Εικόνες σελίδας
PDF
Ηλεκτρ. έκδοση

Ainsi, quoique l'empire ne fût déjà que trop grand, la division qu'on en fit le ruina, parce que toutes les parties de ce grand corps, depuis long-temps ensemble, s'étaient, pour ainsi dire, ajustées pour y rester et dépendre les unes des autres.

Constantin (1), après avoir affaibli la capitale, frappa un autre coup sur les frontières; il ôta les légions qui étaient sur le bord des grands fleuves, et les dispersa dans les provinces : ce qui produisit deux maux : l'un, que la barrière qui contenait tant de nations fut ôtée ; et l'autre, que les soldats (2) vécurent et s'amollirent dans le Cirque et dans les théâtres (3).

Lorsque Constantius envoya Julien dans les Gaules, il trouva que cinquante villes le long du Rhin (4) avaient été prises par les barbares; que les provinces avaient été saccagées; qu'il n'y avait plus que l'ombre d'une armée romaine, que le seul nom des ennemis faisait fuir.

Ce prince, par sa sagesse, sa constance, son économie, sa conduite, sa valeur, et une suite continuelle d'actions héroïques, rechassa les barbares (5); et la terreur de son nom les contint tant qu'il vécut (6).

La brièveté des règnes, les divers partis politiques, les différentes religions, les sectes particulières de ces religions, ont fait que le caractère des empereurs est venu à nous extrêmement défiguré. Je n'en donnerai que deux exemples. Cet Alexandre, si lache dans Hérodien, paraît plein de courage dans Lampridius: ce Gratien, tant loué par les orthodoxes, Philostorgue le compare

à Néron.

Valentinien sentit plus que personne la nécessité de l'ancien plan: il employa toute sa vie à fortifier les bords du Rhin, à y faire des levées, y bâtir des châteaux, y placer des troupes, leur donner le moyen d'y subsister. Mais il arriva dans le monde un événement qui détermina Valens son frère à ouvrir le Danube, et eut d'effroyables suites.

Dans le pays qui est entre les Palus-Méotides, les montagnes du Caucase et la mer Caspienne, il y avait plusieurs peuples qui

[ocr errors]

(1) Dans ce qu'on dit de Constantin, on ne choque point les auteurs ecclésiastiques, qui déclarent qu'ils n'entendent parler que des actions de ce prince qui ont du rapport à la piété, et non de celles qui en ont au gouvernement de l'état. Eusèbe, Vie de Constantin, liv. I, chap. Ix; Socrate, liv. I, chap. 1.) (2) Zosime, liv. VIII. (3) Depuis l'établissement du christianisme, les combats des gladiateurs devinrent rares. Constantin défendit d'en donner ils furent entièrement abolis sous Honorius, comme il paraît par Théodoret et Othon de Frisingue. Les Romains ne retinrent de leurs anciens spectacles que ce qui pouvait affaiblir les courages, et servait d'attrait à la volupté. — (4) Ammien Marcellin, liv. XVI, XVII et XVIII. (5) Id. ibid. (6) Voyez le magnifique éloge qu'Ammien Marcellin fait de ce prince liv. XXV. Voyez aussi les fragmens de l'histoire de Jean d'Antioche.

:

étaient la plupart de la nation des Huns ou de celle des Alains : leurs terres étaient extrêmement fertiles; ils aimaient la guerre et le brigandage; ils étaient presque toujours à cheval ou sur leurs chariots, et erraient dans le pays où ils étaient enfermés : ils faisaient bien quelques ravages sur les frontières de Perse et d'Arménie; mais on gardait aisément les portes caspiennes, et ils pouvaient difficilement pénétrer dans la Perse par ailleurs. Comme ils n'imaginaient point qu'il fût possible de traverser les PalusMéotides (1), ils ne connaissaient pas les Romains ; et pendant que d'autres barbares ravageaient l'empire, ils restaient dans les limites que leur ignorance leur avait données.

Quelques-uns (2) ont dit que le limon que le Tanaïs avait apporté avait formé une espèce de croûte sur le Bosphore cimmérien, sur laquelle ils avaient passé; d'autres (3), que deux jeunes Scythes, poursuivant ́une biche qui traversa ce bras de mer, le traversèrent aussi. Ils furent étonnés de voir un nouveau monde; et, retournant dans l'ancien, ils apprirent à leurs compatriotes les nouvelles terres, et, si j'ose me servir de ce terme les Indes qu'ils avaient découvertes (4).

D'abord des corps innombrables de Huns passèrent; et rencontrant les Goths les premiers, ils les chassèrent devant eux. Il semblait que ces nations se précipitassent les unes sur les autres, et que l'Asie, pour peser sur l'Europe, eût acquis un nouveau poids.

Les Goths, effrayés, se présentèrent sur les bords du Danube, et, les mains jointes, demandèrent une retraite. Les flatteurs de Valens saisirent cette occasion, et la lui représenterent comme une conquête heureuse d'un nouveau peuple qui venait défendre l'empire et l'enrichir (5).

Valens ordonna qu'ils passeraient sans armes; mais, pour de l'argent, ses officiers leur en laissèrent tant qu'ils voulurent (6). Il leur fit distribuer des terres : mais, à la différence des Huns les Goths n'en cultivaient point (7); on les priva même du blé

-

--

[ocr errors]

(1) Procope, Histoire mêlée. (2) Zosime, liv. IV. (3) Jornandès, de Rebus geticis. Histoire mêlée de Procope. -(4) Voyez Sozomène, liv, VI. – (5) Ammien Marcellin, liv. XXIX. — (6) De ceux qui avaient reçu ces ordres, celui-ci concut un amour infâme; celui-là fut épris de la beauté d'une femme barbare; les autres furent corrompus par des présens, des habits de lin, et des couvertures bordées de franges: on n'eut d'autre soin que de remplir sa maison d'esclaves, et ses fermes de bétail. (Histoire de Dexippe.) (7) Voyez l'Histoire gothique ́de Priscus, où cette différence est bien établie. -On demandera peut-être comment des nations qui ne cultivaient point les terres pouvaient devenir si puissantes, tandis que celles de l'Amérique sont si petites. C'est que les peuples pasteurs ont une subsistance bien plus assurée que les peuples chasseurs. Il paraît, par Ammien Marcellin, que les Huns, dans leur première demeure, ne labouraient point les champs; ils ne vivaient

qu'on leur avait promis : ils mouraient de faim, et ils étaient au milieu d'un pays riche; ils étaient armés, et on leur faisait des injustices. Ils ravagèrent tout depuis le Danube jusqu'au Bosphore, exterminèrent Valens et son armée, et ne repassèrent le Danube que pour abandonner l'affreuse solitude qu'ils avaient faite (1).

CHAPITRE XVIII.

Nouvelles maximes prises par les Romains.

QUELQUEFOIS la lâcheté des empereurs, souvent la faiblesse de l'empire, firent que l'on chercha à apaiser par de l'argent les peuples qui menaçaient d'envahir (2). Mais la paix ne peut pas s'acheter, parce que celui qui l'a vendue n'en est que plus en état de la faire acheter encore.

Il vaut mieux courir le risque de faire une guerre malheureuse que de donner de l'argent pour avoir la paix; car on respecte toujours un prince lorsqu'on sait qu'on ne le vaincra qu'après une longue résistance.

D'ailleurs ces sortes de gratifications se changeaient en tributs, et, libres au commencement, devenaient nécessaires : elles furent regardées comme des droits acquis; et, lorsqu'un empereur les refusa à quelques peuples, ou voulut donner moins, ils devinrent de mortels ennemis. Entre mille exemples, l'armée que Julien mena contre les Perses fut poursuivie, dans sa retraite, par des Arabes à qui il avait refusé le tribut accoutumé (3); et d'abord après, sous l'empire de Valentinien, les Allemands, à qui on avait offert des présens moins considérables qu'à l'ordinaire, s'en indignèrent ; et ces peuples du nord, déjà gouvernés par le point d'honneur, se vengèrent de cette insulte prétendue par une cruelle guerre.

Toutes ces nations (4), qui entouraient l'empire en Europe et en Asie, absorbèrent peu à peu les richesses des Romains; et, comme ils s'étaient agrandis parce que l'or et l'argent de tous les rois étaient portés chez eux (5), ils s'affaiblirent parce que leur or et leur argent étaient portés chez les autres.

que de leurs troupeaux dans un pays abondant en pâturages et arrosé par quantité de fleuves, comme font encore aujourd'hui les petits Tartares qui habitent une partie du même pays. Il y a apparence que ces peuples, depuis leur départ, ayant habité des lieux moins propres à la nourriture des troupeaux, commencèrent à cultiver les terres. (1) Voyez Zosime, liv. IV. Voyez aussi Dexippe, dans l'Extrait des Ambassades de Constantin Porphyrogénète. · (2) On donna d'abord tout aux soldats; ensuite on donna tout aux ennemis. (3) Ammien Marcellin, liv. XXV. —(4) Idem, liv. XXVI. -(5) « Vous voulez des richesses (disait un empereur à son armée qui murmurait): « Voilà le pays des Perses; allons - en chercher. Croyez-moi, de >> tant de trésors que possédait la république romaine, il ne reste plus rien;

Les fautes que font les hommes d'état ne sont pas toujours libres souvent ce sont des suites nécessaires de la situation où l'on est; et les inconvéniens ont fait naître les inconvéniens.

:

La milice, comme on a déjà vu, était devenue très à charge à l'état : les soldats avaient trois sortes d'avantages, la paie ordinaire, la récompense après le service, et les libéralités d'accident, qui devenaient très-souvent des droits pour des gens qui avaient le peuple et le prince entre leurs mains.

L'impuissance où l'on se trouva de payer ces charges fit que l'on prit une milice moins chère. On fit des traités avec des nations barbares qui n'avaient ni le luxe des soldats romains, ni le même esprit, ni les mêmes prétentions.

Il y avait une autre commodité à cela: comme les barbares tombaient tout-à-coup sur un pays, n'y ayant point chez eux de préparatifs après la résolution de partir, il était difficile de faire des levées à temps dans les provinces. On prenait donc un autre corps de barbares, toujours prêt à recevoir de l'argent, à piller et à se battre. On était servi pour le moment mais dans la suite on avait autant de peine à réduire les auxiliaires les ennemis.

que

Les premiers Romains (1) ne mettaient point dans leurs armées un plus grand nombre de troupes auxiliaires que de romaines; et, quoique leurs alliés fussent proprement des sujets ils ne voulaient point avoir pour sujets des peuples plus belliqueux qu'eux-mêmes.

Mais, dans les derniers temps, non-seulement ils n'observèrent pas cette proportion des troupes auxiliaires, mais même ils remplirent de soldats barbares les corps de troupes nationales.

Ainsi ils établissaient des usages tout contraires à ceux qui les avaient rendus maîtres de tout : et comme autrefois leur politique constante fut de se réserver l'art militaire et d'en priver tous leurs voisins, ils le détruisaient pour lors chez eux, et l'établissaient chez les autres.

Voici, en un mot, l'histoire des Romains: ils vainquirent tous les peuples par leurs maximes: mais, lorsqu'ils y furent parvenus, leur république ne put subsister; il fallut changer de gouvernement; et des maximes contraires aux premières, employées dans ce gouvernement nouveau, firent tomber leur grandeur.

>> et le mal vient de ceux qui ont appris aux princes à acheter la paix des » barbares. Nos finances sont épuisées, nos villes détruites, nos provinces rui»nées. Un empereur qui ne connaît d'autres biens que ceux de l'âme, n'a >> pas honte d'avouer une pauvreté honnête. » (Ammien Marcellin, liv. XXIV.) — (1) C'est une observation de Végèce; et il paraît par Tite-Live que, si le nombre des auxiliaires excéda quelquefois, ce fut de bien peu.

Ce n'est pas la fortune qui domine le monde : on peut le demander aux Romains, qui eurent une suite continuelle de prospérités, quand ils se gouvernèrent sur un certain plan, et une suite non interrompue de revers, lorsqu'ils se conduisirent sur un autre. Il y a des causes générales, soit morales, soit physiques, qui agissent dans chaque monarchie, l'élèvent, la maintiennent, ou la précipitent; tous les accidens sont soumis à ces causes; et si le hasard d'une bataille, c'est-à-dire une cause particulière, a ruiné un état, il y avait une cause générale qui faisait que cet état devait périr par une seule bataille : en un mot, l'allure principale entraîne avec elle tous les accidens particuliers.

Nous voyons que, depuis près de deux siècles, les troupes de terre de Danemarck ont presque toujours été battues par celles de Suède. Il faut qu'indépendamment du courage des deux nations et du sort des armes, il y ait dans le gouvernement danois, militaire ou civil, un vice intérieur qui ait produit cet effet; et je ne le crois point difficile à découvrir.

Enfin les Romains perdirent leur discipline militaire; ils abandonnèrent jusqu'à leurs propres armes. Végèce dit que, les soldats les trouvant trop pesantes, ils obtinrent de l'empereur Gratien de quitter leur cuirasse, et ensuite leur casque; de façon qu'exposés aux coups sans défense, ils ne songèrent plus qu'à fuir (1).

Il ajoute qu'ils avaient perdu la coutume de fortifier leur camp, et que, par cette négligence, leurs armées furent enlevées par la cavalerie des barbares.

La cavalerie fut peu nombreuse chez les premiers Romains; elle ne faisait que la onzième partie de la légion, et très-souvent moins; et, ce qu'il y a d'extraordinaire, ils en avaient beaucoup moins que nous, qui avons tant de siéges à faire, où la cavalerie est peu utile. Quand les Romains furent dans la décadence, ils n'eurent presque plus que de la cavalerie. Il me semble que plus une nation se rend savante dans l'art militaire, plus elle agit par son infanterie; et que moins elle le connaît, plus elle multiplie sa cavalerie: c'est que, sans la discipline, l'infanterie pesante ou légère n'est rien, au lieu que la cavalerie va toujours dans son désordre même (2). L'action de celle-ci consiste plus dans son impétuosité et un certain choc; celle de l'autre, dans sa résistance et une certaine immobilité : c'est plutôt une réaction qu'une action. Enfin la force de la cavalerie est momen

(1) De Re militari, liv. I, chap. xx. - (2) La cavalerie tartare, sans observer aucune de nos maximes militaires, a fait, dans tous les temps, de grandes choses. ( Voyez les relations, et surtout celle de la dernière conquête de la Chine.)

« ΠροηγούμενηΣυνέχεια »