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Goethe, daté du 24 Avril, est consacré au Neveu de Rameau, et aux curieuses notes que Goethe venait d'ajouter à sa traduction de Diderot. L'écriture est d'une main ferme, les caractères sont beaux et hardis, selon l'expression de Goethe. "Voyez !" disait Goethe plus tard, montrant comme une sainte reliqúe cette page si nettement tracée quinze jours avant la mort, "c'était une créature magnifique, il nous a quittés dans la plénitude de sa force."

Le lendemain, 25 Avril, il adressa à Koerner une lettre qui confirma les paroles de Goethe. C'est la dernière que Koerner ait reçu de son ami.

Le 28 Avril il se rendit à la cour, et Henri Voss, qui l'aidait à s'habiller, se réjouissait de lui voir si bonne mine dans son habit de gala: il ne devait plus remettre ces vêtements de fête, et c'était la dernière visite qu'il faisait à ses augustes hôtes. Le lendemain, 29, Goethe vint le voir dans la soirée: Schiller avait formé le projet d'aller au théâtre; Goethe, qui se sentait encore malade, ne put l'accompagner; les deux amis se séparèrent au seuil de la maison, et ne se revirent plus dans ce monde,

Le 1er Mai, pendant que Goethe était retenu au lit par de vives souffrances, Schiller avait senti plus profondément les atteintes de la maladie. “Me voilà de nouveau frappé," dit-il à Henri Voss, qui l'avait vu la veille plein d'ardeur et d'espoir. Sa fille Caroline, ses fils Charles et Ernest, étant entrés dans sa chambre en même temps qu'Henri Voss, il fit à peine attention à leur présence. C'était un grave symptôme chez ce père excellent, qui aimait à jouer avec ses enfants comme un écolier joyeux.

Le 6 Mai il eut plusieurs accès de délire. Henri Voss, ce jour même allant donner à Goethe des nouvelles de son ami, le trouva tout en larmes. Goethe était déjà informé de la situation: “Ah !” dit-il, “le destin est impitoyable, et l'homme est bien peu de chose." Pendant les dernières nuits le malade rêvait souvent, parlait tout haut, et l'on entendit plusieurs fois sur ses lèvres le nom de Démétrius. Dans la matinée du 8 Mai sa belle-sœur Caroline lui ayant demandé comment il se trouvait, il répondit: Toujours mieux, toujours plus calme." C'était le résumé de son existence tout entière. La pensée de l'autre vie avait dû apporter à son âme de viriles consolations.

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Son agonie commença le 9 Mai; vers trois heures de l'aprèsmidi sa respiration était irrégulière et haletante. Madame de

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Wolzogen était à l'extrémité du lit avec le médecin, occupé à réchauffer les pieds du mourant, essayant de rappeler encore la vie dans ses membres glacés par le trépas. Charlotte, tenant la main de son mari, était agenouillée près du chevet, ainsi que sa fille Caroline; on avait emmené la petite Emilie, âgée de neuf mois. Les deux fils, Charles et Ernest, sanglotaient en silence. Toute la chambre était pleine de larmes et de gémissements, étouffés. Vers le coucher du soleil la respiration devint plus douce, plus faible, et bientôt on n'entendit plus rien. Une merveilleuse expression de sérénité couvrit tout-à-coup le visage de l'agonisant. Schiller semblait endormi; l'âme immortelle venait de prendre son vol vers les cieux.

Le soir même le funeste message fut porté dans la maison de Goethe, mais nul n'osa le lui transmettre. Le peintre Meyer se trouvait en ce moment auprès du poète; on l'appela, il sortit; dès qu'il sut la nouvelle, il n'eut pas le courage de rentrer. Goethe comprit tous ces symptômes. "On me cache quelque chose," dit-il; "Schiller doit être bien malade.” Pendant la nuit on l'entendit sangloter. Le lendemain il dit à sa compagne : "N'est-ce pas, Schiller était bien malade hier?" Il y avait un tel accent dans sa demande que Christian ne put retenir ses larmes. "Il est mort ?" s'écria-t-il. "Vous l'avez dit vous-même." "Il est mort!" Disant cela, il inclina la tête, comme frappé d'un coup, et se couvrit le visage de ses deux mains.

47. Cour d'Angleterre en 1547.

M. de Vieilleville séjourna six jours à Londres, durant lesquels il fut fort magnifiquement festoyé des princes et milords, et principalement en un festin royal où il dîna entre le roi et le duc de Somerset. Et servirent les milords chevaliers de l'ordre de la Jarretière, portant les plats après le grand-maître, les têtes nues; mais, approchant de la table, ils se mettaient à genoux, et venait le grand-maître prendre le service de leurs mains, étant ainsi agenouillés; ce que nous trouvâmes fort étranges de voir si anciens chevaliers, gens de valeur et grands capitaines, des plus illustres maisons d'Angleterre faire l'état que font les enfants d'honneur et les pages de la chambre devant notre roi, qui ont seulement les têtes nues portants le service, mais ils

ne s'agenouillent nullement, et en sont quittes pour une révérence d'entrée et d'issue de la salle où se fait le festin. Et étant en difficulté de juger de qui approchait le plus cette façon, ou de la tyrannie ou de l'idolâtrie, un gentilhomme anglais qui nous écoutait nous y satisfait fort promptement, disant en bon langage français qu'elle participait de toutes les deux. M. de Vieilleville n'oubliera pas de quelles sortes de passe-temps les anglais le recréèrent, qui ne furent pas de joûtes, tournois, courses de bagues; mais ils le menèrent en un parc peuplé de daims et de chevreuils, et lui ayant fait amener un cheval sarde fort richement en ordre, accompagné de quarante ou cinquante qui milords, qui gentilshommes du pays, tuèrent quinze ou vingt bêtes à course de cheval; et il y avait un extrême plaisir de voir les Anglais courir à toutes brides en cette chasse, l'épée au poing, car s'ils eussent suivi la victoire de quelque bataille gagnée, ils n'eussent plus crié, ni usé des mots qui leur sont propres et ordinaires.

Une autre journée ils lui donnèrent le plaisir du combat des dogues contre les ours et les taureaux, l'un après l'autre ; et sur chacun de ces animaux ils lachaient une douzaine de dogues à la fois : passe-temps assez agréable, mais celui du taureau plus que l'autre. Qui fut cause que M. de Vieilleville, se delectant de tels combats, fit acheter des dogues en bon nombre; aussi on lui en donna, qu'il fit passer la mer, avec un puissant taureau et bien aguerri; et fut le premier qui amena ce plaisir en France, que le roi aima infiniment et continua toute sa vie, car il n'y avait prince ni seigneur en la cour qui n'eût une demie-douzaine de dogues pour entretenir tels combats; et amenait-on des taureaux de Provence, et dura ce passe-temps depuis le commencement du règne de Henri jusques à quatre ou cinq ans dedans celui de Charles son fils; mais la continuation de nos guerres civiles le fit évanouir.

Le jour que partit M. de Vieilleville de Londres il fut accompagné du duc de Somerset et de l'amiral son frère, jusques Grenouych, qui lui firent voir environ deux cents navires armés en guerre, et grand nombre d'autres vaisseaux tous en bataille, à la tête desquels y avait quatre navires d'une immense grandeur, dont l'un se nommait le Grand Harry, l'autre Marie-Rose, le tiers Rose-Blanche, et le quatrième Léopard; et sur le tillac des dits. vaisseaux, mariniers et soldats se présentaient, mais avec un

merveilleux silence, encore qu'il y en eut plus de six mille. Et quand se vint au congé prendre, on n'ouit jamais un si grand tonnerre de canonnades, que ceux qui commandaient làdedans firent aussi industrieusement filer de navire en navire que pourraient faire dix mille arquebusiers des vieilles bandes; et ce plaisir dura une heure pour le moins; qui fit bien juger à M. de Vieilleville et à tous les gentilshommes qui l'avaient accompagné en ce voyage, que le roi d'Angleterre était un très-puissant prince sur la mer. Vinc. Carloix, Secrétaire du Maréchal de Vieilleville.

48. Le Soldat Britannique.

Le caractère du soldat britannique se rapproche sur certains points et s'éloigne sur d'autres du caractère qu'on prête au soldat dans les autres pays. Je n'indiquerai que les différences. L'armée Anglaise est foncièrement protestante. Cette observation n'avait point échappé à l'esprit pénétrant d'Olivier Goldsmith. De son temps on parlait déjà d'invasion étrangère. Dans ses "Lettres d'un Citoyen du Monde" il met en scène trois personnages: un prisonnier pour dettes, un portefaix, et un soldat, qui causent entre eux et se communiquent les craintes que leur inspire l'arrivée plus ou moins probable des Français dans la GrandeBretagne. Le prisonnier pour dettes tremble pour la liberté, le portefaix pour les charges que les Français imposeront au pays, et le soldat pour la religion. Je serais tenté de croire que cette foi dans les grandeurs de la réforme Anglicane a été imprimée à l'armée d'outre-mer par la forte main de Cromwell. Quoi qu'il en soit, les Français eux-mêmes, du temps du premier empire, avaient découvert ces armes spirituelles, et ils essayèrent, dans plus d'un cas, de les tourner contre leurs ennemis. Il est à remarquer que la plupart des batailles de la Péninsule, et enfin la fameuse bataille de Waterloo, ont été livrées le Dimanche. Connaissant le respect des Anglais pour le repos du septième. jour, les généraux français espéraient en tirer parti dans leurs attaques. J'avoue qu'ils n'eurent pas toujours à se louer de leur calcul; les troupes anglaises violèrent glorieusement le Sabbat. Elles donnèrent ainsi raison à ce proverbe qui a cours dans la Grande-Bretagne : "Mieux vaut le jour, mieux vaut l'action (the better the day, the better the deed).”

J'insiste sur ce caractère parceque si jamais, ce qu'à Dieu ne plaise, une guerre européenne se rallumait et que l'armée anglaise y intervint, le sentiment religieux pourrait encore bien exercer sur elle une sérieuse influence. Le fanatisme militaire n'existant point dans la nation, il nous faut chercher ailleurs les mobiles qui ébranlent à un moment donné les forces britanniques. La gloire est un mot qui trouve assez peu d'écho dans le cœur du soldat anglais. Parlez-lui du devoir, et il se passionnera jusqu'à l'héroïsme. Un idée qui le poursuit à travers les solitudes de l'ancien et du nouveau monde est l'idée de la patrie absente. Que pensera-t-on de nous en Angleterre ?" se demandent sur tous les champs de bataille des hommes qui ne reverront peutêtre plus le sol natal. Ce patriotisme a en quelque sorte passé dans le sang. Un jeune tambour anglais tombe entre les mains de l'ennemi. Pour s'assurer si l'enfant était bien un prisonnier de guerre ou un espion déguisé en tambour, on lui ordonne de battre la retraite. "La retraite ?” s'écria-t-il, “je ne sais pas ce que vous voulez dire. Nous ne connaissons point ce mot-là dans l'armée anglaise."

CC

Le soldat anglais est brave; mais il y a plus d'un genre de courage. Les Anglais ont un mot à eux qui n'est guère usité que dans le langage familier, et qui pourtant exprime bien la nuance d'intrépidité qui distingue la race. Ce mot, dérivé de l'ancien Saxon, c'est le mot "pluck;" il indique l'idée d'un effort énergique, et s'entend aussi bien de l'homme qui déracine un arbre que de celui qui arrache un obstacle dans l'ordre morale. On s'en sert pour signifier le courage, mais le courage uni à la fermeté, à l'obstination, au sang-froid, à une résolution croissante et qui ne cède jamais. Les soldats anglais ont d'autres ennemis à combattre que les armées étrangères; ils ont les tempêtes, les naufrages, les climats, les déserts; il leur faut être à la fois braves contre les hommes et contre les choses. Tout cela est le "pluck." Le rude mot saxon indique en outre un genre de valeur soumis à la réflexion et au contrôle du devoir. s'étonnera peut-être qu'en parlant de la vie des camps et des casernes je n'aie rien dit du duel; c'est qu'il est à-peu-près inconnu dans l'armée anglaise. Les armes que la GrandeBretagne remet aux mains du soldat sont pour soutenir le point d'honneur de la nation, et non pour servir des vengeances particulières.

On

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