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Ce qu'on appelait l'empire romain dans ce siècle-là était une espèce de république irrégulière, telle à peu près que l'aristocratie d'Alger, où la milice, qui a la puissance souveraine, fait et défait un magistrat qu'on appelle le dey et peut-être est-ce une règle assez générale, que le gouvernement militaire est, certains égards, plutôt républicain que monarchique.

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Et qu'on ne dise pas que les soldats ne prenaient de part au gouvernement que par leurs désobéissances et leurs révoltes: les harangues que les empereurs leur faisaient ne furent-elles pas la fin du genre de celles que les consuls et les tribuns avaient faites autrefois au peuple? Et, quoique les armées n'eussent pas un lieu particulier pour s'assembler, qu'elles ne se conduisissent point par de certaines formes, qu'elles ne fussent pas ordinairement de sang-froid, délibérant peu et agissant beaucoup, ne disposaient-elles pas en souveraines de la fortune publique? Et qu'était-ce qu'un empereur, que le ministre d'un gouvernement violent, élu pour l'utilité particulière des soldats?

Quand l'armée associa à l'empire Philippe (1), qui était préfet du prétoire du troisième Gordien, celui-ci demanda qu'on lui laissât le commandement entier, et il ne put l'obtenir : il harangua l'armée pour que la puissance fût égale entre eux, et il ne l'obtint pas non plus; il supplia qu'on lui laissåt le titre de César, et on le lui refusa; il demanda d'être préfet du prétoire, et on rejeta ses prières ; enfin il parla pour sa vie. L'armée, dans ses divers jugemens, exerçait la magistrature suprême.

Les barbares, au commencement inconnus aux Romains, ensuite seulement incommodes, leur étaient devenus redoutables. Par l'événement du monde le plus extraordinaire, Rome avait si bien anéanti tous les peuples, que, lorsqu'elle fut vaincue ellemême, il sembla que la terre en eût enfanté de nouveaux pour la détruire.

Les princes des grands états ont ordinairement peu de pays voisins qui puissent être l'objet de leur ambition s'il y en avait eu de tels, ils auraient été enveloppés dans le cours de la conquête. Ils sont donc bornés par des mers, des montagnes, et de vastes déserts que leur pauvreté fait mépriser. Aussi les Romains laissèrent-ils les Germains dans leurs forêts, et les peuples du nord dans leurs glaces; et il s'y conserva, ou même il s'y forma des nations qui enfin les asservirent eux-mêmes.

augustale, que, dans les cent soixante années qu'elle contient, il y eut soixante-dix personnes qui eurent, justement ou injustement, le titre de César adeò erant in illo principatu, quem tamen omnes miranur, comitia imperii semper incerta : ce qui fait bien voir la différence de ce gouvernement à celui de France, où ce royaume n'a eu, en douze cents ans de temps, que soixante-trois rois. (1) Voyez Jules Capitolin.

Sous le règne de Gallus, un grand nombre de nations, qui se rendirent ensuite plus célèbres, ravagèrent l'Europe; et les Perses, ayant envahi la Syrie, ne quittèrent leurs conquêtes que pour conserver leur butin.

Ces essaims de barbares qui sortirent autrefois du nord ne paraissent plus aujourd'hui. Les violences des Romains avaient fait retirer les peuples du midi au nord : tandis que la force qui les contenait subsista, ils y restèrent; quand elle fut affaiblie, ils se répandirent de toutes parts (1). La même chose arriva quelques siècles après. Les conquêtes de Charlemagne et ses tyrannies avaient une seconde fois fait reculer les peuples du midi au nord: sitôt que cet empire fut affaibli, ils se portèrent une seconde fois du nord au midi. Et si aujourd'hui un prince faisait en Europe les mêmes ravages, les, nations, repoussées dans le nord, adossées aux limites de l'univers, y tiendraient ferme jusqu'au moment qu'elles inonderaient et conquerraient l'Europe une troisième fois.

L'affreux désordre qui était dans la succession à l'empire étant venu à son comble, on vit paraître, sur la fin du règne de Valérien, et pendant celui de Gallien son fils, trente prétendans divers, qui, s'étant la plupart entre-détruits, ayant eu un règne très-court, furent nommés tyrans.

Valérien ayant été pris par les Perses, et Gallien son fils négligeant les affaires, les barbares pénétrèrent partout; l'empire se trouva dans cet état où il fut, environ un siècle après, en occident (2); et il aurait dès-lors été détruit sans un concours heureux de circonstances qui le relevèrent.

Odenat, prince de Palmyre, allié des Romains, chassa les Perses, qui avaient envahi presque toute l'Asie. La ville de Rome fit une armée de ses citoyens, qui écarta les barbares qui venaient la piller. Une armée innombrable de Scythes, qui passaient la mer avec six mille vaisseaux, périt par les naufrages, la misère, la faim, et sa grandeur même. Et, Gallien ayant été tué, Claude, Aurélien, Tacite et Probus, quatre grands hommes, qui, par un grand bonheur se succédèrent, rétablirent l'empire près de périr.

CHAPITRE XVII.

Changement dans l'état.

POUR prévenir les trahisons continuelles des soldats, les empereurs s'associèrent des personnes en qui ils avaient confiance;

(1) On voit à quoi se réduit la fameuse question, Pourquoi le Nord n'est

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et Dioclétien, sous prétexte de la grandeur des affaires, régla qu'il y aurait toujours deux empereurs et deux Césars. Il jugea quatre principales armées étant occupées par ceux qui auraient part à l'empire, elles s'intimideraient les unes les autres; que, les autres armées n'étant pas assez fortes pour entreprendre de faire leur chef empereur, elles perdraient peu à peu la coutume d'élire; et qu'enfin, la dignité de César étant toujours subordonnée, la puissance, partagée entre quatre pour la sûreté du gouvernement, ne serait pourtant dans toute son étendue qu'entre les mains de deux.

c'est que

Mais ce qui contint encore plus les gens de guerre, les richesses des particuliers et la fortune publique ayant diminué, les empereurs ne purent plus leur faire des dons si considérables; de manière que la récompense ne fut plus proportionnée au danger de faire une nouvelle élection.

D'ailleurs les préfets du prétoire, qui, pour le pouvoir et pour les fonctions, étaient à peu près comme les grands visirs de ces temps-là, et faisaient à leur gré massacrer les empereurs pour se mettre à leur place, furent fort abaissés par Constantin, qui ne leur laissa que les fonctions civiles, et en fit quatre au lieu de deux.

des

La vie des empereurs commença donc à être plus assurée; ils purent mourir dans leur lit, et cela sembla avoir un peu adouci leurs mœurs; ils ne versèrent plus le sang avec tant de férocité. Mais, comme il fallait que ce pouvoir immense débordât quelque part, on vit un autre genre de tyrannie, mais plus sourde : ce ne furent plus des massacres, mais des jugemens iniques, formes de justice qui semblaient n'éloigner la mort que pour flétrir la vie la cour fut gouvernée et gouverna par plus d'artifices, par des arts plus exquis, avec un plus grand silence: enfin, au lieu de cette hardiesse à concevoir une mauvaise action, et de cette impétuosité à la commettre, on ne vit plus régner que les vices des âmes faibles, et des crimes réfléchis.

:

Il s'établit un nouveau genre de corruption. Les premiers empereurs aimaient les plaisirs, ceux-ci la mollesse : ils se montrèrent moins aux gens de guerre; ils furent plus oisifs, plus livrés à leurs domestiques, plus attachés à leurs palais, et plus séparés de l'empire.

Le poison de la cour augmenta sa force à mesure qu'il fut plus séparé on ne dit rien, on insinua tout; les grandes réputations furent toutes attaquées; et les ministres et les officiers de guerre furent mis sans cesse à la discrétion de cette sorte de gens qui ne peuvent servir l'état, ni souffrir qu'on le serve avec gloire (1).

(1) Voy. ce que les auteurs nous disent de la cour de Constantin, de Valens, etc.

Enfin cette affabilité des premiers empereurs, qui seule pouvait leur donner le moyen de connaître leurs affaires, fut entièrement bannie. Le prince ne sut plus rien que sur le rapport de quelques confidens, qui, toujours de concert, souvent même lorsqu'ils semblaient être d'opinion contraire, ne faisaient auprès de lui que l'office d'un seul.

Le séjour de plusieurs empereurs en Asie, et leur perpétuelle rivalité avec les rois de Perse, firent qu'ils voulurent être adorés comme eux ; et Dioclétien, d'autres disent Galère, l'ordonna par un édit.

Ce faste et cette pompe asiatique s'établissant, les yeux s'y accoutumèrent d'abord; et, lorsque Julien voulut mettre de la simplicité et de la modestie dans ses manières, on appela oubli de la dignité ce qui n'était que la mémoire des anciennes mœurs. Quoique depuis Marc-Aurèle il y eût eu plusieurs empereurs, il n'y avait eu qu'un empire; et l'autorité de tous étant reconnue dans la province, c'était une puissance unique exercée par plu

sieurs.

Mais Galère et Constance Chlore n'ayant pu s'accorder, ils partagèrent réellement l'empire (1): et par cet exemple, qui fut suivi dans la suite par Constantin, qui prit le plan de Galère, et non pas celui de Dioclétien, il s'introduisit une coutume qui fut moins un changement qu'une révolution.

De plus, l'envie qu'eut Constantin de faire une ville nouvelle, la vanité de lui donner son nom, le déterminèrent à porter en Orient le siége de l'empire. Quoique l'enceinte de Rome ne fût pas à beaucoup près si grande qu'elle est à présent, les faubourgs en étaient prodigieusement étendus (2) : l'Italie, pleine de maisons de plaisance, n'était proprement que le jardin de Rome; les laboureurs étaient en Sicile, en Afrique, en Egypte (3), et les jardiniers en Italie : les terres n'étaient presque cultivées que par les esclaves des citoyens romains. Mais, lorsque le siége de l'empire fut établi en Orient, Rome presque toute entière y passa; les grands y menèrent leurs esclaves, c'est-à-dire, presque tout le peuple; et l'Italie fut privée de ses habitans.

Pour que la nouvelle ville ne cédât en rien à l'ancienne, Constantin voulut qu'on y distribuât aussi du blé, et ordonna que celui d'Égypte serait envoyé à Constantinople, et celui de l'Afrique à Rome; ce qui, me semble, n'était pas fort sensé.

(1) Voyez Orose, liv. VII, et Aurélius Victor. (2) Exspatiantia tecta multas addidére urbes, dit Pline, Histoire naturelle, liv. III. (3) On portait autrefois d'Italie, dit Tacite, du blé dans les provinces reculées, et elle n'est pas encore stérile; mais nous cultivons plutôt l'Afrique et l'Égypte, et nous aimons mieux exposer aux accidens la vie du peuple romain. ( Annales, liv. XII, chap. XLIII.)

Dans le temps de la république, le peuple romain, souverain de tous les autres, devait naturellement avoir part aux tributs: cela fit que le sénat lui vendit d'abord du blé à bas prix, et ensuite le lui donna pour rien. Lorsque le gouvernement fut devenu monarchique, cela subsista contre les principes de la monarchie : on laissait cet abus, à cause des inconvéniens qu'il y aurait eu à le changer. Mais Constantin, fondant une ville nouvelle, l'y établit sans aucune bonne raison.

Lorsque Auguste eut conquis l'Égypte, il apporta à Rome le trésor des Ptolémées : cela y fit à peu près la même révolution que la découverte des Indes a faite depuis en Europe, et que de certains systèmes ont faite de nos jours : les fonds doublerent de prix à Rome (1). Et comme Rome continua d'attirer à elle les richesses d'Alexandrie, qui recevait elle-même celles de l'Afrique et de l'Orient, l'or et l'argent devinrent très-communs en Europe; ce qui mit les peuples en état de payer des impôts trèsconsidérables en espèces.

Mais lorsque l'empire eut été divisé, ces richesses allèrent à Constantinople. On sait d'ailleurs que les mines d'Angleterre n'étaient point encore ouvertes (2); qu'il y en avait très-peu en Italie et dans les Gaules (3); que, depuis les Carthaginois, les mines d'Espagne n'étaient guère plus travaillées, ou du moins n'étaient plus si riches (4). L'Italie, qui n'avait plus que des jardins abandonnés, ne pouvait par aucun moyen attirer l'argent de l'Orient, pendant que l'Occident, pour avoir de ses marchandises, y envoyait le sien. L'or et l'argent devinrent donc extrêmement rares en Europe: mais les empereurs y voulurent exiger les mêmes tributs; ce qui perdit tout.

et

Lorsque le gouvernement a une forme depuis long-temps établie, que les choses se sont mises dans une certaine situation, il est presque toujours de la prudence de les y laisser, parce que les raisons souvent compliquées et inconnues, qui font qu'un pareil état a subsisté, font qu'il se maintiendra encore : mais, quand on change le système total, on ne peut remédier qu'aux inconvéniens qui se présentent dans la théorie, et on en laisse d'autres que la pratique seule peut faire découvrir.

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(1) Suétone, in Augusto. Orose, liv. VI. Rome avait eu souvent de ces révolutions. J'ai dit que les trésors de Macédoine qu'on y apporta avaient fait cesser tous les tributs. ( Cicéron, des Offices, liv. II.) - (2) Tacite, de Moribus Germanorum, le dit formellement. On sait d'ailleurs à peu près l'époque de l'ouverture des mines d'Allemagne. ( Voyez Thomas Sesreiberus, sur l'origine des mines du Hartz. On croit celles de Saxe moins anciennes.) (3) Voyez Pline, liv. XXXVII, art. 77. · (4) Les Carthaginois, dit Diodore, surent très-bien l'art d'en profiter; et les Romains, celui d'empêcher que les autres n'en profitassent.

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