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Rappelle-toi, lorsque les destinées
M'auront de toi pour jamais séparé ;
Quand le chagrin, l'exil et les années
Auront flétri ce cœur désespéré ;

Songe à mon triste amour, songe à l'adieu suprême !
L'absence ni le temps ne sont rien lorsqu'on aime :
Tant que mon cœur battra
Toujours il te dira:
Rappelle-toi !

Rappelle-toi, quand sous la froide terre
Mon cœur brisé pour toujours dormira;
Rappelle-toi, quand la fleur solitaire

Sur mon tombeau doucement s'ouvrira.
Je ne te verrai plus, mais mon âme immortelle
Reviendra près de toi comme une sœur fidèle.
Ecoute, dans la nuit,

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De mes vieux compagnons de gloire

Je viens de me voir entouré,
Nos souvenirs m'ont enivré,
Le vin m'a rendu la mémoire;
Fier de mes exploits et des leurs,
J'ai mon drapeau dans ma chaumière.
Quand secouerai-je la poussière
Qui ternit ses nobles couleurs?

Il est caché sous l'humble paille
Où je dors, pauvre et mutilé,
Lui qui, sûr de vaincre, a volé
Vingt ans de bataille en bataille !
Chargé de lauriers et de fleurs,
Il brilla sur l'Europe entière.
Quand secouerai-je la poussière
Qui ternit ses nobles couleurs?

Ce drapeau payait à la France
Tout le sang qu'il nous a coûté :
Sur le sein de la Liberté

Nos fils jouaient avec sa lance.
Qu'il prouve encore aux oppresseurs
Combien la gloire est roturière.
Quand secouerai-je la poussière
Qui ternit ses nobles couleurs ?
Son aigle est resté dans la poudre,
Fatigué de lointains exploits.
Rendons-lui le coq des Gaulois :
Il sut ainsi lancer la foudre.
La France, oubliant ses douleurs,
Le rebénira, libre et fière.
Quand secouerai-je la poussière
Qui ternit ses nobles couleurs?
Las d'errer avec la victoire,
Des lois il deviendra l'appui.
Chaque soldat fut, grâce à lui
Citoyen aux bords de la Loire.
Seul il peut voiler nos malheurs;
Déployons-le sur la frontière.
Quand secouerai-je la poussière
Qui ternit ses nobles couleurs?

Mais il est là, près de mes armes,
Un instant osons l'entrevoir.

Viens, mon drapeau, viens, mon espoir!
C'est à toi d'essuyer mes larmes.
D'un guerrier qui verse des pleurs
Le ciel entendra la prière.
Oui, je secouerai la poussière
Qui ternit tes nobles couleurs.

72. Les Hirondelles.

Captif au rivage du Maure,

Béranger.

Un guerrier, courbé sous ses fers,

Disait: Je vous revois encore,
Oiseaux, ennemis des hivers.

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Hirondelles, que l'espérance

Suit jusqu'en ces brûlants climats,
Sans doute vous quittez la France :
De mon pays ne me parlez-vous pas ?

Depuis trois ans je vous conjure
De m'apporter un souvenir
Du vallon, où ma vie obscure
Se berçait d'un doux avenir.
Au détour d'une eau qui chemine

A flots purs, sous de frais lilas,
Vous avez vu notre chaumine:

De ce vallon ne me parlez-vous pas ?

L'une de vous peut-être est née
Au toit où j'ai reçu le jour;
Là, d'une mère infortunée

Vous avez dû plaindre l'amour.
Mourante, elle croit à toute heure
Entendre le bruit de mes pas;
Elle écoute, et puis elle pleure :
De son amour ne me parlez-vous pas ?
Ma sœur est-elle mariée ?

Avez-vous vu de nos garçons

La foule, aux noces conviée,

La célébrer dans leurs chansons ?

Et ces compagnons du jeune âge
Qui m'ont suivi dans les combats,

Ont-ils revu tous le village?

De tant d'amis ne me parlez-vous pas ?

Sur leurs corps l'étranger peut-être

Du vallon reprend le chemin;

Sous mon chaume il commande en maître,

De ma sœur il trouble l'hymen ;

Pour moi plus de mère qui prie

Et partout des fers ici-bas.

Hirondelles de ma patrie,

De ses malheurs ne me parlez-yous pas ?

Béranger.

73. Vers composés à l'heure de la Mort de l'Auteur, et interrompus par le Bourreau.

Comme un dernier rayon, comme un dernier zéphyre
Anime la fin d'un beau jour,

Au pied de l'échafaud j'essaie encore ma lyre.
Peut-être est-ce bientôt mon tour.

Peut-être avant que l'heure en cercle promenée
Ait posé, sur l'émail brillant,

Dans le soixante pas où sa route est bornée,
Son pied sonore et vigilant,

Le sommeil du tombeau pressera mes paupières.
Avant que de ses deux moitiés

Ce vers que je commence ait atteint la dernière,
Peut-être en ces mur effrayés

Le messager de mort, noir recruteur des ombres,
Escorté d'infâmes soldats,

Remplira de mon nom ces longs corridors sombres.

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Qu'elle était belle ma frégate,
Lorsqu'elle voguait dans le vent!
Elle avait, au soleil levant,
Toutes les couleurs de l'agate;
Ses voiles luisaient le matin
Comme des ballons de satin ;
Sa quille mince, longue et plate,
Portait deux bandes d'écarlate
Sur vingt-quatre canons cachés;
Ses mâts, en arrière penchés,
Paraissaient à demi couchés.
Dix fois plus vive qu'un pirate,
En cent jours du Havre à Surate ·
Elle nous emporta souvent.

Qu'elle était belle ma frégate,
Lorsqu'elle voguait dans le vent!

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Ainsi près d'Aboukir reposait ma frégate;
A l'ancre dans la rade, en avant des vaisseaux,
On voyait de bien loin son corset d'écarlate
Se mirer dans les eaux.

Ses canots l'entouraient, à leur place assignée,
Pas une voile ouverte, on était sans dangers;
Ses cordages semblaient des filets d'araignée,
Tants ils étaient légers.

Nous étions tous marins. Plus de soldats timides
Qui chancellent à bord ainsi que des enfants;
Ils marchaient sur leur sol, prenant les Pyramides,
Montant des éléphants.

Il faisait beau. La mer, de sable environnée,
Brillait comme un bassin d'argent entouré d'or;
Un vaste soleil rouge annonça la journée
Du quinze Thermidor.

La Sérieuse alors s'ébranla sur sa quille:
Quand venait un combat, c'était toujours ainsi;
Je le reconnus bien, et je lui dis: Ma fille,
Je te comprends, merci.

J'avais une lunette exercée aux étoiles;
Je la pris, et la tins ferme sur l'horizon-
Une, deux, trois-je vis treize et quatorze voiles:
Enfin, c'était Nelson.

Il courait contre nous en avant de la brise;
La Sérieuse à l'ancre, immobile s'offrant,
Reçut le rude abord sans en être surprise,
Comme un roc un torrent.

Tous passèrent près d'elle en lâchant leur bordée ;
Fière, elle répondit aussi quatorze fois,

Et par tous les vaisseaux elle fut débordée,
Mais il en resta trois.

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