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Sur les pas de Lamoricière, le peuple, en effet, déborde de la rue de Rohan sur le Carrousel; il parlemente avec les soldats. Les soldats refluent en désordre, et se précipitent dans la cour des Tuileries.

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Le roi écrit, au bruit de l'insurrection qui monte, ces mots : J'abdique en faveur de mon petit-fils, le comte de Paris. Je désire qu'il soit plus heureux que moi."

La précipitation naturelle dans de pareils moments avait fait oublier d'apposer aucune signature à la proclamation, que M. de Girardin jetait à la foule sur le Carrousel et sur la place du Palais Royal.

Le fils de l'amiral Baudin, parti avec M. de Girardin pour aller répandre ces proclamations sur la place de la Concorde, était repoussé par la même incrédulité et par les mêmes périls. Le roi se consumait d'impatience; il eut un dernier rayon d'espoir par l'arrivée d'un vieux serviteur devenu l'ami du roi et resté l'ami du peuple de Paris. C'était le maréchal Gérard, homme simple et antique, passé des champs de bataille de l'empire dans cette cour sans y avoir perdu la mémoire de la liberté. Dévoué depuis longtemps au roi par le cœur, il n'avait perdu ni l'indépendence ni la couleur de ses opinions: brave comme un soldat, populaire comme un tribun, le maréchal Gérard était bien l'homme de l'heure suprême. "Allez au devant de ces masses," lui dit le roi, "et annoncez-leur mon abdication."

Le maréchal, vêtu d'un habit de matin de forme bourgeoise et de couleur terne, coiffé d'un chapeau rond, monte le cheval que le maréchal Bugeaud venait de laisser dans la cour. Le général Duchant, brillant officier de l'Empire, célèbre par sa beauté martiale et par sa bravoure, accompagne le maréchal Gérard. Ils sortent de la grille. Ils sont accueillis par les cris de "Vivent les braves!" Le vieux maréchal reconnaît dans la foule le colonel Dumoulin, ancien officier d'ordonnance de l'empereur, homme aventureux que le vertige du feu entraîne et que le mouvement enivre: il l'appelle par son nom. Allons," lui dit-il, "mon cher Dumoulin; voilà l'abdication du roi et la régence de la duchesse d'Orléans, que j'apporte au peuple. Aidez-moi à les faire accepter."

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En disant ces mots, le général tend un papier au colonel Dumoulin. Mais le républicain Lagrange, plus leste que

Dumoulin, arrache la proclamation de la main du général, et disparait sans la communiquer au peuple. Ce geste enleva la régence et le trône à la dynastie d'Orléans.

Cependant le roi, qui avait promis d'abdiquer à M. de Girardin, à son fils, et aux ministres qui l'entouraient de leur terreur, n'avait pas encore achevé d'écrire formellement son abdication. Il semblait attendre un autre conseil plus conforme à sa temporisation habituelle, et disputer encore avec la nécessité. Une circonstance faillit donner raison à ses lenteurs, et le rasseoir lui et sa dynastie sur le trône. Le maréchal Bugeaud traversant de nouveau la cour des Tuileries au galop, en revenant d'une nouvelle reconnaissance, se précipita de son cheval et entra presque de force dans le cabinet plein de désordre, de ministres posthumes, et de conseillers de fait autour du monarque. Il fendit les groupes et se fit jour jusqu'au roi.

Ce prince, assis devant une table, tenait la plume; il écrivait lentement son abdication avec un soin, une symétrie de calligraphe, en lettres majuscules qui semblaient porter sur le papier la majesté de la main royale. Les ministres de la veille, de la nuit, et du jour, les courtisans, les conseillers officieux, les princes, les princesses, les enfants de la famille royale, remplissaient de foule, de confusions, de dialogues, de chuchottements, de groupes agités, l'appartement. Les visages portaient l'expression de l'effroi qui précipite les résolutions et qui brise les caractères; on était à une de ces heures suprêmes où les cœurs se révèlent dans leur nudité, où le masque du rang, du titre, de la dignité, tombe des visages et laisse voir la nature souvent dégradée par la peur. On entendait de loin à travers les rumeurs de la chambre les coups de feu retentissant déjà à l'extrémité de la cour du Louvre. Une balle siffle distinctement à l'oreille exercée du maréchal; elle va se perdre dans les toits. Le maréchal ne dit pas à ceux qui l'entourent la sinistre signification de ce bruit. Le palais des rois pouvait devenir un champ de bataille; à ses yeux c'était le moment de combattre, et non de capituler.

"Eh quoi, sire," dit-il au roi, "on ose vous conseiller d'abdiquer au milieu d'un combat? Ignore-t-on donc que c'est vous conseiller plus que la ruine, la honte? L'abdication dans le calme et dans la liberté de la délibération, c'est quelquefois le salut d'un empire et la sagesse d'un roi; l'abdication sous le feu,

cela ressemble toujours à une faiblesse; et de plus,” ajouta-t-il, "cette faiblesse, que vos ennemis traduiraient en lâcheté, serait inutile en ce moment. Le combat est engagé, il n'y a aucun moyen d'annoncer cette abdication aux masses nombreuses qui se lèvent et dont un mot jeté des avant-postes ne saurait arrêter l'impulsion; rétablissons l'ordre d'abord, et délibérons ensuite."

"Eh bien!" dit le roi, se levant à ces paroles et pressant de ses mains émues les mains du maréchal, “ vous me défendez donc d'abdiquer, vous ?"-"Oui, sire," reprit avec une respectueuse énergie le brave soldat, "j'ose vous conseiller de ne pas céder, en ce moment du moins, à un avis qui ne sauvera rien et qui peut tout perdre."

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Le roi parut rayonnant de joie en voyant son sentiment partagé et autorisé par la parole ferme et martiale de son général. Maréchal," lui dit-il avec attendrissement et d'un ton presque suppliant, "pardonnez-moi d'avoir brisé votre épée dans vos mains en vous retirant votre commandement pour le donner à Gérard. Il était plus populaire que vous !"" Sire,” répliqua le maréchal Bugeaud, qu'il sauve votre majesté, et je ne lui envie rien de votre confiance."

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Le roi ne se rapprochait plus de la table et paraissait renoncer à l'idée de l'abdication; les groupes de ses conseillers parurent consternés: ils attachaient à cette idée, les uns leur salut, les autres le salut de la royauté, quelques-uns de secrètes ambitions peut-être. Tous du moins y voyaient une de ces solutions qui font diversion d'un moment aux crises, et qui soulagent l'esprit du poids des longues incertitudes.

Le duc de Montpensier, fils du roi, qui paraissait plus dominé encore que les autres par l'impatience d'un dénouement, s'attacha de plus près à son père, l'assiégea d'instances et de gestes presque impérieux pour l'engager à se rasseoir et à signer. Cette attitude, ces paroles restèrent dans la mémoire des assistants comme une des plus douloureuses impressions de cette scène. La reine seule, dans ce tumulte et dans cet entraînement de conseils timides, conserva la grandeur, le sang-froid et la résolution de son rang d'épouse, de mère, et de reine. Après avoir combattu avec le maréchal la pensée d'une abdication précipitée, elle céda à la pression de la foule, elle se retira dans l'embrasure d'une fenêtre, d'où elle contemplait le roi avec l'indignation sur les lèvres et de grosses larmes dans les yeux.

Le roi remit son abdication à ses ministres et rejoignit la reine dans l'embrasure du salon. Il n'était plus roi: mais personne n'avait autorité légale pour saisir le règne. Le peuple ne marchait déjà plus au combat contre le roi, mais contre la royauté: en un mot, il était trop tôt ou trop tard.

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Le maréchal Bugeaud en fit encore l'observation au roi avant de s'éloigner. "Je le sais, maréchal," dit le roi; "mais je ne veux pas que le sang coule plus longtemps pour ma cause. Le roi était brave de sa personne. Ce mot n'était donc pas un prétexte dont il couvrait sa fuite, ni une lâcheté. Ce mot doit consoler l'éxil et attendrir l'histoire. Ce que Dieu approuve,

les hommes ne doivent pas le flétrir.

Le roi ôta son uniforme et ses plaques; il déposa son épée sur la table; il revêtit un simple habit noir et donna le bras à la reine pour laisser le palais au règne nouveau. S. de Lamartine : "Histoire de la Révolution de 1848."

34. François Ier et Charles-Quint.

Au mois d'Avril, 1539, François Ier, triste et malade, habitait le château de Compiègne, qu'il aimait presque autant que Fontainebleau, à cause du voisinage de la fôret, lorsqu'il reçut de Charles-Quint une lettre confidentielle qui surprit et embarrassa fort son conseil.

L'empereur demandait à son frère de France passage et saufconduit à travers ses provinces, pour aller punir les Gantois qui s'étaient revoltés à l'occasion d'un nouveau subside que réclamait d'eux la gouvernante des Pays-Bas.

Les circonstances étaient graves: toutes les villes de métiers, Liège, Ypres, Namur, n'attendaient qu'un signal pour arborer l'étendard de la rébellion et suivre l'exemple de Gand; et au même instant les Cortès de Castille faisaient retentir aux oreilles de l'empereur un langage séditieux; les Cortès réclamaient le rétablissement des franchises et des priviléges de la noblesse. Charles-Quint était perdu si le roi de France prêtait le secours de ses armes et de son nom aux révoltés des Flandres.

C'est ce qu'objectèrent tout d'abord les conseillers du roi lorsque la lettre de l'empereur leur fut communiquée. Mais les premiers troubles du protestantisme dans son royaume avaient şi fort épouvanté François I, que sans cesse il se croyait à la

veille d'une révolte générale, et pour rien au monde, tant il redoutait la contagion, il n'eût voulu favoriser l'insurrection, même contre un ennemi.

A l'encontre de tous ses conseillers, le roi de France se décida donc à accorder à Charles-Quint le passage et le saufconduit qu'il demandait. Faut-il le dire, François Ier voyait dans cette perspective de devenir l'hôte de son plus cruel ennemi quelque chose de grand, de chevaleresque, qui flattait singulièrement ses idées. Et afin que nul ne pût mettre en doute sa sincérité et sa loyauté, il envoya ses deux fils, le Dauphin et le duc d'Orléans, jusqu'au pied des Pyrénées, pour se mettre à la disposition de l'empereur. Les jeunes princes lui devaient offrir de demeurer comme otages dans quelque ville d'Espagne tant que durerait son voyage à travers la France.

Charles-Quint n'envoya pas les jeunes princes en Espagne; il voulut les garder près de lui, " pour lui faire compagnie, comme fils de son meilleur compagnon et confédéré."

"La parole du roi de France," répondit-il à ceux qui lui conseillaient de prendre ses sûretés, "m'est un garant assez sûr.” Enfin on sé mit en route. Les volontés de François Ier avaient été scrupuleusement exécutées, et l'empereur était véritablement traité comme lui-même. Devant l'hôte du roichevalier marchait le connétable de France, portant devant lui l'épée nue et droite, les plus nobles gentilshommes lui faisaient escorte, et chacun lui rendit les honneurs dus au seul souverain. Partout, sur son passage, les villes se pavoisaient aux couleurs impériales, les gouverneurs et les corporations venaient aux portes le recevoir et lui rendre hommage. Il avait toutes les prérogatives du droit régalien, faisait acte de justice et de souveraineté, et dans chaque ville délivrait les prisonniers.

La cité de Poitiers se distingua entra toutes les bourgeois n'avaient point regardé à la dépense, et des fêtes magnifiques signalèrent le passage de l'allié de François Ier.

"Ainsi," dit une vieille chronique, "l'empereur s'avançait à travers les provinces, chassant sur les rivières et dans les fôrets, s'émerveillant de la richesse du pays, et disant que son frère de France était bien plus riche et bien plus puissant que lui, dont les états étaient si vastes que le soleil ne s'y couchait jamais."

A la cour de France on faisait d'immenses préparatifs et

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