si beau qu'il soit, n'exprime pas assez, au gré de Marc-Aurèle, cet amour presque passionné des siens qui est un trait éminent de son caractère, il en cherche le nom dans la langue grecque, plus riche et moins sévère que la langue romaine. Il y trouve le mot de philostorgia, et ce mot devient usuel entre lui et Fronton: “L'amour des siens, la philostorgia,” dit Fronton, “n'est pas une vertu romaine, et je n'ai guère trouvé à Rome un homme qui fut véritablement philostorgos. Voilà pourquoi cette vertu n'a pas de nom dans notre langue.” * En résumé, et en religion et en morale Marc-Aurèle a l'instinct du bien plutôt que la possession du vrai. La raison qu'il donne de sa vertu, loin de la fortifier, la gâte et l'affaiblit. C'est une âme honnête et sincère en même temps que douce et tendre, mais à laquelle manque une certaine force dans la volonté, une certaine décision dans l'esprit. Marc-Aurèle fut souvent faible envers les hommes; très-éloigné de l'esprit antique qui péchait par inaffection, dureté, ingratitude, il prodigua au contraire, et à sa famille et à sa maison, et aux étrangers, parfois aux coupables, l'indulgence, le ménagement, le respect, l'amour, poussés au point où la faiblesse commence. Marc-Aurèle fut surtout ce que l'antiquité aurait pu appeler faible envers ses dieux. Ce perpétuel étudiant de la philosophie ne sut jamais assez philosophe pour envisager hardiment et de sang-froid l'édifice insoutenable et démantelé du polythéisme. Stoïcien, mais pas assez pour mépriser la théurgie néo-platonicienne; platonicien quelquefois, mais pas assez pour rejeter le panthéisme des stoïques; Epictète, qu'il remercie tant Rusticus de lui avoir fait lire, ne lui a pas appris à s'élever au-dessus des cérémonies sacrées par l'essor d'une âme naturellement religieuse; Maxime de Tyr, qu'il a tant aimé, n'est point parvenu à lui donner la notion certaine du Dieu un et personnel, de l'âme immortelle, de l'invocation, de la prière. Il n'ose pas s'avouer, même dans la mesure où Sénèque et Epictète l'ont fait, que cette théurgie sans dogme et même sans Dieu dans laquelle il se laisse envelopper, ne peut être que risible ou funeste, supercherie de l'homme ou prestige démoniaque, duperie ou sacrisége. S'il l'eût osé, il serait arrivé au monothéisme du philosophe, sinon au monothéisme du chrétien. Il n'eût peut-être pas été prosélyte de l'église, il n'en eût pas du moins été persécuteur. Mais par malheur son âme et son esprit s'inclinaient trop timidement devant ses maîtres, devant son peuple, devant ses dieux. Voilà pourquoi ce prince clément, honnête, plus chaste que tout son siècle, et qui avait avec le christianisme plus de points de contact qu'aucun de ses prédécesseurs, fut envers le christianisme plus intolérant qu'aucun de ses prédécesseurs depuis la mort de Domitien. Voilà pourquoi aussi avec lui finit cette halte entre Domitien et Commode, que la Providence par un singulier concours d'événements, avait ménagée au monde romain. Le déclin ne commença pas, nous le verrons, après Marc-Aurèle, mais sous lui; et quoique les maux extérieurs de l'empire y soient pour quelque chose, le caractère de l'homme, ce caractère trop bien façonné peut-être, y est pour beaucoup. Comte de Champagny : "Les Antonins." 56. Le Coq et la Perle. Un ignorant hérita La Fontaine, 57. Le Chien qui láche sa Proie pour l'Ombre. Chacun se trompe ici-bas: On voit courir après l'ombre La plupart du temps, le nombre; La rivière devint tout d'un coup agitée; A toute peine il regagna les bords, La Fontaine. 58. Le Rat de Ville et le Rat des Champs. Autrefois le rat de ville Invita le rat des champs, A des reliefs d'ortolans, Sur un tapis de Turquie Le couvert se trouva mis; Que firent ces deux amis. Le régal fut fort honnête ; Rien ne manquait au festin : Pendant qu'ils étaient en train. Ils entendirent du bruit; Son camarade le suit. Le bruit cesse, on se retire, Rats en campagne aussitôt; “ Achevons tout votre rôt." C'est assez, dit le rustique; Demain vous viendrez chez moi. De tous vos festins de roi : Mais rien ne vient m'interrompre; Je mange tout à loisir. La Fontaine. 59. La Perdrix et les Coqs. Toujours en noise, et turbulents, Son sexe et l'hospitalité, D'abord elle en fut affligée; Jupiter sur un seul modèle N'a pas formé tous les esprits; En plus honnête compagnie. Il nous prend avec des tonnelles, La Fontaine, 60. La Fleur et le Papillon. La pauvre fleur disait au papillon céleste: Ne fuis pas ! Tu t'en vas! Et loin d'eux, Et nous nous ressemblons, et l'on dit que nous sommes Fleurs tous deux ! Mais, hélas ! l'air t'emporte et la terre m'enchaine : Sort cruel ! Dans le ciel ! Mais non, tu vas trop loin. Parmi des fleurs sans nombre Vous fuyez, A mes pieds ! Luire ailleurs. Toute en pleurs ! O mon roi, Victor Hugo. 61. Espoir en Dieu. Espère, enfant ! demain ! et puis demain encore ! Et puis toujours demain ! croyons dans l'avenir. Espère ! et chaque fois que se lève l'aurore, Soyons là pour prier comme Dieu pour bénir ! Peut-être qu'en restant bien long-temps à genoux, Victor Hugo. 62. La Tombe et la Rose. La tombe dit à la rose : Que fais-tu, fleur des amours? Dans ton gouffre ouvert toujours ? |