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rent, on vit combattre cent trente mille Romains contre cent cinquante mille Carthaginois. Pour lors les soldats étoient pour beaucoup, et les et les gens de l'art pour peu: à présent, les soldats sont pour rien, ou pour peu, et les gens de l'art pour beaucoup.

La victoire du consul Duillius fait bien sentir cette différence. Les Romains n'avoient aucune connoissance de la navigation: une galère carthaginoise échoua sur leurs côtes; ils se servirent de ce modèle pour en bâtir : en trois mois de temps, leurs matelots furent dressés, leur flotte fut construite, équipée, elle mit à la mer, elle trouva l'armée navale des Carthaginois, et la battit.

A peine à présent toute une vie suffit-elle à un prince pour former une flotte capable de paroître devant une puissance qui a déjà l'empire de la mer; c'est peut-être la seule chose que l'argent seul ne peut pas faire. Et si, de nos jours, un grand prince réussit d'abord (1), l'expérience a fait voir à d'autres que c'est un exemple qui peut être plus admiré que suivi (2).

(1) LOUIS XIV.

(2) L'Espagne et la Moscovie.

La seconde guerre punique est si fameuse, que tout le monde la sait. Quand on examine bien cette foule d'obstacles qui se présentèrent devant Annibal, et que cet homme extraordinaire surmonta tous, on a le plus beau spectacle que nous ait fourni l'antiquité.

Rome fut un prodige de constance. Après les journées du Tésin, de Trébics et de Thrasimène, après celle de Cannes plus funeste encore, abandonnée de presque tous les peuples d'Italie, elle ne demanda point la paix. C'est que le sénat ne se départoit jamais des maximes anciennes : il agissoit avec Annibal, comme il avoit agi autrefois avec Pyrrhus, à qui il avoit refusé de faire aucun accomodement, tandis qu'il seroit en Italie; et je trouve dans Denys d'Halicarnasse (1), que, lors de la négociation de Coriolan, le sénat déclara qu'il ne violeroit point ses coutumes anciennes ; que le peuple romain ne pouvoit faire de paix tandis que les ennemis étoient sur ses terres; mais que, si les Volsques se retiroient, on accorderoit tout ce qui seroit juste.

Rome fut sauvée par la force de son institution. Après la bataille de Cannes, il ne fut

(1) Antiquités romaines, liv. VIII,

pas permis aux femmes même de verser des larmės: le sénat refusa de racheter les prisonniers, et envoya les misérables restes de l'armée faire la guerre en Sicile, sans récompense ni aucun honneur militaire, jusqu'à ce qu'Annibal fût chassé d'Italie.

D'un autre côté, le consul Térentius Varron avoit fui honteusement jusqu'à Vénouse: cet homme, de la plus basse naissance, n'avoit été élevé au consulat que pour mortifier la noblesse. Mais le sénat ne voulut pas jouir de ce malheureux triomphe : il vit combien il étoit nécessaire qu'il s'attirât dans cette occasion la confiance du peuple ; il alla au-devant de Varron, et le remercia de ce qu'il n'avoit pas désespéré de la république.

Ce n'est pas ordinairement la perte réelle que l'on fait dans une bataille (c'est-à-dire, celle de quelques milliers d'hommes ), qui est funeste à un état ; mais la perte imaginaire et le découragement, qui le privent des forces même que la fortune lui avoit laissées.

Il y a des choses que tout le monde dit, parce qu'elles ont été dites une fois. On croit qu'Annibal fit une faute insigne de n'avoir point été assiéger Rome après la bataille de Cannes. Il est vrai que d'abord la frayeur y

fut extrême; mais il n'en est pas de la consternation d'un peuple belliqueux, qui se tourne presque toujours en courage, comme de celle d'une vile populace, qui ne sent que sa foiblesse. Une preuve qu'Annibal n'auroit pas réussi, c'est que les Romains se trouvèrent encore en état d'envoyer par-tout du secours.

On dit encore qu'Annibal fit une grande faute de mener son armée à Capoue, où elle s'amollit; mais l'on ne considère point que l'on ne remonte pas à la vraie cause. Les soldats de cette armée, devenus riches après tant de victoires, n'auroient-ils pas trouvé par-tout Capoue? Alexandre, qui comman doit à ses propres sujets, prit, dans une occasion pareille, un expédient qu'Annibal, qui · n'avoit que des troupes mercénaires, ne pouvoit pas prendre : il fit mettre le feu au bagage de ses soldats, et brûla toutes leurs richesses et les siennes. On nous dit que Kouli-Kan, après la conquête des Indes, ne laissa à chaque soldat que cent roupies d'argent (1).

Ce furent les conquêtes même d'Annibal qui commencèrent à changer la fortune de cette guerre. Il n'avoit pas été envoyé en Italie par

(4) Histoire de sa vie. Paris, 1742, p. 402.

les magistrats de Carthage; il recevoit trèspeu de secours, soit par la jalousie d'un parti, soit par la trop grande confiance de l'autre. Pendant qu'il resta avec son armée ensemble, il battit les Romains; mais, lorsqu'il fallut qu'il mît des garnisons dans les villes, qu'il défendit ses alliés, qu'il assiégeât les places, ou qu'il les empêchât d'être assiégées, ses forces se trouvèrent trop petites ; et il perdit en détail une grande partie de son armée. Les conquêtes sont aisées à faire, parce qu'on les fait avec toutes ses forces; elles sont difficiles à conserver, parce qu'on ne les défend qu'avec une partie de ses forces.

CHAPITRE V.

De l'état de la Grèce, de la Macédoine, de la Syrie et de l'Egypte, après l'abaissement des Carthaginois.

Je m'imagine qu'Annibal disoit très-peu de bons mots, et qu'il en disoit encore moins en faveur de Fabius et de Marcellus contre luimême. J'ai du regret de voir Tite-Live jetter ses fleurs sur ces énormes colosses de l'antiquité je voudrois qu'il eût fait comme Ho

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