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POINSINET.

LE CERCLE.

CETTE petite pièce, autrefois très-comique, est aujourd'hui une énigme pour les spectateurs et pour les acteurs : ni les uns ni les autres n'y entendent rien. Les mœurs et les ridicules dont on se moque dans cette comédie n'existent plus ; et quoique le changement n'ait guère plus de trente ans de date, il est si complet qu'il semble être l'ouvrage d'un siècle. On ne peut se faire une idée de ces sortes de cercles, de ces soirées alors à la mode, et de ce qu'on appelait, dans ce temps-là, le ton de la bonne compagnie. Un colonel, un médecin, un abbé, un robin, un poëte, sont les principaux personnages de la pièce; chacun a les formes de sa profession : aujourd'hui aucune profession n'a de formes qui lui soient particulières. Le colonel est d'une fatuité légère et brillante, d'une galanterie, d'une élégance, d'une politesse dont il n'y a plus de modèles : il fait de la tapisserie auprès des femmes, à l'exemple d'Hercule qui filait auprès d'Omphale. Nos guerriers ont des moyens plus nobles de plaire aux femmes; nos Hercules n'out pas besoin de se dégrader pour se faire aimer: ils n'imitent que la force, et non point la faiblesse de leur patron.

Ce colonel, qui a tant de dignité dans les manières, a le cœur dur et bas ; il est esclave d'un intérêt sordide; sous un vernis séduisant, il ne cache que des vices mé

prisables : quand ce personnage n'éblouit pas au théâtre par son éclat, il devient plat et froid. Armand, chargé d'un rôle si difficile, a plus de qualité physique qu'il n'en faut pour le bien rendre ; mais il n'a point eu de modèle ce genre de ridicule lui est étranger, et il est encore étonnant qu'il l'exprime avec autant de succès, quoiqu'il y laisse beaucoup de choses à désirer. Ce rôle avait été créé par Molé: nous le lui avons vu jouer encore dans sa vieillesse plus agréablement qu'aucun jeune acteur ne peut le faire aujourd'hui.

Nos médecins n'ont point de costume qui leur soit propre une ample perruque, la canne à bec de corbin, le ton brusque ou doucereux, la morgue pédantesque, ne font point partie de leur science. Celui du Cercle a tous les ridicules d'un médecin à la mode de ce temps-là; mais comment veut-on que Thénard copie sur la scène des ridicules qu'il n'a jamais vus, et dont il ne peut avoir aucune idée? La sévérité à son égard ne serait pas juste une ignorance forcée a des droits à l'indulgence.

Il en est de même des abbés galans et musqués qui brillaient autrefois dans les cercles, et dont les femmes s'amusaient. Nos ecclésiastiques sont de bien mauvais modeles pour peindre ces abbés voluptueux, coquets et parfumés, qui n'étaient que des petites-maîtresses en rabat et en manteau court. Peut-on exiger que Michelot devine les grâces efféminées de ces êtres équivoques, qui, n'étant ni hommes ni femmes, servaient de jouet aux deux sexes.

Le robin et le poëte sont plus faciles à jouer : il ne faut, pour le premier, que de la gravité et de la décence; pour le second, un certain mélange de bassesse et d'orgueil. Le poëte est un mendiant qui quête des suffrages, et s'irrite de ne les pas obtenir; il ressemble à ce pauvre de Madrid, qui demandait l'aumône, et ne recevant que

des exhortations à travailler, répondit: Ce ne sont pas des avis, c'est de l'argent que je vous demande. La scène du poëte n'est ni dans les mœurs de ce temps-là, ni dans celles d'à présent. Les poëtes étaient alors bien accueillis dans le grand monde ; on écoutait leurs tragédies ; on y dormait, mais on ne se réveillait qu'en applandissant : c'était assez pour l'auteur. Aujourd'hui, la superstition pour la poésie dramatique est encore plus forte; on prête aux lectures une pieuse attention, et la plus mauvaise pièce est toujours un chef-d'œuvre pour ceux qui l'écoutent, et dans la maison où on la lit. L'irrévérence d'Araminte et de ses deux amies à l'égard du poëte Damon, est donc peu vraisemblable, peu conforme à l'esprit du temps. Peut-être Poinsinet, qui n'était pas répandu dans le grand monde, aura-t-il éprouvé pareille aventure, quand il aura essayé de lire un de ses opéras comiques dans une petite société bourgeoise qui ne connaissait pas le bon ton. (11 août 1809.)

DESAIDES.

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LES DEUX PAGES.

pas

la

Les Deux Pages.... Je serais assez embarrassé de dire ce que c'est ; ce n'est pas une comédie, c'est une espèce de pot-pourri composé par un musicien qui n'avait prétention d'être homme de lettres, mais qui connaissait que les gens de lettres, l'esprit, le goût et la mode du jour. Desaides, auteur des Deux Pages, y a semé quelques airs agréables en sa qualité de musicien, et le public aime assez les pièces où l'on chante.

mieux

Quand l'ouvrage parut, c'était la grande vogue de la sensibilité, de l'humanité, de la bienfaisance: Desaides en a mis partout. Ce grand Frédéric, cet illustre disciple de Voltaire, qui prit quelquefois la liberté de corriger son maître, excitait alors l'enthousiasme le plus vif: l'auteur le mit sur le théâtre; ce qui pouvait paraître assez hardi, car il n'y avait pas long-temps que ce monarque était mort. Depuis ce temps-là, Frédéric s'est montré à l'Opéra-Comique, au Vaudeville, et partout on l'a trouvé intéressant.

Tous ceux qui ont voyagé en Allemagne assurent que les aubergistes ont très-peu de sensibilité, et rançonnent assez durement les étrangers. Un homme de lettres, avec ses principes sur l'imitation de la nature, aurait peint comme un sot, un aubergiste allemand tel qu'il est, et se serait fait siffler en effet, on trouve assez d'aubergistes sur les routes, et ils sont assez déplaisans

pour qu'on ne désire pas en voir encore de pareils sur la scène, quand par hasard on va se divertir à la comédie. Il n'est malheureusement que trop vrai que le peuple aime à voir à la comédie ce qui ne se voit que là; et ce goût est fatal pour nos vieilles règles, qui disent que la comédie doit peindre les mœurs communes de la société : il faudra réformer l'ancien code dramatique.

Que fit notre musicien, très-peu versé dans la poétique, mais qui connaissait fort bien la mode? Il nous présenta des aubergistes tels qu'ils n'y en a point dans aucun pays. Un hôte et une hôtesse du meilleur ton, pétris de sensibilité et d'humanité, toujours prêts à nourrir gratis les malheureux qui n'ont pas de quoi payer leur écot, et mettant dans leurs bienfaits la délicatesse la plus exquise : cependant l'hôte et l'hôtesse ne laisseraient pas que d'être ennuyeux, s'ils n'avaient que des vertus; il a bien fallu leur donner quelques petits ridicules. L'hôtesse est rusée, coquette, et se moque un peu de son mari; le mari est jaloux, et n'aime point à voir les pages rôder autour de sa femme. Avec une petite chanson que chacun chante, en voilà assez pour la comédie le reste est pour la mode.

:

Il y a deux pages dans la pièce; et il ne faut pas demander si tous les deux ont un cœur excellent, s'ils sont bons et sensibles. Il n'était cependant pas possible de faire de tous les deux des Catons, des modèles de douceur, de sentiment et de piété filiale. L'auteur a été forcé de faire l'un des deux, vif, pétulant, étourdi, prodigue; et cependant celui-là, qui est dans sa nature de page, n'est pas celui qu'on aime le plus; toujours par cette maudite raison qu'il n'y a rien de merveilleux qu'un page soit enjoué, malin et turbulent : comme s'il fallait du merveilleux dans la comédie! On préfère l'autre page, qui est tout confit en douceur et sensibilité d'un

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