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soldats de la police blanche et tout un essaim de noirs. L'orage, loin de diminuer, allait en augmentant, et parfois, à la lueur de ces gigantesques éclairs des cieux voisins du tropique, l'horizon tout entier sautait à nos yeux.

Nous allons droit à l'ouest pour sortir des fourrés bas qui gênaient notre marche et gagner les futaies de gommiers. En l'absence des étoiles, nous étions guidés seulement par le vent, qui au moment de notre départ soufflait plein sud; nous le gardions sur notre joue gauche, exposés ainsi à revenir sur nos pas peut-être, pour peu qu'il arrivât un changement de courant dans l'air. Nous n'avions pas encore échangé une parole; nous sentions nos chevaux solides et ardents entre nos jambes; nous avions la certitude de gagner du terrain, lentement mais sûrement. Au bout des trois premières heures nous atteignîmes un espace complètement découvert, et l'ouragan perça une trouée parmi les nuages. Nous pûmes voir un instant le firmament, et cela suffit pour nous confirmer dans notre route. Nos bons chevaux prirent d'eux-mêmes le galop de course sur ce terrain favorable, et quand nous nous arrêtâmes, après avoir soutenu cette allure pendant trois quarts d'heure environ, tout était silence autour de nous.

Nous fîmes halte. La pluie avait cessé. Nos chevaux burent l'eau des mares et broutèrent l'herbe mouillée. demanda :

Percy me

Est-ce que vous avez aussi des raisons de fuir ?" Sur ma réponse négative, il m'engagea chaudement à retourner à Newcastle pendant qu'il en était temps encore.

Nous rechargeâmes nos pistolets chemin faisant, et chemin faisant aussi nous soupâmes, car il y avait des provisions dans les valises. Nos chevaux, remis à une allure modérée, ne commencèrent à donner signe de fatigue qu'au petit jour. Le crépuscule nous montrait justement des cultures ou du moins des essais de culture sur les rives d'un petit étang où se miraient d'assez vastes constructions. C'était une station de squatter ou colon sédentaire. Je fis sauter d'un coup de pied le pène hors de la serrure de l'écurie, et en présence du palefrenier épouvanté, j'opérai un troc entre nos deux vaillantes bêtes et les deux meilleurs chevaux du squatter. Le squatter y gagna moitié, mais nous eûmes des montures fraîches et nous fîmes plus de quinze lieues ce jour-là.

Jor M

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Pendant huit jours, reprit le jeune comte, nous allâmes à l'ouest en directe ligne. Nous ne rencontrions pas tous les soirs une station pour y prendre nos relais; mais Percy avait désormais foi dans son étoile. En effet, le hasard nous semblait guider par les mains; s'il y avait une maison dans ces solitudes, nous y arrivions tout droit, et le maître nous disait, "Qui vous a enseigné la route?"

nous

Le neuvième jour nous trouvâmes chez un squatter du Rhode Stream, à quatre-vingts lieues de Newcastle, un journal de Sydney, qui promettait cent guinées pour la tête de Percy. Cela nous étonna. Qui donc avait pu faire plus grande diligence que ? Le Rhode Stream est un petit affluent de la rivière Macquarie. Notre squatter nous dit que le journal avait été apporté par un tribu de noirs errants qui avaient ensuite descendu la Macquarie. Nous prîmes notre repas à sa table, et nous acceptâmes son hospitalité pour la nuit, afin de laisser aux noirs le temps de s'éloigner. Nous échangeâmes nos chevaux contre les deux meilleurs de son écurie, moyennant dix guinées de retour, et nous partîmes.

Nous avions à choisir entre deux voies: couper l'Australie dans toute sa largeur, du sud-est au nord-ouest, pour gagner le port Keats en traversant les terres inconnues; ou rabattre vers le sud en évitant la ville de Bathurst, traverser la rivière Macquarie et atteindre le Lachlan, qui devait nous mettre dans la rivière Murray et nous conduire à Adelaïde. Nous nous arrêtâmes à ce dernier parti, et nous commençâmes notre voyage avec nos valises complètement ravitaillées, le cœur léger, la chanson aux lèvres. Nous pensions que la tribu errante devait être loin déjà derrière nous. Dès ce premier jour, cependant, nous vîmes au loin dans le "bush," des colonnes de fumée, blanches sur le ciel plombé. Nous poussâmes nos montures; ces tribus vont à pied; nous devions les gagner de vitesse. Il en fut ainsi en effet: nous traversâmes la Macquarie à quinze ou vingt lieues de Bathurst sans être inquiétés, et nous ne vîmes pas l'ombre d'un noir; mais tous les matins à notre reveil, nous pouvions apercevoir au loin derrière nous cette fumée qui semblait nous poursuivre.

Il devenait évident pour nous que les noirs étaient sur notre piste. Nous avions nos pistolets et des munitions en abondance. Tant que nos chevaux pouvaient nous porter, la bataille était

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soutenable et la victoire possible. Mais nous devinions bien que les coquins attendaient précisément l'heure où nos chevaux ne pourraient plus nous porter. Celui-ci de Percy tomba la cinquième jour après notre départ de la station du Rhode Stream. Nous avions traversé depuis quarante-huit heures un espace de trente lieues sans rencontrer un brin d'herbe. Percy monta en croupe derrière moi avec sa valise, et ma brave bête marcha encore deux jours sous le double fardeau. Nous l'ensablâmes quand à son tour elle tomba, et nous continuâmes notre route chargés de nos valises. Nous pensions être près du Lachlan, où déjà bon nombre de stations s'établissaient.

Le lendemain, vers le soir, comme nous nous arrêtions, accablés de fatigue et aussi de faim à la lisière d'un bouquet de pins, je me retournai par hasard et je vis des points noirs qui se montraient dans la plaine de sable. Je les montrai du doigt à Percy, qui me dit en riant:

"C'est notre veille d'Austerlitz! Nous nous battrons demain. Cherchons un bon lit pour dormir.”

Il restait une demi-heure de jour environ. Nous savions que nous n'avions aucun risque à courir pour la nuit, attendu qu'on ne peut suivre une piste après le soleil couché. Au lointain, vers le sud, nous apercevions une ligne noire qui nous annonçait les gommiers et par conséquent le voisinage de l'eau.

Nous attendîmes la brume, et, malgré notre fatigue, rechargeant nos valises, nous prîmes notre course vers la futaie. Deux heures après nous étions sous une voûte trois fois haute comme celle de la plus haute cathédrale. Nous nous arrêtâmes au pied d'un gommier géant dont le tronc lisse et brillant n'aurait pu être embrassé par six hommes.

“Si nous étions une fois sur la tête de ce monstre,” me dit Percy, "nous pourrion ssoutenir un siège contre tous les noirs de l'Australie!

Je sortis de ma valise une paire de gants d'acier, munis de leurs griffes, et une paire d'ergots avec leurs courroies. J'avais acheté ces objets à Sydney dès mon arrivée par l'idée que j'avais de tenter une excursion à l'intérieur. Je bouclai mes éperons d'abord, puis je me gantai; trois minutes après j'étais à cheval sur la première branche à quatre-vingt dix pieds de terre. Je laissai tomber mes engins sur le sable et Percy me rejoignit.

A l'endroit où les maîtresses branches du gommier sortaient

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du tronc, il y avait des aisselles profondes, assez larges pour coucher un homme tout de son long en travers. Nous soupâmes, hélas ! du reste de nos provisions, et nous nous endormîmes paisiblement sur des matelas faits de nos manteaux.

Le lendemain, à notre réveil, dans le large cercle où l'ombrage de notre gommier étouffait la végétation, nous vîmes grouiller une foule noire. Il faisait grand jour. La tribu avait suivi nos traces. Ils étaient au moins deux cents hommes, femmes et enfants. Ils avaient une vingtaine de chiens pelés, maigres, malades, mais plus hauts sur jambes que des loups, et dont l'aspect indiquait une terrible férocité.

Les noirs nous aperçurent au moment où nous nous penchions sur nos balcons pour les examiner avec curiosité: ils se mirent à parler tous à la fois et ceux qui avaient des arcs nous visèrent; une flèche vint se nicher à quelques pouces au-dessus de ma tête. Mais le danger n'était pas grand: dès que nous le voulions, la saillie de nos branches nous protégeait. D'ailleurs nous étions encore à plus de quarante pieds du sommet de l'arbre, dont le faîte nous offrait un abri assuré.

Mon premier soin, en débarquant à Port Jackson, avait été d'étudier la langue indigène. Je comprenais parfaitement tout ce que nos noirs disaient. Ils venaient de loin; ils avaient traversé les montagnes bleues; il parlaient d'argent, et disaient ce mot en anglais. C'étaient des sauvages en train de se civiliser, puisqu'ils comprenaient déjà qu'il est bon de vendre pour une poignée de livres sterling le sang de deux créatures humaines. Ils se promettaient de revenir à Sydney avec nos têtes et d'acheter pour cent livres de brandy. Ils avaient allumé leur feu et dansaient tout à l'entour, fêtant par avance le brandy, qui devait nous coûter si cher.

Outre les trente guerriers, la tribu se composait d'une vingtaine de vieillards, de cinquante ou soixante enfants, d'une quarantaine de femmes jeunes et vieilles, et d'une classe d'individus toute spéciale à l'Australie, que les Anglais appellent des "cripples" ou infirmes.

Des coups de hache qui retentissaient contre le tronc coupèrent nos observations. Nous crûmes d'abord qu'ils essayaient d'abattre l'arbre, entreprise qui eût demandé plus d'une semaine, mais ils prenaient seulement de larges pièces d'écorce pour former les toits de leurs tentes. Ce travail dura une heure

environ, après quoi leur camp fut établi. Un feu était allumé devant chaque hungar ou tente. L'heure du repas venait; leur cuisine commença.

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Il n'est pas au monde de contrée où la terre soit plus avare de productions comestibles. A part les kangaroos, qui vont diminuant sans cesse, les chiens sauvages ou dingoes," les écureuils, les opossums, quelques espèces de singes, les perroquets et de rares oiseaux d'eau, les forêts sans fin de la Nouvelle Hollande n'ont pas de gibier: le sol ingrat, couvert partout de myrtacées, grands, moyens, et petits, ne donne naissance à aucun légume sauvage; les buissons produisent des baies qui sont du bois, les arbres eux-mêmes, cette splendide générosité de Dieu, les arbres ont des fruits qui sont des pierres!

Cependant notre espoir de voir nos assiégeants pris par la famine fut cruellement trompé. Chaque feu, réduit à l'état de föyer ardent, fut couvert de larges et belles tranches de viande qui semblaient coupées dans un animal de grande taille. Le fumet de ces grillades montait jusqu'à nous et n'était pas sans aiguillonner notre appétit naissant. Les coquins avait déterré mon cheval, et tous ces bifteks qui chantaient, frémissants sur les charbons, étaient ma propriété.

Il y avait un infirme immédiatement au-dessous de moi. Sa tente se composait d'une femme à cheveux hérissés et de trois enfants qui rampaient comme des lézards autour de lui. Les bras, affectés d'enflure, étaient gros comme des tuyaux de poêle, et ses jambes étiques ressemblaient à deux fléaux. Il avait avec cela une belle tête régulière et un admirable torse d'athlète. Cet homme avait pour sa part cinq morceaux de mon cheval, qu'il mangea de bon appétit, jetant brutalement les os à sa femme et à ses enfants qui les rongeaient pour les rejeter ensuite aux chiens maigres, dont les yeux sanglants dévoraient les foyers pétillants sous la graisse. C'était ainsi dans tous les hangars. L'homme mangeait tout: il donnait le reste à sa famille, qui octroyait le surplus aux bêtes. Le repas du reste ne se composait pas seulement de viande de cheval; on y joignit le produit de la chasse, qui consistait en deux dingoes réduits à l'état de squelette, une douzaine de perroquets, un panier de petits batraciens semblables à nos crapauds, plusieurs jattes de vers de terre tout vivants, des couleuvres, des scorpions, et un chapelet de magnifiques araignées. Ces dernières friandises étaient

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