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arts! Oui, les arts sont la source de la barbarie comme de la politesse; ils font fleurir les sociétés et ils les détruisent; ce sont des liqueurs fortes dont le bon usage fortifie et favorise la circulation, mais dont l'abus donne la mort. (7 nivose an 12.)

-Le coup d'essai d'un poëte de vingt ans fut une victoire éclatante remportée sur le grand Corneille. Un enfant, un écolier, dès le premier pas qu'il fit dans la carrière, triompha du père de la tragédie, du créateur de notre théâtre. L'OEdipe de Voltaire fit disparaître de la scène l'OEdipe de Corneille :

O vieillesse ennemie!

N'as-tu donc tant vécu que pour cette infamie!

C'est par la tragédie d'OEdipe que Corneille rentra dans la lice où il avait cueilli tant de lauriers : le mauvais succès de Pertharite l'avait dégoûté; il avait pris de l'humeur contre le siècle et contre le public, parce que la bonne compagnie s'était moquée d'un roi qui préfère sa femme à son trône : cet héroïsme conjugal n'était pas l'héroïsme romain. La véritable vertu est ridicule sur la scène.

Fouquet eut la gloire de rendre Corneille au théâtre. Le surintendant était le plus généreux des Mécènes : heureux si cette qualité qui le fit adorer des gens de lettres, avait pu le soustraire aux intrigues des courtisans! Les bienfaits de Fouquet rajeunirent Corneille; mais son bienfaiteur lui fit un mauvais présent, en lui donnant le sujet d'OEdipe : un pareil sujet n'entrait point dans le génie de l'auteur de Cinna; au lieu de plier son talent au sujet, il accommoda le sujet à son talent, et il le dénatura. Cette fable si pathétique devint entre ses mains un tissu de conversations brillantes et sublimes, où il prodigua les sentimens héroïques.

Le principal personnage n'est pas OEdipe; c'est une Dircé, fille de Laius et de Jocaste, et peut-être la plus fière princesse qu'il y ait dans aucun roman de Scudery et de la Calprenède; elle prend le plus haut ton, même avec sa mère, et traite fort cavalièrement son beau-père OEdipe. Thésée, roi d'Athènes, est son amant; OEdipe lui en propose un autre qu'elle rejette avec hauteur, comme indigne d'elle ; et, fatiguée des instances de son beau-père, qui demande le motif de ses refus, elle lui répond :

Je vous ai déjà dit, seigneur, qu'il n'est pas roi.

Voltaire n'a pas fait grâce à Corneille; cela devait être, puisqu'il n'a pas même épargné Sophocle auquel il devait tout ce qu'il y a de bon dans sa pièce ; il relève surtout comme très-ridicules, ces vers de Thésée :

Quelque ravage affreux qu'étale ici la peste,
L'absence aux vrais amans est encor plus funeste.

Ils n'ont cependant de répréhensible que cette expression les vrais amans, qui tient un peu trop de la galanterie romanesque. La pensée, du reste, est héroïque, et le sentiment passionné. Dircé ordonne à son amant de fuir une terre empestée : l'amant se dévoue à la mort pour rester auprès de Dircé. Il n'y a rien là de ridicule.

On se tromperait beaucoup si l'on regardait cette tragédie d'OEdipe comme indigne de Corneille on y retrouve partout sa force, son élan, cette vigueur de logique, cette abondance de grandes idées, ces caractères mâles qu'on admire dans ses bons ouvrages. Il y a une foule de scènes que Voltaire n'était capable ni d'imaginer, ni d'écrire ; et dans la conduite on remarque un artifice théâtral et des combinaisons qui ne pouvaient partir que de la tête de Corneille. La versification est

d'une fermeté et d'un éclat digne du meilleur temps de ce grand maître; mais tant de beautés sont déplacées dans une tragédie d'OEdipe, où il fallait être plus touchant que sublime, inspirer la terreur et la pitié plutôt que l'admiration.

Les génies élevés tels que Corneille, sont sujets à ces écarts et à ces faiblesses qui nous avertissent qu'ils sont hommes; ils manquent de cette souplesse des esprits ordinaires; ils ne savent qu'être sublimes; et de cette hauteur où ils étonnent l'imagination, on les voit souvent descendre à des naïvetés qui sont, pour les hommes médiocres, un sujet de consolation et de plaisanterie. Corneille n'est plus Corneille, quand il dit à Fouquet, dans toute la simplicité de sa reconnaissance :

Depuis que je t'ai vu, je ne vois plus mes rides,
Et plein d'une plus claire et noble vision,
Je prends mes cheveux gris pour une illusion;
Je sens le même feu, je sens la même audace
Qui fit plaindre le Cid, qui fit combattre Horace.'

Choisis-moi seulement quelque nom dans l'histoire,
Pour qui tu veuilles place au temple de mémoire;
Quelque nom favori qu'il te plaise arracher
A la nuit de la tombe, aux cendres du búcher :
Soit qu'il faille ternir ceux d'Énée et d'Achille,
Par un noble attentat sur Homère et Virgile;
Soit qu'il faille obscurcir par un dernier effort,
Ceux que j'ai, sur la scène, affranchis de la mort;
Tu me verras le même, etc.

Avec toute cette jactance poétique, Corneille était un homme modeste rien n'est au contraire plus orgueilleux que la modestie de nos poëtes modernes.

Après le succès éclatant de l'OEdipe de Voltaire, Lamotte, homme très-modeste dans son langage, ne craignit pas de traiter ce sujet, et il prétendit bien faire mieux que ces devanciers ; il se le persuada même à force d'esprit et

de raisonnemens spécieux. On voit dans l'examen de sa tragédie, qu'il croyait avoir corrigé Sophocle et son imitateur Voltaire. Ce qui lui déplait dans ce sujet, c'est la fatalité qui précipite un innocent dans le crime, et le punit comme s'il était coupable: il déclame fort inutilement contre ce système si désolant que personne n'approuve; et il ne voit pas que c'est de cette fatalité même que naît la terreur, l'âme de la tragédie. A l'aspect d'OEdipe, criminel malgré lui, tous les Grecs tremblaient autrefois sous la main d'une puissance injuste et capricieuse qui se jouait de leur destinée : aujourd'hui, les spectateurs, quoiqu'ils ne soient pas imbus de la même doctrine, sont touchés du sort d'OEdipe; et le développement de ses malheurs se fait avec tant d'art, qu'il attache et qu'il intéresse vivement ceux même qui ne croient pas à la prédestination. Il suffit qu'ils soient hommes et qu'OEdipe soit malheureux.

L'erreur de Lamotte consiste à vouloir mettre de la philosophie dans la tragédie et de l'orthodoxie dans les passions: « Le sujet, dit-il, tel qu'OEdipe nous l'a laissé, » m'a toujours paru vicieux par cette fatalité tyran» nique.... Une pareille idée ne pourrait que jeter les » hoinmes dans le désespoir; et loin qu'il fût raisonnable » de leur insinuer cette erreur, il aurait fallu lui ca» cher à jamais une si triste vérité, si nous étions assez » malheureux pour que c'en fût une. » Il est bien question au théâtre, de vérité, de raison, de saine morale ; il n'est question que d'exciter les passions, et par cet objet même le théâtre est essentiellement vicieux, puisqu'au contraire toute bonne institution a pour but de réprimer les passions. Ce sont les passions qui bouleversent et détruisent tout dans l'ordre social; les passions sont par leur nature ennemies de l'esprit créateur et conservateur, et il est très-singulier que dans les associa

tions civiles, il y ait des établissemens publics formés tout exprès pour exciter les passions. Hélas! elles ne sont que trop faciles à exciter, trop difficiles à contenir; et les gouvernemens qui ont assez d'art et d'habileté pour leur opposer un frein puissant, sont ceux dont l'existence est la plus ferme et la plus durable, par la raison que les corps physiques qui éprouvent le moins de secousses et de troubles dans leur organisation, sont ceux qui vivent le plus long-temps.

Nous ne voyons pas que le désespoir se soit emparé des Athéniens qui assistaient aux représentations d'OEdipe; ils vivaient sous leurs dieux comme on vit sous les tyrans qui prennent au hasard leurs victimes, même parmi les honnêtes gens: l'habitude familiarise avec la crainte; la foudre tombe sur les innocens comme sur les coupables, et les innocens n'ont pas plus peur que les autres quand il tonne. Lamotte, en essayant d'épurer la morale et la tragédie d'OEdipe, a rendu sa a rendu sa pièce ennuyeuse sans la rendre plus raisonnable: trop raisonner sur les arts, est le moyen de les affaiblir et de les dénaturer. (23 thermidor an 12.)

ZAÏRE.

Il y a près de soixante-dix ans que cette tragédie fut composée, et l'on sait le succès prodigieux qu'elle eut dans sa naissance. C'est un combat perpétuel et déchirant entre l'amour et la religion, qui n'avait alors rien perdu de sa force. Depuis, les idées religieuses s'étant extrêmement affaiblies, l'intérêt de cette pièce a diminué : ce combat ne produit plus le même effet sur les spectateurs. Comment pourraient-ils être touchés d'un contraste qu'ils ont peine à concevoir? Nérestan leur paraît incivil

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