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pour les idées religieuses: il le choisit pour son maître en poésie, pour son docteur en théologie; mais il méprisa sa doctrine politique. Catherine, qui n'avait d'autre passion que celle de la gloire, n'envisagea, dans les faveurs dont elle voulut bien honorer quelques gens de lettres, que la célébrité dont ils jouissaient en Europe, et l'influence que pouvaient avoir leurs opinions et leurs éloges. Peut-être le roi de Prusse et l'impératrice de Russie ne virent-ils, dans les chefs des novateurs, que des artisans de troubles et de discordes qu'il était de leur intérêt d'encourager. Catherine combla Diderot d'honneurs et de bienfaits; elle acheta sa bibliothèque cinquante mille francs, et lui en laissa la jouissance ; elle fit disposer pour lui une maison à Paris; elle l'appela auprès d'elle; mais après l'avoir vu de près, elle n'eut rien de plus pressé que de l'éloigner.

Après l'Encyclopédie, ce qui occupa le plus Diderot, ce fut une révolution qu'il méditait dans l'art dramatique: il prétendit faire de la comédie un catéchisme de morale. Peut-être y eût-il réussi, s'il avait pu rendre ses sermons moins ennuyeux. La théorie du drame, sa division en plusieurs espèces, les détails dans lesquels il est entré pour fonder la constitution de sa dramaturgie, sont des chefs-d'œuvre de niaiserie lourde et sérieuse. Diderot a eu des folies plus dangereuses et plus nuisibles; il n'en a point eu de plus ridicules : après s'être épuisé à établir sur cet objet un grand corps de doctrine, après avoir fait un long amas de préceptes et d'observations, le malheur du nouvel Aristote fut d'échouer dans la pratique il détruisit, par deux misérables drames qu'il s'avisa de produire pour exemple, toutes les combinaisons profondes de son système dramatique; et l'on s'étonna qu'il eût eu la patience de s'étendre si fort en

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doctes recherches, en graves réflexions pour approfondir l'art de faire bâiller tout le monde.

De ses deux drames, le Fils naturel ne put supporter la représentation; l'autre, le Père de Famille, fut supporté au théâtre à l'aide du jeu des acteurs : quelques traits touchans out sauvé de l'oubli cette dernière production, directement contraire au but que la bonne comédie se propose. Jamais père de famille n'ira à la comédie pour apprendre ses devoirs; et la conduite du père de famille de Diderot n'est point un modèle à suivre, à moins qu'on ne regarde la faiblesse et la négligence comme les principaux devoirs du père de famille. Le dialogue est un tissu déplorable de déclamations et de jérémiades, qui seraient très-soporifiques, si l'auteur ne criait pas; l'intrigue est une suite d'invraisemblances : l'auteur a placé son père de famille dans une situation si extraordinaire et si rare, qu'il n'en peut résulter aucune instruction: le hasard seul le tire d'embarras; il ne s'aide point, et ne fait autre chose que se lamenter : à quoi bon composer un long drame pour donner aux pères cette leçon-là!

La peinture de la passion de Saint-Albin pourrait être dangereuse, si nos jeunes gens étaient disposés à se prendre de belle passion pour des couturières. Il est à remarquer que Saint-Albin devient amoureux de Sophie à peu près de la même manière dont Orgon s'entête de Tartufe : c'est à l'église que le jeune homme voit pour la première fois sa belle, et le vieillard son bigot; SaintAlbin est touché de la modestie et de la piété de Sophie; Orgon est dupe de la dévote grimace de Tartufe.

Diderot a placé dans son drame un égoïste dur et impitoyable pour faire la chouette à tous les autres personnages qui sont des prodiges de sensibilité : lui seul tient

tête au père, pleureur éternel; au fils, amoureux enragé; à la fille, sans cesse gémissante; à l'honnête Germeuil, toujours plaintif. Le seul commandeur interrompt ce concert de sanglots, de soupirs et de larmes : lui seul oppose à ce débordement de sensibilité et de lamentations un esprit inflexible, un cœur d'airain. Ce personnage, quoique très-odieux, fait briller au milieu de tout ce fatras romanesque des traits de vérité et des étincelles de bon comique. (17 août 1811.)

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SEDAIN E.

LE PHILOSOPHE SANS LE SAVOIR.

LE Philosophe sans le savoir n'est pas une pièce dé carnaval; mais c'est une pièce du dimanche : le peuple aime le pathétique et les drames. Il est bon d'ailleurs de mêler à la gaieté et aux plaisanteries du Malade imaginaire l'intérêt d'un ouvrage plus sérieux; car le commun des spectateurs s'ennuie bientôt de rire au Théâtre Français ce n'est qu'aux Variétés qu'on veut rire toujours, qu'on ne s'en lasse jamais. Bien des gens d'esprit prétendent même qu'il n'y a que les bons mots de Brunet qui puissent les faire rire. Il est à remarquer que ce ne sont pas les actions ridicules et les costumes bizarres qui excitent le plus puissamment le rire à ce théâtre ; ce sont les misérables calembourgs qui assaisonnent ces farces : ces calembourgs sont d'une bêtise extraordinaire qui étonne; plus ils sont bêtes, plus on les trouve sublimes. Jamais les traits les plus heureux du génie de Molière n'ont excité une si vive admiration. On a l'air de les dédaigner par respect humain, parce que le progrès des lumières n'est pas assez rapide pour qu'il n'y ait pas encore des hommes de sens qui protestent contre ce malheureux genre de comique; mais au fond, la plupart des jeunes gens et des femmes regardent ces bêtises comme des traits d'esprit : ce qui le prouve, c'est qu'ils s'en occupent, c'est qu'ils les répètent avec complaisance dans leurs sociétés, c'est qu'ils savent par cœur leur Brunet, et beaucoup mieux que leur Molière.

Il ya dans le Philosophe sans le savoir trois caractères qui appartiennent essentiellement à la comédie: d'abord, le vieux domestique Antoine, personnage heureusement imaginé, parce qu'il est comique par sa sensibilité même, et plaisant par son sérieux. Victorine a plus de mérite encore : c'est une invention d'un genre plus noble, plus délicat et plus neuf. Sedaine est, je crois, le premier qui se soit avisé de peindre sur la scène cette amitié innocente et naïve qui ressemble à l'amour et n'est pas encore lui, quoiqu'elle en ait déjà toutes les inquiétudes et toutes les vivacités espèce de sentiment mixte plus doux que l'amour même, moins dangereux, plus pur, qui ne prend que la fleur des plaisirs de l'amour, et ne connaît que les jouissances du cœur : ce rôle est joué par Melle, Mars aussi bien qu'il est possible.

La marquise est de l'ancien comique ; le caractère est très-plaisant. Il me semble que dans le temps où Sedaine fit représenter son drame, ce n'était plus qu'un ridicule provincial; les idées d'égalité, tant prônées dans les livres, commençaient à germer dans les têtes même des grands. L'entêtement pour la noblesse n'était plus regardé que comme un préjugé barbare du gouvernement féodal on lui préférait la richesse; ce qui était plus philosophique. Beaucoup de seigneurs à la cour étaient à peine nobles on peut même dire qu'à Paris et à Versailles la noblesse était détruite de fait, long-temps avant que l'assemblée nationale sanctionnât cette destruction par un décret.

Melle. Leverd joue ce rôle avec son talent ordinaire quoiqu'il ne soit ni de son âge, ni de de son emploi ; elle y est excellente : on ne peut mieux peindre le ton, les airs et l'orgueil d'une femme de province engouée de sa noblesse. La marquise, par son éducation, ses manières et sa fortune, est fort au-dessus de la comtesse

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