts: l'une se vendait au profit du public; l'autre était distribuée aux pauvres citoyens, sous la charge d'une rente en faveur de la république.

Les consuls, ne pouvant obtenir l'honneur du triomphe que par une conquête ou une victoire, faisaient la guerre avec une impétuosité extrême: on allait droit à l'ennemi, et la force décidait d'abord.

Rome était donc dans une guerre éternelle et toujours violente: or, une nation toujours en guerre, et par principe de gouvernement, devait nécessairement périr, ou venir à bout de toutes les autres, qui, tantôt en guerre, tantôt en paix, n'étaient jamais si propres à attaquer, ni si préparées à se défendre.

Par-là les Romains acquirent une profonde connaissance de l'art militaire. Dans les guerres passagères, la plupart des exemples sont perdus ; la paix donne d'autres idées, et on oublie ses fautes et ses vertus mêmes.

Une autre suite du principe de la guerre continuelle fut que les Romains ne firent jamais la paix que vainqueurs: en effet, à quoi bon faire une paix honteuse avec un peuple pour en aller attaquer un autre?

Dans cette idée, ils augmentaient toujours leurs prétentions à mesure de leurs défaites : par-là ils consternaient les vainqueurs, et s'imposaient à eux-mêmes une plus grande nécessité de vaincre.

Toujours exposés aux plus affreuses vengeances, la constance et la valeur leur devinrent nécessaires; et ces vertus ne purent être distinguées chez eux de l'amour de soi-même, de sa famille, de sa patrie, et de tout ce qu'il y a de plus cher parmi les hommes.

Les peuples d'Italie n'avaient aucun usage (2) des machineş

(1) Voyez Polybe, liv. X, chap. XVI. — (2) Denys d'Halicarnasse le dit formellement, liv. IX; et cela paraît par l'histoire. Ils ne savaient point faire de galeries pour se mettre à couvert des assiégés ; ils tâchaient de prendre les villes par escalade. Ephorus a écrit qu'Artémon, ingénieur, inventa les grosses ma

propres à faire les siéges; et de plus, les soldats n'ayant point de paie, on ne pouvait pas les retenir long-temps devant une place : ainsi peu de leurs guerres étaient décisives. On se battait pour avoir le pillage du camp ennemi ou de ses terres; après quoi le vainqueur et le vaincu se retiraient chacun dans sa ville. C'est ce qui fit la résistance des peuples d'Italie, et en même temps l'opiniâtreté des Romains à les subjuguer : c'est ce qui donna à ceux-ci des victoires qui ne les corrompirent point, et qui leur laissèrent toute leur pauvreté.

S'ils avaient rapidement conquis toutes les villes voisines, ils. se seraient trouvés dans la décadence à l'arrivée de Pyrrhus, des Gaulois et d'Annibal; et, par la destinée de presque tous les états du monde, ils auraient passé trop vite de la pauvreté aux richesses, et des richesses à la corruption.

Mais Rome, faisant toujours des efforts, et trouvant toujours des obstacles, faisait sentir sa puissance sans pouvoir l'étendre ; et, dans une circonférence très-petite, elle s'exerçait à des vertus qui devaient être si fatales à l'univers.

Tous les peuples d'Italie n'étaient pas également belliqueux : les Toscans étaient amollis par leurs richesses et par leur luxe; les Tarentins, les Capouans, presque toutes les villes de la Campanie et de la grande Grèce, languissaient dans l'oisiveté et dans les plaisirs. Mais les Latins, les Herniques, les Sabins, les Eques et les Volsques, aimaient passionnément la guerre : ils étaient autour de Rome; ils lui firent une résistance inconcevable, et furent ses maîtres en fait d'opiniâtreté.

Les villes latines étaient des colonies d'Albe, qui furent fondées (1) par Latinus Sylvius. Outre une origine commune avec les Romains, elles avaient encore des rites communs; et Servius Tullius (2) les avait engagées à faire bâtir un temple dans Rome pour être le centre de l'union des deux peuples. Ayant perdu une grande bataille auprès du lac Régille, elles furent soumises à une alliance et une société (3) de guerre avec les Romains.

On vit manifestement, pendant le peu de temps que dura la tyrannie des décemvirs, à quel point l'agrandissement de Rome dépendait de sa liberté. L'état sembla avoir perdu l'âme (4) qui le faisait mouvoir.

chines pour battre les plus fortes murailles. Périclès s'en servit le premier au siége de Samos, dit Plutarque, Vie de Périclès. — (1) Comme on le voit dans un traité intitulé, Origo gentis romance, qu'on croit être d'Aurélius Victor. (2) Denys d'Halicarnasse, liv. IV. (3) Voyez dans Denys d'Halicarnasse, liv. IV, un des traités faits avec eux. (4) Sous prétexte de donner au peuple des lois écrites, ils se saisirent du gouvernement. Voyez Denys d'Halicarnasse, liv. XI.

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Il n'y eut plus dans la ville que deux sortes de gens: ceux qui souffraient la servitude; et ceux qui, pour leurs intérêts particuliers, cherchaient à la faire souffrir. Les sénateurs se retirèrent de Rome, comme d'une ville étrangère; et les peuples voisins ne trouvèrent de résistance nulle part.

Le sénat ayant eu le moyen de donner une paie aux soldats, le siége de Veïes fut entrepris; il dura dix ans. On vit un nouvel art chez les Romains, et une autre manière de faire la guerre ; leurs succès furent plus éclatans; ils profitèrent mieux de leurs victoires; ils firent de plus grandes conquêtes; ils envoyèrent plus de colonies: enfin la prise de Veïes fut une espèce de révolution.

Mais les travaux ne furent pas moindres. S'ils portèrent de plus rudes coups aux Toscans, aux Eques et aux Volsques, cela même fit que les Latins et les Herniques, leurs alliés, qui avaient les mêmes armes et la même discipline qu'eux, les abandonnèrent; que des ligues se formèrent chez les Toscans; et que les Samnites, les plus belliqueux de tous les peuples de l'Italie, leur firent la guerre avec fureur.

Depuis l'établissement de la paie, le sénat ne distribua plus aux soldats les terres des peuples vaincus : il imposa d'autres conditions; il les obligea, par exemple, de fournir (1) à l'armée une solde pendant un certain temps, de lui donner du blé et des habits.

La prise de Rome par les Gaulois ne lui ôta rien de ses forces: l'armée, plus dissipée que vaincue, se retira presque entière à Veïes; le peuple se sauva dans les villes voisines; et l'incendie de la ville ne fut que l'incendie de quelques cabanes de pasteurs, CHAPITRE II.

De l'art de la guerre chez les Romains.

LES Romains se destinant à la guerre, et la regardant comme le seul art, ils mirent tout leur esprit et toutes leurs pensées à le perfectionner. C'est sans doute un dieu, dit Végèce (2), qui leur inspira la légion.

Ils jugèrent qu'il fallait donner aux soldats de la légion des armes offensives et défensives plus fortes et plus pesantes (3) que celles de quelque autre peuple que ce fût,

(1) Voyez les traités qui furent faits. (2) Liv. II, chap. XXI. — (3) Voyez Hans Polybe, et dans Josephe, de Bello judaico, liv. III, quelles étaient les armes du soldat romain. Il y a peu de différence, dit ce dernier, entre les chevaux chargés et les soldats romains. « Ils portent, dit Cicéron, leur nour¬ >> riture pour plus de quinze jours, tout ce qui est à leur usage, tout ce » qu'il faut pour se fortifier; et à l'égard de leurs armes, ils n'en sont pas plus embarrassés que de leurs mains, » ( Tuscul, liv. II, chap, xv. ).

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