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tanée : l'infanterie agit plus long-temps; mais il faut de la discipline pour qu'elle puisse agir long-temps. Les Romains parvinrent à commander à tous les peuples, nonseulement par l'art de la guerre, mais aussi par leur prudence, leur sagesse, leur constance, leur amour pour la gloire et pour la patrie. Lorsque, sous les empereurs, toutes ces vertus s'évanouirent, l'art militaire leur resta, avec lequel, malgré la faiblesse et la tyrannie de leurs princes, ils conservèrent ce qu'ils avaient acquis; mais, lorsque la corruption se mit dans la milice même, ils devinrent la proie de tous les peuples.

Un empire fondé par les armes a besoin de se soutenir par les armes. Mais comme, lorsqu'un état est dans le trouble, on n'imagine pas comment il peut en sortir; de même, lorsqu'il est en paix, et qu'on respecte sa puissance, il ne vient point dans l'esprit comment cela peut changer : il néglige donc la milice, dont il croit n'avoir rien à espérer et tout à craindre, et souvent même il cherche à l'affaiblir.

C'était une règle inviolable des premiers Romains, que quiconque avait abandonné son poste, ou laissé ses armes dans le combat, était puni de mort. Julien et Valentinien avaient, cet égard, rétabli les anciennes peines. Mais les barbares pris à la solde des Romains, accoutumés à faire la guerre comme la font aujourd'hui les Tartares, à fuir pour combattre encore, chercher le pillage plus que l'honneur (1), étaient incapables d'une pareille discipline.

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Telle était la discipline des premiers Romains, qu'on y avait vu des généraux condamner leurs enfans à mourir pour avoir, sans leur ordre, gagné la victoire : mais, quand ils furent mêlés parmi les barbares, ils y contractèrent un esprit d'indépendance qui faisait le caractère de ces nations; et, si l'on lit les guerres de Bélisaire contre les Goths, on verra un général presque toujours désobéi par ses officiers.

Sylla et Sertorius, dans la fureur des guerres civiles, aimaient mieux périr que de faire quelque chose dont Mithridate pût retirer avantage : mais, dans les temps qui suivirent, dès qu'un ministre ou quelque grand crut qu'il importait à son avarice, à sa vengeance, à son ambition, de faire entrer les barbares dans l'empire, il le leur donna d'abord à ravager (2).

(1) Ils ne voulaient pas s'assujettir aux travaux des soldats romains. Voyez Ammien Marcellin, liv. XVIII, qui dit, comme une chose extraordinaire, qu'ils s'y soumirent en une occasion, pour plaire à Julien, qui voulait mettre des places en état de défense. · (2) Cela n'était pas étonnant dans ce mélange avec des nations qui avaient été errantes, qui ne connaissaient point de patrie, et où souvent des corps entiers de troupes se joignaient à l'ennemi qui les avait vaincus, contre leur nation même. (Voyez, dans Procope, ce que

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Il n'y a point d'état où l'on ait plus besoin de tributs que dans. ceux qui s'affaiblissent; de sorte que l'on est obligé d'augmenter les charges à mesure que l'on est moins en état de les porter : bientôt, dans les provinces romaines, les tributs devinrent intolérables.

Il faut lire dans Salvien les horribles exactions que l'on faisait sur les peuples (1). Les citoyens poursuivis par les traitans n'avaient d'autres ressources que de se réfugier chez les barbares, ou de donner leur liberté au premier qui la voulait prendre.

Ceci servira à expliquer, dans notre histoire française, cette patience avec laquelle les Gaulois souffrirent la révolution qui devait établir cette différence accablante entre une nation noble et une nation roturière. Les barbares, en rendant tant de citoyens esclaves de la glèbe, c'est-à-dire, du champ auquel ils étaient attachés, n'introduisirent guère rien qui n'eût été plus cruellement exercé avant eux (2).

CHAPITRE XIX.

Grandeur d'Attila. Cause de l'établissement des barbares. - Raisons pourquoi l'empire d'Occident fut le premier abattu.

COMME dans le temps que l'empire s'affaiblissait la religion chrétienne s'établissait, les Chrétiens reprochaient aux Païens cette décadence, et ceux-ci en demandaient compte à la religion chrétienne. Les Chrétiens disaient que Dioclétien avait perdu l'empire en s'associant trois collègues (3), parce que chaque empereur voulait faire d'aussi grandes dépenses et entretenir d'aussi fortes armées que s'il avait été seul; que par-là, le nombre de ceux qui recevaient n'étant pas proportionné au nombre de ceux qui donnaient, les charges devinrent si grandes, que les terres furent abandonnées par les laboureurs, et se changèrent en forêts. Les Païens, au contraire, ne cessaient de crier contre un culte nouveau, inouï jusqu'alors : et comme autrefois, dans Rome florissante, on attribuait les débordemens du Tibre et les autres effets de la nature à la colère des dieux, de même, dans Rome mourante, on imputait les malheurs à un nouveau culte et au renversement des anciens autels.

Ce fut le préfet Symmaque qui, dans une lettre écrite aux empereurs au sujet de l'autel de la Victoire, fit le plus valoir

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c'était que les Goths sous Vitigès. (1) Voyez tout le liv, V de Gubernatione Dei. Voyez aussi, dans l'Ambassade écrite par Priscus, le discours d'un Romain établi parmi les Huns, sur sa félicité dans ces pays-là. (2) Voyez encore Salvien, liv. V; et les lois du Code et du Digeste làdessus. (3) Lactance, de la Mort des Persécuteurs, chap. VII,

contre la religion chrétienne des raisons populaires, et par conséquent très-capables de séduire.

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Quelle chose peut mieux nous conduire à la connaissance » des dieux, disait-il, que l'expérience de nos prospérités passées? >> Nous devons être fidèles à tant de siècles, et suivre nos pères » qui ont suivi si heureusement les leurs. Pensez que Rome Vous parle et vous dit: Grands princes, pères de la patrie, respec» tez mes années pendant lesquelles j'ai toujours observé les cé» rémonies de mes ancêtres : ce culte a soumis l'univers à mes » lois; c'est par-là qu'Annibal a été repoussé de mes murailles, >> et que les Gaulois l'ont été du Capitole. C'est pour les dieux » de la patrie que nous demandons la paix; nous la demandons » pour les dieux indigètes. Nous n'entrons point dans les disputes qui ne conviennent qu'à des gens oisifs; et nous voulons >> offrir des prières, et non pas des combats (1).

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Trois auteurs célèbres répondirent à Symmaque : Orose composa son histoire pour prouver qu'il y avait toujours eu dans le monde d'aussi grands malheurs que ceux dont se plaignaient les Païens; Salvien fit son livre, où il soutient que c'étaient les déréglemens des Chrétiens qui avaient attiré les ravages des barbares (2); et S. Augustin fit voir que la cité du ciel était différente de cette cité de la terre (3) où les anciens Romains, pour quelques vertus humaines, avaient reçu des récompenses aussi vaines que ces vertus.

Nous avons dit que, dans les premiers temps, la politique des Romains fut de diviser toutes les puissances qui leur faisaient ombrage; dans la suite ils n'y purent réussir. Il fallut souffrir qu'Attila soumît toutes les nations du nord : il s'étendit depuis le Danube jusqu'au Rhin, détruisit tous les forts et tous les ouvrages qu'on avait faits sur ces fleuves, et rendit les deux empires tributaires.

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Théodose, disait-il insolemment, est fils d'un père très-noble, » aussi-bien que moi : mais, en me payant le tribut, il est dé>> chu de sa noblesse, et est devenu mon esclave; il n'est pas juste

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qu'il dresse des embûches à son maître, comme un esclave mé» chant (4).

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« Il ne convient pas à l'empereur, disait-il dans une autre occasion, d'être menteur. Il a promis à un de mes sujets de lui donner » en mariage la fille de Saturnilus: s'il ne veut pas tenir sa pa» role, je lui déclare la guerre ; s'il ne le peut pas, et qu'il soit » dans cet état qu'on ose lui désobéir, je marche à son secours. » (1) Lettres de Symmaque, liv. X, lett. 54. —(2) Du Gouvernement de Dieu. (3) De la Cité de Dieu. (4) Histoire gothique, et Relation de l'Ambassade écrite par Priscus. C'était Théodosé le jeune.

Il ne faut pas croire que ce fût par modération qu'Attila laissa subsister les Romains; il suivait les mœurs de sa nation, qui le portaient à soumettre les peuples, et non pas à les conquérir. Ce prince, dans sa maison de bois où nous le représente Priscus (1), maître de toutes les nations barbares, et, en quelque façon, de presque toutes celles qui étaient policées (2), était un des grands monarques dont l'histoire ait jamais parlé.

On voyait à sa cour les ambassadeurs des Romains d'Orient et de ceux d'Occident, qui venaient recevoir ses lois ou implorer sa clémence. Tantôt il demandait qu'on lui rendît les Huns transfuges, ou les esclaves romains qui s'étaient évadés; tantôt il voulait qu'on lui livrât quelque ministre de l'empereur. Il avait mis sur l'empire d'Orient un tribut de deux mille cent livres d'or. Il recevait les appointemens de général des armées romaines. Il envoyait à Constantinople ceux qu'il voulait récompenser, afin qu'on les comblât de biens, faisant un trafic continuel de la frayeur des Romains.

Il était craint de ses sujets, et il ne paraît pas qu'il en fût haï (3). Prodigieusement fier, et cependant rusé; ardent dans sa colère, mais sachant pardonner ou différer la punition suivant qu'il convenait à ses intérêts; ne faisant jamais la guerre quand la paix pouvait lui donner assez d'avantages; fidèlement servi des rois mêmes qui étaient sous sa dépendance, il avait gardé pour lui seul l'ancienne simplicité des mœurs des Huns. Du reste, on ne peut guère louer sur la bravoure le chef d'une nation où les enfans entraient en fureur au récit des beaux faits d'armes de leurs pères, et où les pères versaient des larmes parce qu'ils ne pouvaient pas imiter leurs enfans.

Après sa mort, toutes les nations barbares se redivisèrent; mais les Romains étaient si faibles, qu'il n'y avait pas de si petit peuple qui ne pût leur nuire.

Ce ne fut pas une certaine invasion qui perdit l'empire, ce furent toutes les invasions. Depuis celle qui fut si générale sous Gallus, il sembla rétabli, parce qu'il n'avait point perdu de terrain ; mais il alla, de degrés en degrés, de la décadence à sa chute, jusqu'à ce qu'il s'affaissât tout à coup sous Arcadius et Honorius.

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En vain on avait rechassé les barbares dans leur pays; ils seraient tout de même rentrés pour mettre en sûreté leur butin. En vain on les extermina; les villes n'étaient pas moins saccagées, les villages brûlés, les familles tuées ou dispersées (4).

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(1) Histoire gothique. Ha sedes Regis barbariem totam tenentis, hæc captis civitatibus habitacula præponebat. (Jornandès, de Rebus geticis.) — (2) Il paraît, par la relation de Priscus, qu'on pensait à la cour d'Attila à soumettre encore les Perses. - (3) Il faut consulter, sur le caractère de ce prince et les mœurs de sa cour, Jornandès et Priscus.- (4) C'était une nation bien

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Lorsqu'une province avait été ravagée, les barbares qui succédaient, n'y trouvant plus rien, devaient passer à une autre. On ne ravagea au commencement que la Thrace, la Mysie, la Pannonie; quand ces pays furent dévastés, on ruina la Macédoine, la Thessalie, la Grèce ; de là il fallut aller aux Noriques. L'empire, c'est-à-dire le pays habité, se rétrécissait toujours, et l'Italie devenait frontière.

La raison pourquoi il ne se fit point sous Gallus et Gallien d'établissement de barbares, c'est qu'ils trouvaient encore de quoi piller.

Ainsi, lorsque les Normands, image des conquérans de l'empire, eurent, pendant plusieurs siècles, ravagé la France, ne trouvant plus rien à prendre, ils acceptèrent une province qui était entièrement déserte, et se la partagèrent (1).

La Scythie, dans ces temps-là, étant presque toute inculte (2), les peuples y étaient sujets à des famines fréquentes; ils subsistaient en partie par un commerce avec les Romains, qui leur portaient des vivres des provinces voisines du Danube (3). Les barbares donnaient en retour les choses qu'ils avaient pillées, les prisonniers qu'ils avaient faits, l'or et l'argent qu'ils recevaient pour la paix. Mais, lorsqu'on ne put plus leur payer des tributs assez forts pour les faire subsister, ils furent forcés de s'établir (4). L'empire d'Occident fut le premier abattu en voici les raisons.

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Les barbares, ayant passé le Danube, trouvaient à leur gauche le Bosphore, Constantinople, et toutes les forces de l'empire d'Orient, qui les arrêtaient cela faisait qu'ils se tournaient à main droite, du côté de l'Illyrie, et se poussaient vers l'Occident. Il se fit un reflux de nations et un transport de peuples de ce côté-là. Les passages de l'Asie étant mieux gardés, tout refoulait

destructive que celle des Goths: ils avaient détruit tous les laboureurs dans la Thrace, et coupé les mains à tous ceux qui menaient les chariots. ( Histoire byzantine de Malchus, dans l'Extrait des Ambassades.) — (1) Voyez, dans les chroniques recueillies par André du Chesne, l'état de cette province vers la fin du neuvième et le commencement du dixième siècle. (Script. Norm. hist. veteres.) (2) Les Goths, comme nous l'avons dit, ne cultivaient point la terre. Les Vandales les appelaient Trulles, du nom d'une petite mesure, parce que, dans une famine, ils leur vendirent fort cher une pareille mesure de blé. (Olympiodore, dans la Bibliothèque de Phocius liv. XXX.) — (3) On voit dans l'histoire de Priscus, qu'il y avait des marchés établis par les traités sur les bords du Danube. -(4) Quand les Goths envoyèrent prier Zénon de recevoir dans son alliance Theudéric, fils de Triarius, aux conditions qu'il avait accordées à Theudéric, fils de Balamer, le sénat consulté répondit que les revenus de l'état n'étaient pas suffisans pour nourrir deux peuples goths, et qu'il fallait choisir l'amitié de l'un des deux. (Histoire de Malchus, dans l'Extrait des Ambassades.)

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