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il n'aime ni ne hait les hommes dont il parle; c'est aux lecteurs à les juger. Il cite trèssouvent des ouï-dire, mais il ne les garantit point; et cette précaution aurait dû le mettre à l'abri du reproche d'imbécillité que lui fait un peu durement l'auteur des Révolutions de l'Empire Romain, qui prodigue aisément le blâme et le mépris. Il va jusqu'à dire qu'il suffit qu'un fait soit rapporté par Suétone, pour qu'on soit dispensé d'y ajouter foi. Il aurait dû faire attention que des assertions aussi générales sont presque tou jours fausses; que, pour dépouiller ainsi un historien de tous ses titres auprès de la postérité, il faudrait prouver qu'il avait quelque intérêt à tromper, ou qu'il était absolument dépourvu d'esprit et de jugement. Or, il suffit de lire dix pages de Suétone pour voir qu'il n'est d'aucun parti et qu'il écrit sans passion. Il est d'ailleurs bien difficile de croire qu'Adrien, qui était un homme de beaucoup d'esprit, ait choisi pour secrétaire un imbécille, et que Pline, qui écrit avec tant de circonspection, donne des éloges à un sot. Reste à l'examiner sur ce qu'il nous a laissé. Il n'a point de couleur, il est vrai; mais il est het et rapide, et sa composition est en général celle d'un homme instruit. Du

reste, son censeur n'est pas heureux dans le choix des morceaux qu'il attaque. Il l'accable d'injures pour avoir fait dire à Titus ce mot fameux, Mes amis, j'ai perdu un jour; et cet autre, Il ne faut pas que personne sorte mécontent de l'audience d'un prince. Voilà les plus forts griefs de M. Linguet. Il me semble qu'ils ne sont pas péremptoires; et c'est ce qu'on pourra voir dans les réflexions qui suivent la vie de Titus.

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J'ai dit que Suétone n'était point un grand goloriste; et si la principale qualité d'une traduction est d'être une copie fidelle de l'original, il est vrai de dire qu'il n'y a que les écrivains sans génie qui puissent être véritablement traduits : dans tout autre cas, le proverbe italien est fondé : TRADOTTORE, TRADITORE; traduction, trahison. En effet, il importe peu dans quelle langue soit écrite une gazette de faits; et l'on peut être sûr, en lisant un Suétone français écrit avec soin, qu'on a lu à peu près le Suétone latin : mais, en lisant la meilleure traduction de Tacite ou d'Horace, on peut être persuadé qu'on n'a lu ni l'un ni l'autre. C'est qu'un homme de génie pense et sent avec son idiome, et qu'un langage étranger ne peut rendre ni ses pensées ni ses sentimens, sans les dé

pouiller des teintes de cet idiome natal, si essentielles et si nécessaires, qu'il est impossible de les enlever sans décolorer l'ouvrage.

Quelques éloges qu'on ait donnés à notre langue, il faut pourtant convenir de ses désavantages: elle ne peut pas se trouver en présence avec les langues anciennes, sans ressembler à un homme nu et garrotté devant un athlète libre de tous ses membres et armé de toutes pièces (1). Les Grecs et les. Latins ont deux qualités inestimables : 1o une harmonie élémentaire qui réside dans leurs syllabes et dans leurs terminaisons; au lieu que nous ne pouvons avoir qu'une harmonie accidentelle, née du concours de mots heureusement choisis et artistement combinés : 2o la faculté des inversions, qui les laisse maîtres de placer où ils veulent le mot qui est image et le mot qui est pensée. Il n'y a personne qui, en réfléchissant un moment, ne soupçonne ce qu'on peut tirer de ces deux avantages qui nous manquent. Mais, pour

(1) Voyez, dans les Variétés Littéraires, le Discours sur les langues, de M. l'abbé Arnaud, qui joint tant d'érudition à tant de goût. Ce discours excellent a été goûté de tous les gens de lettres, et critiqué par des ignorans qui ne l'entendaient pas.

bien sentir tout ce qu'ils valent, il faut connaître les langues anciennes.

C'est sur-tout dans la poésie qu'on est accablé de leur supériorité. Enfans favorisés de la nature, ils ont des ailes, et nous nous traînons sur des béquilles. Leur harmonie variée à l'infini est un accompagnement délicieux qui soutient leurs pensées quand elles sont faibles, qui anime les détails indifférens, qui enchante les oreilles quand le cœur se repose. Nous autres modernes, si la pensée nous abandonne, nous avons peu de ressources pour nous faire écouter. Mais l'homme voluptueux, l'homme aux organes sensibles, dira à Virgile, à Horace : Chantez toujours, chantez, dussiez-vous ne rien dire: votre voix me charme, quand vos discours ne m'occupent pas.

Aussi parmi nous, ceux qui, sentant ce besoin de penser, et craignant de paraître quelquefois vides, ont voulu que tous leurs vers marquassent, ou que toutes leurs phrases fussent frappantes, sont tendus et roides Racine et Massillon, au contraire, et ceux qui, comme eux, ont goûté la mollesse heureuse des anciens, l'ont introduite autant qu'ils ont pu dans leur composition; et les hommes sans goût l'ont appelée faiblesse.

L'oreille était, chez les anciens, le juge le plus sévère, et celui qu'il fallait gagner le premier : tous leurs mots avaient un accent décidé. De cette diversité de sons se formait la musique de leur poésie; et de la faculté d'intervertir l'ordre des mots, se composait un langage particulier, si différent de la prose, qu'en décomposant les vers de Virgile on y trouverait encore, selon l'expression d'Horace, les membres d'un poète mis en pièces; au lieu que, parmi nous, le plus grand éloge des vers est de se trouver bons en prose. L'essai que fit La Motte sur la première scène de Mithridate, en est une preuve évidente; les vers de Racine n'y sont plus que de la prose très-bien faite : c'est que le plus grand mérite de nos vers est d'échapper à la contrainte des règles, et de paraître libres sous les entraves de la mesure et de la rime. Otez cette rime, et il deviendra impossible de marquer des limites entre la prose et la poésie, puisque la prose éloquente tient beaucoup de la poésie, et que la poésie déconstruite n'est plus que de l'excellente

prose.

Les rimes, outre la monotonie qui se fait sentir à la longue, ont encore un autre inconvénient; c'est qu'elles nous forcent à pro

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