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un ouvrage fondé tout entier sur la chevalerie, et qui, dans son ensemble, vaut mieux que Tancrède. La pièce de du Belloi a surtout l'avantage d'offrir des noms connus, des noms célèbres dans notre histoire. Personne ne sait ce que c'est que Tancrède et cette Aménaïde. Le Bayard de du Belloi présente des événemens importans, capables de fixer l'attention: on ne voit dans Tancrède que des folies amoureuses, une héroïne en délire, un héros qui se fait tuer pour une femme qu'il méprise. Aménaïde refuse le secours que lui offre Orbassan, et se dévoue à la mort:

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Je sais de votre loi la dureté barbare,

Celle de mes tyrans, la mort qu'on me prépare;

Je ne me vante point du fastueux effort

De voir sans m'alarmer les apprêts de ma mort:

Je regrette la vie, elle dut m'être chère;

Je pleure mon destin, je gémis sur mon père.

On a voulu trouver de la ressemblance entre ces sentimens et ceux d'Iphigénie sur le point d'être immolée, qui dit à son père:

D'un œil aussi content, d'un cœur aussi soumis
Que j'acceptais l'époux que vous m'aviez promis,
Je saurai, s'il le faut, victime obéissante,
Tendre au fer de Calchas une tête innocente.

L'auteur des notes sur les tragédies de Voltaire, que l'on dit être Condorcet, fait à ce sujet les réflexions suivantes :

« Cette résignation paraît exagérée. Le sentiment d'A» ménaïde est plus vrai et aussi touchant; mais dans » cette comparaison, ce n'est point Racine qui est in» férieur à Voltaire; c'est l'art qui a fait des progrès. » Pour rendre les vertus dramatiques plus imposantes, » on les a d'abord exagérées; mais le comble de l'art est » de les rendre à la fois naturelles et héroïques : cette

» perfection ne pouvait être que le fruit du temps, de l'étude des grands modèles, et surtout de l'étude de >> leurs fautes. >>

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Cette note est si étrange, si extraordinaire, qu'il faudrait un volume pour relever tout ce qu'il y a de faux et d'erroné dans un si petit nombre de lignes : elle renferme le bréviaire, on plutôt le catéchisme de l'école voltairienne șur la poésie dramatique. Le secret de cette école, le mystère auquel on a soin d'initier tous les prosélytes, consiste à mettre Voltaire au-dessus de Racine, sans que cela paraisse, et sans trop scandaliser les faibles. Quelques enfans perdus, comme Saint-Lambert, qui avaient plus d'audace que de politique, plus de fanatisme que de raison, ont tranché très-étourdiment sur cette supériorité : ils ont proclamé Voltaire

Vainqueur des deux rivaux qui partagent la scène.

M. de Laharpe y a mis un peu plus de discrétion; et après avoir rabaissé Corneille, au point de ne lui accorder que de beaux morceaux, et pas une seule tragédie, il a très-adroitement insinué que Voltaire avait été plus loin que Racine, et c'était lui donner la victoire sur les deux maîtres de notre scène. Condorcet procède encore plus finement; et à l'aide d'une distinction philosophique, qui vaut pour le moins une distinction jésuitique, il sépare Racine de ses ouvrages. Il n'a garde de dire que Racine est inférieur à Voltaire : il n'oserait en apparence proférer un tel blasphème; mais il avance que depuis Racine, l'art a fait beaucoup de progrès. Ce n'est donc pas Voltaire qui vaut mieux que Racine; ce sont les tragédies de Racine qui sont inférieures à celles de Voltaire, parce que du temps de Racine, l'art n'était pas assez bien connu; parce que depuis ce grand homme, les lumières ont fait un progrès étonnant. On reconnaît

là, la doctrine de madame de Staël, doctrine qui se trouve assez juste quand on l'applique aux sciences exactes ; mais qui, appliquée aux arts d'agrémens, est une des plus dangereuses hérésies qui jamais aient attaqué la foi littéraire.

Cette perfection dont on gratifie Voltaire, et qui l'élève fort au-dessus de Racine, est donc le fruit du temps, de l'étude des grands modèles, et surtout de l'étude de leurs fautes. D'après ce calcul, M. de Labarpe, et les auteurs tragiques actuels, doivent être fort supérieurs à Voltaire; car depuis soixante ans l'art a fait des progrès: on a eu le temps d'étudier les grands modèles, et surtout leurs fautes. Il paraît que, d'après le conseil de Condorcet, les disciples de Voltaire se sont particulièrement attachés à étudier ses fautes, car ils ont réussi à les bien imiter; et ce sont les fautes de Voltaire qui font leurs beautés de pareilles assertions ne méritent guère une réfutation sérieuse; et rien n'est plus comique que la gravité magistrale avec laquelle on érige en axiomes ces erreurs et ces mensonges de l'ignorance. Il faut pardonner à Condorcet, qui n'était que géomètre, des bévues en littérature; mais on ne peut excuser dans un homme aussi philosophe ce fanatisme à froid pour Voltaire, lequel avait trop d'esprit pour ne pas se moquer d'un pareil admirateur. Il s'en faut bien que l'art de la tragédie ait fait des progrès depuis Racine; il a au contraire sensiblement décliné. Depuis ce poëte si sage, judicieux, nous n'avons presque vu que des ouvrages d'écolier, où quelques lieux communs, quelques tirades de collége brillaient sur un fond misérable.

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Faut-il être étonné que, dans ces derniers temps, on ait essayé de porter la lumière sur les défauts de Voltaire, et d'examiner avec quelque sévérité le plan et le style de ses tragédies? Ces critiques n'étaient-elles pas nécessaires au

rétablissement de la hiérarchie du Parnasse, lorsqu'une classe très-nombreuse de la société, nourrie dans la superstition voltairienne, s'efforçait de mettre son idole. au-dessus de Racine; et, désertant les autels du vrai Dieu, ne consacrait qu'à Baal? (4 octobre 1807.)

Cette tragédie est tirée d'un roman intitulé la Comtesse de Savoie, publiée en 1722 par mada me la comtesse de Fontaine. Plusieurs années avant qu'il parût, Voltaire en avait sans doute entendu la lecture; car en 1713, n'ayant encore que dix-neuf ans, il composa à la louange de cette comtesse de Fontaine et de son roman, une fort jolie épître, où il lui reproche galamment de ne point sentir l'amour qu'elle sait si bien inspirer et peind re: il la compare à l'hérétique Marot, qui dans ses psaumes chante ce même Dieu dont il méconnaissait la véritable loi; déjà le jeune poëte mêlait des idées religieuses à ses plaisanteries.

Il est aussi question des juifs dans cette épître : la comtesse de Fontaine avait une pension considérable sur la synagogue des juifs de Metz, parce que le marquis de Givri, son père, avait favorisé leur établissement dans cette ville. Voltaire, en faisant son épître, souhaite que la comtesse de Fontaine compose tons les ans deux ou trois romans, et taxe quatre synagogues. Ce vœu est assez prudent. Voltaire pensait dès lors quil ne suffisait pas de faire des livres, qu'il fallait unir l'argent à la gloire, et que le titre de pensionnaire des juifs valait bien celui de prêtresse d'Apollon et des Muses.

Qu'un jeune auteur fasse des épîtres galantes pour les dames qui font des romans, fort bien ! cela ne me blesse en rien; mais qu'un vieux poëte, après avoir fourni au théâtre une carrière assez brillante, s'avise, à soixante ans, de prendre un sujet de tragédie dans un roman d'amour, cela me choque. La tragédie et le român sont

essentiellement ennemis, quoique trop souvent on essaie de les réconcilier.

Dans un roman frivole aisément tout s'excuse,
C'est assez qu'en passant la fiction amuse :
Trop de rigueur alors serait hors de saison;
Mais la scène demande une exacte raison.

Un chevalier amoureux qui, persuadé de l'infidélité de sa maîtresse, se bat pour elle et lui sauve la vie, est un héros intéressant et théâtral: c'est pour mettre cette situation sur la scène, que Voltaire a multiplié les invraisemblances et bâti un roman qui s'accorde mal avec l'exacte raison. L'espèce d'intérêt que l'on trouve dans la tragédie de Tancrède, coûte fort cher. Il faut acheter au prix d'un long ennui quelques momens agréables. ( 3 juillet 1808.)

ORESTE.

DANS la première fleur de la jeunesse, Voltaire sut imiter heureusement Sophocle; dans la pleine maturité de l'âge, il ne sut que le défigurer. A vingt ans, il fit un OE dipe fort supérieur à celui de Corneille; à cinquantecinq, il composa un Oreste qui n'a point fait oublier l'Electre de Crébillon. On peut sans doute reprocher à Crébillon de s'être écarté de Sophocle, d'avoir affaibli un sujet terrible par d'insipides amours. Electre a de grands défauts, mais ils sont rachetés par des beautés vraiment tragiques, et ces beautés appartiennent au génie de l'auteur les deux derniers actes sont dignes de Crébillon. Dans l'Oreste, au contraire, on ne trouve presque rien qui soit digne de Voltaire, rien qui lui appartienne en propre les situations pathétiques de cette pièce ne sont que des répétitions ou des réminiscences. Voltaire a mis à contribution Sophocle et son imitateur Longepierre;

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