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mangées crues, et mêmes vivantes, car nous pûmes voir les longs vers de terre se tordre dans les bouches comme autant de macaronis animés. Les femmes n'avaient point de tout cela. Notre voisin l'infirme, gastronome de première force, avala voluptueusement, pour son dessert, toute une brochette de grosses chenilles velues. Sa femme le regardait avec des yeux de louve, morte de faim. Après le repas on dansa encore, puis on se battit. Il y eut un combat acharné surtout entre deux invalides, pour une bouchée de mon cheval. L'un d'eux, un cripple—je me souviens de ce détail horrible et burlesque-eut la jambe cassée comme un bâton de bois sec. Le morceau tomba, et fut aussi

tôt dévoré par les chiens affamés.

Les drôles ne s'occupaient pas du tout de nous et semblaient comprendre parfaitement qu'il ne s'agissait que d'attendre. Vers deux heures après midi ils nous envoyèrent une volée de flèches et s'étendirent les pieds au feu pour faire un somme. Percy me dit: "J'ai faim, et je vais à la chasse."

Il monta. Je le suivis de branche en branche, désireux de connaître au moins l'étendue de notre domaine. En arrivant au sommet de l'arbre, qui faisait plate-forme au-dessus de ses voisins, car le hasard nous avait placé sur le doyen de la forêt, un spectacle inattendu s'offrit à nos yeux. Nous étions tout au plus à quatre cents pas du Lachlan, dont le lit, grossi par les plutes, roulait impétueusement ses eaux noirâtres. La futaie coulait le long des bords, épaisse d'un demi-mille tout au plus. A un mille vers le sud le Lachlan faisait un coude brusque et se perdait derrière une colline. A droite de ce coude le bois avait été éclairci de main d'homme, et l'on apercevait d'assez vastes constructions, dont les nombreuses cheminées fumaient.

Une demi-heure de plus la veille, et nous aurions été sauvés ! Pendant que je regardais cette demeure dont nous étions à la fois si près et si loin, un coup de pistolet tiré presque dans mon oreille faillit me faire dégringoler du haut en bas de l'arbre. Un cri de triomphe poussé par Percy suivit le coup de pistolet, tandis qu'une clameur diabolique s'élevait du camp réveillé en sursaut.

Percy venait de tuer au gîte, dans le trou d'une grosse branche, un opossum de la plus grande espèce, qui devait peser presqu'autant qu'un lièvre. Le bois mort ne manquait pas autour de nous. L'opossum fut dépecé à l'aide de mon couteau de chasse, et l'instant d'après il rôtissait devant un bon feu,

allumé dans l'aisselle d'une branche verte. C'était à notre tour de dîner, ce que nous fîmes d'un vaillant appétit. Après quoi nous nous mîmes au balcon pour fumer notre cigare. Paul Féval.

51. Les Volontaires de 1803.

L'invasion des îles Britanniques n'est pas non plus dans l'histoire militaire de la France une idée nouvelle. Il existe à ce sujet dans les cartons de notre ministère de la guerre des plans et des études qui, si je suis bien informé, remontent à Louis XIV. Les théories des hommes de guerre furent même soumises par deux fois à l'épreuve de la pratique. Vers la fin du dernier siècle les circonstances étaient extrêmement favorables au succès d'une telle entreprise, et il me suffira de les rappeler en peu de mots. La guerre d'Amérique venait de finir, non toutà-fait à l'honneur des armes Anglaises. Le roi Georges III. penchait à la démence; l'Irlande s'agitait et menaçait de se séparer du Royaume-Uni. Une publication récente vient de jeter une lumière inattendue sur ces temps de corruption, qui ne pouvait dominer entièrement le génie de William Pitt, sur les faiblesses de la cour, sur la juste impopularité du Prince de Galles, sur le faux système stratégique de David Dundas et de ses créatures, sur le triste état de l'armée, dont le roi s'obstinait à garder le monopole, sur l'incapacité des généraux et des officiers, qui devaient presque tous leur élévation à la faveur, sur l'indiscipline et les désordres des soldats, devenus pour tout le monde, excepté pour l'ennemi, un objet d'alarme et d'épouvante. C'est au milieu de ces causes d'affaiblissement qu'en 1796 une flotte française, commandée par l'amiral de Galle, fit voile du port de Brest, vers les côtes de l'Irlande, portant avec elle le général Hoche et quinze mille hommes.

De furieux coups de vent (on était alors en Décembre) dispersèrent les vaisseaux, et une partie seulement de l'expédition atteignit Bantry Bay. A l'entreprise ainsi traversée par les colères du ciel et de l'océan, il manquait au point de rendezvous le navire sur lequel était monté Hoche. Celui-ci, après avoir lutté plusieurs jours contre la tempête et le brouillard, regagna les côtes de la France, où il trouva le reste de la flotte, qui était revenue avant lui, non sans avoir tenté une descente en Irlande. Parmi les vaisseaux, les uns avaient manqué de faire

naufrage contre les bancs de sable, les autres avaient couru le risque de tomber aux mains de l'ennemi. Les Irlandais, sur lesquels on comptait pour aider le débarquement, ne s'étaient montrés nulle part. La tentative, quoique malheureuse, n'avait pourtant point tellement échoué qu'on ne pût accuser de cet insuccès l'intraitable caprice des éléments, et qu'on ne gardât des espérances pour l'avenir. Un fait était du moins acquis : c'est que, grâce peut-être à l'incurie du gouvernement d'alors, une force de quinze mille Français avait pu sillonner les mers et atteindre les rivages d'une île britannique sans être vue ni contrariée en chemin par les croisières anglaises.

En 1798 (deux ans après) l'insurrection irlandaise avait éclaté. S'il faut en croire lord Cornwallis, "la violence des hommes au pouvoir et le caractère religieux qu'ils avaient eu la folie d'imprimer à la guerre contre les rebelles, ajoutèrent encore à la férocité des troupes anglaises, et rendirent plus difficile tout essai de réconciliation." Un tel état de choses était bien de nature à renouveler des projets d'invasion qui de la part de la France n'avaient point été abandonnés malgré le dernier échec. Le 22 Août de la même année (1798) trois frégates se glissèrent sous les couleurs anglaises das la baie de Killala. Elles jetèrent l'ancre, et comme l'ancien cheval de Troie, elles ne tardèrent point à accoucher d'une force armée. On vit descendre à terre onze cents soldats français, qui, commandés par le général Humbert, s'emparèrent de Killala presque sans résistance, et établirent leur quartier-général dans le palais de l'évêque protestant, le docteur Stock. Ce dernier a laissé un journal intéressant de tout ce qui se passa dans la ville durant l'occupation des Français, et c'est à cette source que je puiserai quelques renseignements sur le caractère d'une expédition si étrange et trop peu connue.

Il est curieux de retrouver dans ce récit l'étonnement naif des habitants de Killala et du bon évêque lui-même à la vue de nos soldats de la république, pâles, maigres, presque livides, mal vêtus. La moitié d'entre eux avaient servi en Italie, les autres étaient les restes de l'armée du Rhin; tous portaient dans leur constitution altérée les traces de glorieuses souffrances et de campagnes qu'avait suivies la victoire. A première vue, on aurait dit que ces hommes de petite taille, avec cet air de faiblesse, étaient incapables de supporter les fatigues et les

privations de la guerre. Leur conduite donnait pourtant le plus vigoureux démenti aux apparences: ils vivaient de pain et de pommes de terre, buvaient de l'eau, faisaient leur lit des pierres de la rue, dormaient sans autre couverture que leurs vêtements, et n'avaient pour toit que la tente du ciel. L'évêque rend pleine justice à leur intelligence, à leur activité, à leur patience invincible, à leur courage, qui s'associait à un fort sentiment de la discipline. Il les préfère de beaucoup à leurs alliés les Irlandais. Humbert avait déclaré que ses soldats s'abstiendraient de toute violence, et qu'ils ne prendraient que ce qui était strictement nécessaire pour leur nourriture. Cette promesse fut religieusement observée. On eut même devant les yeux l'étonnant spectacle d'un évêque anglais gardé ainsi que son petit troupeau par les envahisseurs et protégé par eux contre la rapacité des rebelles irlandais, qui continuaient d'agiter le pays.

C'était pourtant sur l'insurrection irlandaise que le général Humbert comptait appuyer son coup de main. A ce point de vue, il venait trop tard: la tête du mouvement avait été tout récemment abattue par une sanglante défaite. La place du débarquement était, d'ailleurs, mal choisie: c'était plus au nord qu'il eut fallu jeter cette force envahissante pour trouver une base d'opérations dans l'état des esprits et dans les bandes d'insurgés qui resistaient encore. Le général français avait apporté dans son vaisseau des armes, des munitions, et des uniformes qu'il distribua aux paysans de Mayo; mais c'était une race simple et presque sauvage qui ignorait l'usage des armes à feu, et que le bruit du canon devait mettre en fuite à la première rencontre. Réduit à ses faibles ressources, Humbert n'hésita point, et, sans regarder en arrière, il s'élança le lendemain de son arrivée sur Ballina. La garnison anglaise de Ballina s'enfuit à l'approche des Français, et Humbert, encouragé par ce succès, poussa jusqu'à Castlebar. Sa petite armée était maintenant réduite à huit cents hommes; il avait fallu en effet laisser deux cents soldats à Killala et cent à Ballina pour garder ces deux villes. Cependant le général anglais Lake, qui avait reçu la nouvelle du débarquement et de la marche des Français, les attendait près de Castlebar avec au moins dix-huit cents hommes d'infanterie et de cavalerie, dix pièces de canon, et un obusier. L'action s'engagea au lever du soleil. La position des Français était extrêmement critique: ils allaient combattre un ennemi très-supérieur en

nombre, et, dans le cas de défaite, la retraite sur Killala et sur Ballina se trouvait déjà coupée par deux corps d'armée, celui de Sir Thomas Chapman et celui du général Taylor. Humbert pourtant ne craignit point d'entamer l'attaque-l'une des plus audacieuses et des plus désespérées que jamais ait enregistrées l'histoire. Les Français restèrent maîtres du champ de bataille; toute l'artillerie de Lake tomba entre leurs mains, et les troupes anglaises se rétirèrent dans la plus grande confusion.

Lord Cornwallis, ayant appris le mouvement d'invasion et la défaite des Anglais à Castlebar, résolut de marcher en personne contre l'ennemi, à la tête de toutes les troupes qu'il pourrait rassembler. Aussi Humbert, qui avançait toujours, essuyant çà et là diverses escarmouches où il remportait constamment l'avantage, se trouva-t-il, le 8 Septembre, 1798, dans les plaines de Ballynamuck, enveloppé par 25,000 hommes. Avec un sang-froid extraordinaire, il forma sa petite armée en ordre de bataille. Son arrière-garde, attaquée par les forces de Crawford, se rendit; mais le reste des Français se défendit pendant une demi-heure et chercha même à faire des prisonniers; enfin, écrasés par le nombre, accablés, non vaincus, les soldats de la république déposèrent les armes. Ils avaient perdu environ 200 hommes depuis leur arrivée en Irlande. Cette hasardeuse entreprise, dont le succès n'avait été interrompu que par de circonstances défavorables et par d'imposantes forces militaires lentement réunies, jeta une sorte de consternation dans le pays. On se demanda ce que l'Angleterre n'avait point à craindre de son gouvernement et de son armée, si une poignée d'envahisseurs avait pu mettre en déroute des troupes d'élite, prendre différentes villes, s'avancer à plus de cent-vingt milles Anglais dans l'intérieur du pays, et se maintenir dix-sept jours, les armes à la main, dans un royaume qui comptait alors plus de 150,000 soldats.

La nation anglaise n'avait, d'ailleurs, pas attendu cet événement pour aviser elle-même aux moyens de défense. Dès 1777, après la reddition de Bourgoyne à Saratoga, une grande agitation s'était repandue dans le pays, qui avait proposé de venir en aide à la couronne en lui fournissant des troupes. Manchester et Liverpool avaient dès-lors formé chacun un régiment de mille hommes. Dans quelques autres villes et jusque dans les cam

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