Εικόνες σελίδας
PDF
Ηλεκτρ. έκδοση

respecter son gouvernement; mais il vouloit aussi un sénat qui satisfît, à tous les momens, ses craintes, ses jalousies, ses haines; enfin, l'homme d'état cédoit continuellement à l'homme.

Nous avons dit que le peuple avoit autrefois obtenu, des patriciens, qu'il auroit des magistrats de son corps qui le défendroient contre les insultes et les injustices qu'on pourroit lui faire; afin qu'ils fussent en état d'exercer ce pouvoir, on les déclara sacrés et inviolables; et on ordonna que quiconque maltraiteroit un tribun, de fait ou de paroles, seroit sur-lechamp puni de mort. Or, les empereurs étant revêtus de la puissance des tribuns, ils en obtinrent les privilèges; et c'est sur ce fondement qu'on fit mourir tant de gens; que les délateurs purent faire leur métier tout à leur aise; et que l'accusation de lèse-majesté, ce crime, dit Pline, de ceux à qui on ne peut point imputer de crime, fut étendu à ce qu'on voulut.

Je crois pourtant que quelques-uns de ces titres d'accusation n'étoient pas si ridicules qu'ils nous paroissent aujourd'hui; et je ne puis penser que Tibère eût. fait accuser un homme pour avoir vendu, avec sa maison,

la statue de l'empereur; que Domitien eût fait condamner à mort une femme pour s'être déshabillée devant son image, et un citoyen, parce qu'il avoit la description de toute la terre peinte sur les murailles de sa chambre si ces actions n'avoient réveillé, dans l'esprit des Romains, que l'idée qu'elles nous donnent à présent. Je crois qu'une partie de cela est fondée sur ce que Rome ayant changé de gouvernement, ce qui ne nous paroît pas de conséquence pouvoit l'être pour lors: j'en juge parce que nous voyons aujourd'hui chez une nation qui ne peut pas être soupçonnée de tyrannie, où il est défendu de boire à la santé d'une certaine personne.

Je ne puis rien passer qui serve à faire connoître le génie du peuple Romain. Il s'étoit si fort accoutumé à obéir, et à faire sa félicité de la différence de ses maîtres, qu'après la mort de Germanicus, il donna des marques de deuil, de regret et de désespoir, que l'on ne trouve plus parmi nous. Il faut voir les historiens décrire la désolation publique (1) si grande, si longue, si peu modérée; et cela n'étoit pas joué; car le corps entier du peuple n'affecte, ne flatte, ni ne dissimule.

(1) Voyez Tacite.

[ocr errors]

Le peuple romain, qui n'avoit plus de part au gouvernement, composé presque d'affranchis, ou de gens sans industrie, qui vivoient aux dépens du trésor public, ne sentoit que son impuissance; il s'affligeoit comme les enfans et les femmes, qui se désolent par le sentiment de leur foiblesse ; il étoit mal; il plaça ses craintes et ses espérances sur la personne de Germanicus; et, cet objet lui étant enlevé, il tomba dans le désespoir.

Il n'y a point de gens qui craignent si fort les malheurs, que ceux que la misère de leur condition pourroit rassurer; et qui devroient dire, avec Andromaque, plût à Dieu que je craignisse! Il y a aujourd'hui, à Naples, cinquante mille hommes qui ne vivent que d'herbe, et n'ont, pour tout bien, que la moitié d'un habit de toile: ces gens-là, les plus malheureux de la terre, tombent dans un abattement affreux à la moindre fumée du Vésuve; ils ont la sottise de craindre de devenir malheureux.

[blocks in formation]

Des empereurs, depuis Caius Caligula jusqu'à Antonin.

CALIGULA Succéda à Tibère. On disoit de lui qu'il n'y avoit jamais eu un meilleur esclave, ni un plus méchant maître ces deux choses sont assez liées ; car la même disposition d'esprit, qui fait qu'on a été vivement frappé de la puissance illimitée de celui qui commande, fait qu'on ne l'est pas moins lorsque l'on vient à commander soi-même.·

Caligula rétablit les cómices (1), que Tibère avoit ôtés, et abolit ce crime arbitraire de lèse-majesté, qu'il avoit établi : par où l'on peut juger que le commencement du règne des mauvais princes est souvent comme la fin de celui des bons; parce que, par un esprit de contradiction sur la conduite de ceux à qui ils succèdent, ils peuvent faire ce que les autres font par vertu : et c'est à cet esprit de contradiction que nous devons bien de bons réglemens, et bien de mauvais aussi. Qu'y gagna-t-on ? Caligula ôta les accusa

(1) Il les ôta dans la suite.

tions des crimes de lèse-majesté; mais il faisoit mourir militairement tous ceux qui lui déplaisoient ; et ce n'étoit pas à quelques sénateurs qu'il en vouloit ; il tenoit le glaive suspendu sur le sénat, qu'il menaçoit d'exterminer tout entier.

Cette épouvantable tyrannie des empereurs venoit de l'esprit général des Romains. Comme ils tombèrent tout-à-coup sous un gouvernement arbitraire, et qu'il n'y eut presque point d'intervalle chez eux entre commander et ser

vir,

ils ne furent point préparés à ce passage

par des mœurs douces : l'humeur féroce resta; les citoyens furent traités comme ils avoient traité eux-mêmes les ennemis vaincus, et furent gouvernés sur le même plan. Sylla, entrant dans Rome, ne fut pas un autre homme que Sylla entrant dans Athènes; il exerça le même droit des gens. Pour les états qui n'ont été soumis qu'insensiblement, lorsque les loix leur manquent, ils sont encore gouvernés par les mœurs.

La vue continuelle des combats des gladiateurs, rendoit les Romains extrêmement féroces: on remarqua que Claude devint plus porté à répandre le sang, à force de voir ces sortes de spectacles. L'exemple de cet

« ΠροηγούμενηΣυνέχεια »