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promet de déshériter Julie, afin de dégoûter le gascon mariage :

Mais Julie est si belle! il la prendra pour rien.

du

Ce qu'il y a de mieux dans la Mère jalouse, c'est le premier acte: l'entrée de la tante, le récit qu'elle fait des succès prodigieux de sa nièce aux Tuileries, la situation du tableau où la fille se trouve peinte auprès de la mère, tout cela est comique, théâtral et finement imaginé. C'est aussi une bonne idée, d'avoir placé à côté d'une mère jalouse et chagrine, une tante folle de sa nièce.

La pièce est en général bien jouée. Par quelle fatalité les acteurs semblent-ils n'avoir de talent que pour jouer les mauvaises pièces? S'ils voulaient remettre une comédie, ils pouvaient mieux choisir que la Mère jalouse. La prédilection des comédiens pour les mauvais ouvrages est tout à fait naturelle : ces productions malheureuses tirent leur mérite du jeu; elles doivent tout aux acteurs, qui s'en regardent comme les pères. Dans les bonnes pièces, ils ne sont que les interprètes de l'auteur; dans les mauvaises, ils font tout; ils sont auteurs eux-mêmes. (23 nivose an 13.)

LEMIERRE.

LA VEUVE DU MALABAR.

CETTE tragédie, jouée pour la première fois en 1770, fut assez bien accueillie; mais le dénouement excita de grands éclats de rire : il était alors bien éloigné de la pompe qui l'accompagne aujourd'hui; il y avait sur la scène un trou qui vomissait quelques flammes, et c'est dans le trou que la belle Indienne devait se précipiter: l'officier français sortait par un autre trou, pour empêcher sa maîtresse de faire le saut. Ce spectacle fut trouvé avec raison très-comique, et la gaieté du parterre arrêta le cours des prospérités de la Veuve; mais on se flatta qu'en donnant au dénouement une physionomie plus brillante, la pièce irait aux nues. On fit un grand bûcher Lanassa s'y jeta au milieu des flammes, et le beau Larive accourut comme un preux chevalier, saisit la dame d'un bras vigoureux, et l'enleva à la barbe du chef des bramines. Alors il n'y eut plus de bornes à l'admiration, à l'enthousiasme; la Veuve du Malabar eut un de ces succès fous réservés pour les pièces extravagantes.

C'est ce qu'on appelle une tragédie philosophique, et bien plus philosophique que tous les chefs-d'œuvre de Voltaire. Le bon Lemierre n'était pas philosophe à demi; c'était un honnête homme, de bonne foi, trèsdévot à la secte, qui donnait tête baissée dans toutes les rêveries nouvelles, sans en soupçonner meme ni l'ab

surdité, ni le danger : il avait, du fanatisme, la simplicité, la franchise, la confiance aveugle, sans en avoir la férocité et la sombre fureur.

Qu'est-ce qu'une tragédie philosophique? Sur le. nom, on serait tenté de croire que c'est une tragédie sage et régulière, pleine de bon sens et d'art; c'est tout le contraire on appelle tragédie philosophique celle où le bon sens et l'art sont sacrifiés à de vaines déclamations, aux prestiges et au charlatanisme de la scène, à un pathétique faux et outré; celle où le poëte est un jongleur, où les personnages sont des marionnettes, et les spectateurs sont des dupes ou des compères.

Voltaire a donné à son Mahomet un double titre : Mahomet, ou le Fanatisme. Humble disciple de Voltaire, le fervent Lemierre crut devoir imiter son maître en donnant aussi à sa pièce le titre de l'Empire des Coutumes. Le second titre est le véritable; c'est celui qui ca ractérise l'ouvrage, qui indique l'intention de l'auteur : la Veuve du Malabar n'est qu'un nom vague qui désigne la tragédie par la qualité du principal personnage; mais l'Empire des Coutumes est le titre précis et formel qui ne laisse aucun doute sur le genre et la nature de l'ouvrage, et sur la caste de l'auteur.

Jamais, dans un autre siècle, à une autre époque un écrivain sensé, connaissant son art, se serait-il avisé de faire une tragédie sur l'Empire des Coutumes? Lorsque Racine composa son Iphigénie, lui vint-il dans l'esprit de faire de sa pièce un recueil de thèses contre les sacrifices humains, contre la superstition, contre la fourbe. rie et le fanatisme des prêtres? Ce n'était point encore l'usage dans ce temps-là de bâtir une tragédie avec des lieux communs et des conversations pédantesques. La Veuve du Malabar est pleine de controverses du jeune bramine avec son chef, du chef avec l'officier français :

on vous prouve pendant cinq actes que l'usage où sont les veuves indiennes de se brûler avec leurs maris défunts, est un usage contraire à l'humanité et à la philosophie. Est-il un pays dans le monde, quelque civilisé qu'on le suppose, où l'on ne trouve pas des usages contraires à la raison et à l'humanité, mais fondés sur un préjugé ancien et accrédité, plus fort qu'aucune loi? Et même les pays devenus barbares par un excès de civilisation, sont ordinairement ceux où l'humanité reçoit le plus d'outrages, parce que la barbarie de la civilisation détruit tout sentiment moral.

Ce n'est jamais dans le pays où la coutume existe, qu'on peut faire une tragédie pour l'attaquer; ni le souverain, ni le peuple ne le souffriraient : jamais on n'a écrit à la côte de Malabar contre les veuves qui se brûlent; c'est à Paris, et pour ainsi dire dans un autre univers, que M. Lemierre fait éclater son zèle philosophique contre une coutume de l'Inde. Avait-il peur qu'il ne prît fantaisie aux veuves françaises d'accompagner au tombeau leurs époux? Pourquoi donc tout ce galimatias, toutes ces déclamations contre une coutume que personne assurément n'approuve? Si M. Lemierre voulait faire une tragédie, il devait imaginer une action capable de nous attacher pendant cinq actes; il devait tâcher d'inspirer un grand intérêt pour sa veuve, et ne pas remplir ses scènes d'amplifications de rhétorique sur un sujet que personne ne conteste. Mais faire une tragédie était la chose du monde dont M. Lemierre s'embarrassait le moins; il voulait faire une bonne satire des prêtres catholiques sous le couvert d'un prêtre indien; il voulait invectiver contre les bûchers de l'inquisition, à l'occasion du bûcher de la veuve du Malabar; il voulait étonner le peuple par de grands mots et par un grand spectacle.

Le bon Lemierre a calomnié, sans le savoir, les bramines, naturellement donx et pacifiques : l'Inde est un des pays du monde où il y a le plus d'humanité; les habitans de cette vaste contrée sont aujourd'hui les victimes de la cruauté, de l'avarice et de l'ambition de cette partie de l'Europe que nos philosophes regardaient comme la terre sainte, comme la patrie de la liberté, de la sagesse et des lumières; mais les Indiens sont par eux-mêmes le peuple le plus tranquille, le plus patient et le plus humain.

L'auteur a voulu présenter le caractère français sous les couleurs les plus intéressantes, et son intention est louable; mais il n'a pas pris garde que la générosité et l'humanité de Montalban sont accompagnées d'indiscrétion, de hauteur, d'emportemens; cet officier prodigue le mépris, les injures et les menaces; son zèle est inconsidéré ce n'est point en heurtant de front les opinions et les passions des hommes qu'on parvient à les persuader; on ne fait au contraire que les aigrir par cette violence et les fortifier dans leurs erreurs.

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Lemierre semble avoir confirmé le préjugé qui accuse les Français de manquer de prudence chez l'étranger, et de ne point assez respecter le caractère, les mœurs et les usages des peuples; mais la fougue et les invectives de Montalban sont d'un effet très théâtral. Si l'officier français était circonspect et raisonnable, ce serait un bien mauvais personnage de tragédie : le vulgaire aime les bravades, les gasconnades, les fanfaronnades; on se plait à voir le grand-prêtre de Brama bafoué, insulté par un jeune officier toujours pret à lui couper la barbe, et quelque chose de pis, dans le premier mouvement de son enthousiasme pour l'humanité. (23 mai 1806.)

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