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la ville seule perdit plus de cent mille individus. A Pise, sur dix il en périt sept; mais quoique dans cette ville on eût reconnu, comme ailleurs, que quiconque touchait un mort ou ses effets, ou même son argent, était atteint par la contagion, et quoique personne ne voulût pour un salaire rendre aux morts les derniers devoirs, cependant nul cadavre ne resta dans les maisons privé de sépulture. A Sienne, l'historien Agnolo de Tura raconte que, dans les quatre mois de Mai, Juin, Juillet, et Août, la peste enleva quatre-vingt mille âmes, et que lui-même ensevelit, de ses propres mains, ses cinq fils dans la même fosse. La ville de Trapani, en Sicile, resta complètement déserte. Gênes perdit quarante mille habitants, Naples soixante mille, et la Sicile, sans doute avec la Pouille, cinq cent trente mille. En général, on calcula que dans l'Europe entière, qui fut soumise, d'une extrémité à l'autre, à cet épouvantable fléau, la peste enleva les trois cinquièmes de la population. Sismondi, Histoire des Républiques Italiennes du Moyen-âge.

23. Robin Hood.

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Après sa victoire, le roi Richard, voulant se délasser, fit un voyage de plaisir dans la plus grande forêt de l'Angleterre qui s'étendait depuis Nottingham jusqu'au centre du comté d'York, sur un espace de plusieurs centaines de milles. Les Saxons l'appelaient Sire-Wode, nom qui, dans la suite des temps, s'est changé en celui de Sherwood. Jamais de sa vie il n'avait vu ces forêts," dit un narrateur contemporain, "et elles lui plurent extrêmement." Au sortir d'une longue captivité on est toujours sensible au charme des sites pittoresques; et d'ailleurs à cet attrait naturel pouvait s'en joindre un autre tout particulier, et plus piquant peut-être pour l'esprit aventureux de Richard Coeur-de-Lion. Sherwood était alors une forêt redoutable aux Normands; c'était l'habitation des derniers restes des bandes de Saxons armés, qui reniant encore la conquête, persistaient volontairement à vivre hors de la loi de l'étranger. Partout chassés, poursuivis, traqués comme des bêtes fauves, c'est là seulement, qu'à la faveur des lieux, ils avaient pu se maintenir en nombre, et sous une sorte d'organisation militaire qui leur donnait

un caractère plus respectable que celui de voleurs de grands chemins.

Vers le temps où le héros du baronage anglo-normand visita la forêt de Sherwood, dans cette même forêt vivait un homme qui était le héros des serfs, des pauvres, et des petits, en un mot de la race anglo-saxonne. "Parmi les déshérités,” dit un ancien chroniqueur, "on remarquait alors le fameux brigand Robert Hode, que le bas peuple aime tant à fêter par des jeux et des comédies, et dont l'histoire, chantée par les ménétriers, l'intéresse plus qu'aucune autre." A ce peu de mots se reduisent toutes nos données historiques sur l'existence du dernier Anglais qui ait suivi l'exemple de Hereward; et pour retrouver quelques traits de sa vie et de son caractère, c'est aux vieilles romances et aux ballades populaires qu'il faut de nécessité avoir recours. Si l'on ne peut ajouter foi aux faits bizarres et souvent contradictoires rapportés dans ces poésies, elles sont du moins un témoignage incontestable de l'ardente amitié du peuple anglais pour le chef de bande qu'elles célèbrent, et pour ses compagnons, qui, au lieu de labourer pour des maîtres, couraient la forêt, gais et libres, comme s'expriment de vieux refrains. Ou ne peut guère douter que Robert, ou plus vulgairement Robin Hood, n'ait été d'origine saxonne; son prénom français ne prouve rien contre cette opinion, parce que dès la seconde génération après la conquête, l'influence du clergé normand fit tomber en désuétude les anciens noms de baptême, remplacés dès lors par les noms de saints ou d'autres, usités en Normandie. Le nom de Hood est Saxon, et les ballades les plus anciennes, et par conséquent les plus dignes d'attention, rangent les aïeux de celui qui le porta dans la classe des paysans. Plus tard, quand s'affaiblit le souvenir de la révolution opérée par la conquête, les poêtes de village imaginèrent d'embellir leur personnage favori de la pompe des grandeurs et des richesses; ils en firent un comte, ou tout au moins le petit-fils d'un comte. Cette dernière supposition a donné lieu à une romance populaire pleine d'intérêt et d'idées gracieuses; mais rien de probable ne l'autorise.

Qu'il soit vrai ou faux que Robin Hood soit né, comme le dit cette romance, "dans le bois verdoyant, au milieu des lis en fleur," c'est dans les bois qu'il passa sa vie à la tête de plusieurs centaines d'archers, redoutables aux comtes, aux vicomtes, aux évêques, et aux riches abbés d'Angleterre, mais chéris des

fermiers, des laboureurs, des veuves, et des pauvres gens. Ils accordaient paix et protection à tout ce qui était faible et opprimé, partageaient avec ceux qui n'avaient rien les dépouilles de ceux qui s'engraissaient de la moisson d'autrui, et, selon la vieille tradition, faisaient du bien à toute personne honnête et laborieuse. Robin Hood était le meilleur cœur et le plus habile tireur d'arc de toute le bande; et après lui on citait Petit-Jean, son lieutenant et son frère d'armes, dont il ne se séparait jamais dans le péril comme dans la joie, et dont les ballades et les proverbes anglais ne le séparent pas non plus. La tradition nomme encore quelques-uns de ses compagnons, tels que Mutch, le fils d'un meunier, le vieux Scath Locke, et une moine appelé frère Tuck, qui combattait en froc, et pour toute arme se contentait d'un lourd bâton. Ils étaient tous d'humeur joyeuse, ne visant point à s'enrichir, mais seulement à vivre de leur butin, et distribuant tout ce qu'ils avaient de superflu aux familles expropriées dans le grand pillage de la conquête. Quoique ennemis des riches et des puissans, ils ne tuaient point ceux qui tombaient entre leurs mains, et ne versaient le sang que pour leur propre défense.

Leurs coups ne tombaient guère que sur les agents de la police royale et les gouverneurs des villes ou des provinces, que les Normands appelaient vicomtes, et que les Anglais appelaient shériffs. "Bandez vos arcs,” dit Robin Hood, et essayez-en les cordes; dressez une potence ici près; et malédiction sur la tête de celui qui fera grâce au shériff et aux sergents."

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Le shériff de Nottingham fut celui contre lequel Robin Hood eut le plus souvent à combattre, et celui qui le pourchassa le le plus vivement, à cheval et à pied, mettant sa tête à prix, et excitant ses compagnons et ses amis à le trahir. Mais aucun homme ne le trahit, et plusieurs l'aidèrent à se retirer du péril où sa hardiesse l'entraînait souvent. "J'aimerais mieux mourir," lui disait un jour une pauvre femme, "que de ne pas tout faire pour te sauver, car qui m'a nourrie et vêtue, moi et mes enfans, si ce n'est pas toi et Petit-Jean ?”

Les aventures surprenantes de ce chef de bandits du douzième siècle, ses victoires sur les hommes de race normande, ses stratagèmes et ses évasions, furent longtemps les seuls fonds d'histoire nationale qu'un homme du peuple en Angleterre transmit à ses fils, après l'avoir reçu de ses aïeux L'imagination populaire prêtait au personnage de Robin Hood toutes les

qualités et toutes les vertus du moyen-âge. Il passe pour avoir été aussi dévot à l'église que brave au combat, et l'on disait de lui qu'une fois entré pour entendre l'office, quelque danger qui survînt, il ne sortait jamais qu'à la fin. Ce scrupule de dévotion l'exposa une fois à être pris par le shériff et ses hommes d'armes; mais il trouva encore moyen de faire résistance, et même, à ce que dit la vieille histoire, un peu suspecte d'exagération, ce fut lui qui prit le shériff. Sur ce thême, les ménétriers anglais du quatorzième siècle ont composé une longue ballade, dont quelques lignes méritent d'être citées, ne fût-ce que comme exemple de la couleur franche et animée que le peuple donne à sa poésie dans les temps où il existe une littérature véritablement populaire :—

"En été, quand la verdure est belle et les feuilles larges et longues, il y a du plaisir dans la forêt à écouter le chant des oiseaux ;

"A voir les chevreuils quitter la colline, pour se retirer dans la plaine, et se mettre à l'ombre sous les feuilles vertes du bois.

“C'était un jour de Pentecôte, de bonne heure, un matin de Mai, un de ces jours où le soleil se lève beau, et où les oiseaux chantent gaiement.

"Par la croix du Christ,' dit Petit-Jean, 'voilà une joyeuse matinée; et dans toute la chrétienté, il n'y a pas un hommè plus joyeux que moi.

"Ouvre ton cœur, mon cher maître, et songe qu'il n'y a pas dans l'année de plus beau temps qu'un matin de Mai!'

"Une chose me pèse,' dit Robin Hood, 'et me chagrine le cœur: c'est de ne pouvoir, en aucun jour de fête, entendre messe ni matines;

"Il y a quinze jours et plus que je n'ai vu mon Sauveur, et je voudrais aller à Nottingham, avec l'aide de la bonne Marie.' "Robin va seul à Nottingham; et Petit-Jean reste au bois de Sherwood; il va dans l'église de Sainte-Marie, et s'agenouille devant la croix."

Robin Hood ne fut pas simplement renommé pour sa dévotion aux saints et aux jours de fête; lui-même eut, comme les saints, son jour de fête dans l'année; et dans ce jour, chômé religieusement par les habitans des hameaux et des petites villes d'Angleterre, il n'était permis de s'occuper de rien, sinon de jeux et de plaisirs. Au quinzième siècle cet usage était encore observé ;

et les fils des Saxons et des Normands prenaient en commun leur part de ces divertissemens populaires, sans songer qu'ils étaient un monument de la vieille hostilité de leurs aïeux. Ce jour-là, les églises étaient désertes comme les ateliers; aucun saint, aucun prédicateur ne l'emportait sur Robin Hood; et cela dura même après que la réforme eut donné en Angleterre un nouvel essor au zèle religieux. C'est un fait attesté par un évêque Anglican du seizième siècle, le célêbre et respectable Latimer. En faisant sa tournée pastorale, il arriva le soir dans une petite ville près de Londres, et fit avertir qu'il prêcherait le lendemain, parce que c'était jour solennel. "Le lendemain," dit-il, "je me rendis à l'église, mais, à mon grand étonnement, j'en trouvai les portes fermées à clef; j'envoyai chercher la clef, et l'on me fit attendre une heure et plus; enfin un homme vint à moi et me dit: 'Messire, ce jour est un jour de grande occupation pour nous; nous ne pouvons vous entendre; car c'est le jour de Robin Hood; tous les gens de la paroisse sont au loin à couper des branches pour. Robin Hood; vous les attendriez inutilement.' L'évêque s'était revêtu de son costume ecclésiastique; il fut obligé de le quitter, et de continuer sa route; laissant la place aux archers habillés de vert, qui jouaient sur un théâtre de feuilles les rôles de Robin Hood, de Petit-Jean, et de toute la bande.

Des traces de ce long souvenir, dans lequel s'anéantit pour le peuple Anglais le souvenir même de l'invasion normande, subsistent encore aujourd'hui. On trouve dans la province d'York, à l'embouchure d'une petit rivière, une baie qui, sur toutes les cartes modernes, porte le nom de Robin Hood; et il n'y a pas longtemps que dans la même province, près de Pontefract, l'on montrait aux voyageurs une source d'eau vive et claire qu'on appelait le puits de Robin Hood, et on les invitait à y boire en l'honneur du fameux archer. Durant tout le dixseptième siècle les vieilles ballades de Robin Hood, imprimées en lettres gothiques (espèce d'impression que le bas peuple Anglais affectionnait singulièrement) circulaient dans les villages où elles étaient colportées par des hommes qui les chantaient sur une espèce de récitatif. On en compila même plusieurs collections complètes à l'usage des lecteurs des villes, et l'un de ces recueils portait le titre élégant de Guirlande de Robin Hood. Aujourd'hui ces livres, devenus rares, n'intéressent que les érudits; et

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