Εικόνες σελίδας
PDF
Ηλεκτρ. έκδοση
[ocr errors]

BLIN DE SINMORE.

ORPHANIS.

EN 1773, cette tragédie parut au Théâtre Français
avec un éclat extraordinaire. Melle. Raucourt, chargée
du rôle principal, achevait alors ses débuts, qui font
époque dans l'histoire du théâtre; ils offrent un exemple
mémorable de cet enthousiasme aveugle, auquel le pu-
blic se livre quelquefois, et qu'il ne peut s'expliquer à
lui-même quand la raison lui ouvre les yeux. Jamais
Melle. Clairon, dans les jours les plus brillans de sa
gloire, et dans toute la force de son talent, n'avait
reçu la moitié des applaudissemens, des acclamations
et des couronnes qui furent prodigués, dans ce temps-là,
aux essais encore faibles de Melle. Raucourt. C'était une
élève de Melle. Clairon; et l'institutrice dit dans ses mé-
moires, qu'avec beaucoup de soins et de peines, elle
n'avait pu réussir qu'à faire d'elle, son singe. Peut-être
entre-t-il un peu
d'humeur dans cet arrêt; mais en ren-
dant à Melle. Raucourt toute la justice qui lui est due,
on ne peut disconvenir qu'elle ne soit restée très-infé-
rieure à Melle. Clairon, et qu'elle ne fût, lors de ces
débuts, ce que sont toutes les débutantes de seize ans,
extrêmement novice dans l'art dramatique.

On ne peut donc attribuer qu'à la beauté et à la perfection de ses formes extérieures, l'espèce d'idolâtrie dont elle fut l'objet, dès son entrée dans la carrière. Quand on songe que cette idole fut depuis renversée et

foulée aux pieds, qu'après avoir été enivrée d'encens, elle fut abreuvée d'ignominie, on ne peut que déplorer les vicissitudes des choses humaines. Melle. Raucourt fut trop punie d'une faute qui n'était pas la sienne; elle ne méritait ni ces honneurs ni ces affronts : le public seul était coupable d'un fanatisme insensé. Je ne rappelle ici ce trait des jeux cruels de la fortune que pour l'instruction de nos jeunes actrices, qui sont des enfans gâtés. Qu'elles ne s'endorment point sur la foi des applaudissemens, qu'elles ne comptent point trop sur la faveur du parterre, aussi inconstante, aussi perfide que

la faveur des cours.

On aurait pu attribuer le succès d'Orphanis à l'engouement du public pour Melle. Raucourt, si, depuis, la pièce n'avait souvent été reprise. En 1788, pendant que le parlement de Paris préludait à la grande révolution de la France, et s'amusait à braver l'autorité royale en attendant la destruction de la monarchie, on donna une représentation d'Orphanis, extrêmement orageuse par l'application que l'on fit aux troubles du temps de ce vers de la pièce :

Ce palais est partout de gardes entouré.

L'auteur, M. Blin de Sinmore, fit pour Melle. Raucourt ce que Voltaire avait fait pour Melle. Gaussin : il lui adressa une épître galante imprimée dans la dernière édition d'Orphanis ; et son épître, par l'élégance et les grâces du style, peut se soutenir à côté de l'épître à Melle. Gaussin; ce qui est sans contredit le plus grand éloge qu'on en puisse faire. Je reprocherai seulement à M. Blin d'avoir un peu trop raisonné la galanterie, d'avoir cherché la morale où il ne fallait que des madrigaux; défaut très-estimable. Sa tirade sur le pouvoir des femmes n'est plus aussi vraie qu'autrefois : tout

dans l'univers ne tombe point aux genoux de ce sexe enchanteur; car sans parler des trois quarts de l'univers où il est esclave, dans l'autre quart les femmes ne disposent plus à leur gré des hommes; le cœur des hommes n'est plus sous les lois des femmes :

[ocr errors][merged small]

Dans sa tragédie même, l'amour enfin est vaincu par la nature, et la bonté de Sésostris est plus forte dans le cœur d'Arsès, que les charmes d'Orphanis : il n'est nullement nécessaire que nous devions aux femmes nos

vices et nos vertus.

Orphanis est un tableau frappant des excès où l'amour peut porter un jeune homme, quand il a mal choisi son objet; comme l'amour est aveugle, il choisit presque toujours mal: voilà pourquoi l'amour est une passion si funeste. Heureusement l'amour est rare dans les siècles corrompus, car il ferait d'horribles ravages. Tout ce qui peut nourrir cette passion dans des cœurs 'honnêtes est très-nuisible à la jeunesse ; et cependant ce sont tous ces objets séduisans qui entrent de préférence dans l'éducation. Par bonheur encore les mœurs naturalisent le vice de l'éducation; la dissipation, la frivolité, la mollesse, détruisent toute espèce de sentiment, elles disposent à des faiblesses plutôt qu'à une grande passion.

que

On sait M. Blin de Sinmore a puisé son sujet dans le Barnevelt anglais, en purgeant l'atrocité pour ne conserver que ce qui est moral et tragique. Orphanis est l'Agamemnon renversé dans Agamemnon, c'est un homme qui emploie toute la séduction de la débauche pour engager une femme à tuer son mari; dans Orphanis, c'est une fille ambitieuse qui emploie tous les en

chantemens de l'amour pour exciter un jeune homme à tuer son oncle: mais il y a dans la scélératesse d'Orphanis une sorte de grandeur et de hardiesse qui la rend théâtrale; surtout elle n'est souillée par aucune turpitude crapuleuse. Si Orphanis et Arsès vivaient ensemble dans un commerce criminel, cette tragédie serait une infamie dégoûtante comme celle d'Agamemnon.

Il eût été à souhaiter, pour l'intérêt de l'art, que M. Blin de Sinmore ne se fût pas arrêté dans la carrière après un début si heureux. A côté des rapsodies soi-disant tragiques qu'on nous donne aujourd'hui, Orphanis est un ouvrage distingué, sagement conduit, où l'on remarque des caractères bien tracés et des situations intéressantes. On lui a reproché des ressemblances avec d'autres pièces : où n'en trouve-t-on pas? Les tragédies de Voltaire, surtout, ne sont-elles pas pleines de réminiscences? Voltaire a pillé continuellement Corneille, Racine et tout ce qui s'est rencontré à sa bienséance. Pourquoi M. Blin de Sinmore n'eût-il pas pillé Voltaire? L'essentiel est de dérober habilement, et de faire un bon usage de ses larcins: on ne punissait à Sparte que les voleurs maladroits ; et partout on absout le fripon qui a fait fortune. (13 frimaire an 12.)

POINSINET DE SIVRY.

BRISÉIS.

Les poëtes qui, sans avoir le génie de Racine, entroprennent d'ajuster à nos mœurs les sujets antiques, ressemblent au brigand de la fable, qui était d'une trèspetite stature, et avait un lit proportionné à sa taille; il y faisait coucher les étrangers, et leur coupait la partie des pieds qui débordait le lit. C'est ainsi que l'auteur de Briséis a mutilé Homère ne pouvant s'élever jusqu'à la hauteur du chantre d'Achille, il a essayé de le rabaisser jusqu'à lui; il a, pour ainsi dire, étranglé l'Iliade, en resserrant dans l'espace de vingt-quatre heures l'action d'une année ; il n'a pas même eu assez d'un poëme épique de vingt-quatre chants, pour former le canevas d'une tragédie en cinq actes; il lui a fallu coudre à la fable d'Homère un roman de sa façon ; il a dénaturé les caractères, les incidens et les situations, et réduit le vaste édifice de l'Epopée antique, aux dimensions mesquines de notre théâtre.

Le caractère d'Achille est une des figures les plus brillantes et les plus fières que l'art de la poésie ait jamais dessinées; cette âme de feu, qui ne respire que la gloire; cette nature ardente qui brise et renverse tout ce qui lui résiste; ces emportemens de colère et de vengeance, qui ont la rapidité et la puissance de la foudre; ce courage bouillant et invincible, réuni aux grâces de la beauté, à la sensibilité du cœur, au respect pour l'amitié et l'hos

« ΠροηγούμενηΣυνέχεια »