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bout de la pièce à l'autre : celui-ci fuit tous les amusemens qui pourraient l'exciter à la dépense; il épargne tout pour sa mère; il ne vit, ne respire que pour sa mère; il ne pense qu'à sa mère. Ce n'est pas un page, mais un ange : faut-il être surpris qu'un ange ait la préférence sur un page?

La pièce a deux actes, et chaque acte est une pièce : la première est la moins intéressante; ce sont les vertus et les ridicules de l'hôte et de l'hôtesse qui en font les frais. Mais quand une fois on est sorti de l'auberge, et qu'on est transporté dans le palais du roi de Prusse, les choses prennent une toute autre face: avec quel plaisir et quelle admiration les spectateurs contemplent un roi occupé de ses devoirs, un roi qui va au-devant de la vérité, et qui veut rendre la justice! La sensibilité, l'humanité, la bienfaisance d'un roi, sont dans sa justice: il est toujours assez bon, assez généreux, assez libéral, quand il est juste envers tous. C'est sous ces traits qu'on représente le roi de Prusse ; et tout autre intérêt s'éclipse devant celui-là: ce personnage est joué par Fleury avec une étonnante vérité. Melle. Contat et Dazincourt sont très-plaisans dans les rôles de l'hôte et de l'hôtesse. Melle. Mars est très-intéressante dans le page vertueux, et Melle. Bourgoin fort agréable dans le page étourdi. Cette pièce est généralement bien jouée : les connaisseurs l'estiment peu comme ouvrage de l'art; mais elle plait à la multitude: on la donne quand on veut avoir du monde; et même elle est capable de protéger une bonne pièce. (24 novembre 1807.)

DESFORGES.

TOM JONES A LONDRES.

C'EST la première comédie en cinq actes qui ait été jonée au Théâtre Italien. Elle y fut d'abord trop sévèrement traitée; on lui rendit ensuite plus de justice: elle finit par obtenir beaucoup de succès. Les acteurs français l'ont représentée au Théâtre Feydeau pendant la révolution : elle vient de reparaître sur la scène nationale, et l'accueil qu'elle y a reçu, la manière dont elle y est jouée, font espérer qu'elle y restera.

C'est un drame, dit-on; c'est un drame! eh bien! soit qu'en peut-on conclure? que c'est un mauvais ouvrage? C'est la conclusion qui est mauvaise. Si ce drame est intéressant et vraisemblable; s'il offre des caractères, des mœurs, des situations; s'il occupe et attache agréablement les spectateurs, pourquoi son titre, de drame serait-il un arrêt de mort? Si un tel drame était une comédie, que serait-il de plus ?

Un reproche plus juste qu'on pourrait faire à l'auteur, c'est de n'avoir presque rien tiré de son propre fond. Le roman de Tom Jones lui a tout fourni : mais il a le mérite d'avoir heureusement exposé sur la scène les récits de l'auteur anglais ce qui est plus difficile qu'on ne pense. Tom Jones est le premier roman célèbre qui ait produit au théâtre une bonne pièce : on 'n'a pu rien tirer de Dom Quichotte, de Gil Blas, de Clarisse, de Grandisson, de Paméla; car Nanine est

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froide; il faut peut-être excepter Eugénie, tiré d'un conte du Diable Boiteux. Cependant si M. Desforges, auteur de Tom Jones à Londres, n'a pas créé le personnage du lord Fellamar, il l'a fort embelli; il lui a donné un caractère noble, généreux; il en a fait un des principaux personnages de la pièce cela vaut une création. Le rôle de Blifil est si odieux, qu'il semble que M. Desforges l'ait abandonné à sa bassesse et à son infamie, et qu'il ait dédaigné d'employer son art pour relever un si vil scélérat. Il a eu tort. Voyez quel génie Racine a déployé dans le rôle de Narcisse! Cela est à peu près en pure perte pour le spectateur; mais le lecteur admire avec quelle adresse ce détestable flattenr ramène au crime le cœur de Néron : il admire et frért. Narcisse fait autant d'honneur à l'art de Racine que Burrhus. Pour faire passer un scélérat au théâtre, il faut lui donner des vues profondes, des projets hardis, de grandes combinaisons, des conceptions fortes; quand il est démasqué, il faut que ce soit la cause des événemens et non la sienne. Blifil, dans la pièce, n'est qu'un bas coquin.

Le caractère de Tom Jones est un des plus aimables, des plus naturels et des plus intéressans qui soit jamais éclos du cerveau d'un romancier et d'un poëte. Vraiment ce n'est pas un chevalier Grandisson, qui possède toutes les qualités physiques et morales, qui réunit toutes les vertus et toutes les perfections, excepté celle d'amuser le lecteur : Tom Jones est vif, étourdi, libertin, indocile, ce qu'on appelle ordinairement un assez mauvais sujet : mais il a le cœur excellent; il est franc, généreux, sensible, brave, galant, adroit à tous les exercices du corps; c'est un Hercule sous les traits d'un Adonis. Ses aventures ne sont point celles d'un héros de roman; ce sont celles d'un jeune imprudent qui

court le pays sans argent, avec sa bonne mine, et qui se jette dans des embarras cruels, sans que jamais l'honnêteté de son caractère en souffre.

Il n'y a que son intrigue avec lady Bellaston qui ait besoin d'être excusée par la jeunesse de notre héros, et l'extrémité où il se trouve réduit; mais si l'on considère l'âge et le caractère de la dame, on conviendra que Jones n'est pas si coupable d'avoir accepté les dons d'une vieille folle et méchante, et qu'il a plus donné qu'il n'a reçu. La manière dont il se débarrasse de cette bonne fortune demande grâce pour la manière dont il en a profité. Malgré ses imprudences, malgré ses fautes et ses torts réels, on ne peut s'empêcher d'aimer ce Tom Jones, si malheureux, si persécuté, et si digne d'un meilleur sort.

Werstern est un chef-d'œuvre de vérité, de naïveté, de force comique: c'est le portrait le plus plaisant et le plus fidèle de ces gentilshommes anglais, qui partagent leurs loisirs entre la chasse et la table; grossiers plutôt que francs; violens, emportés, opiniâtres; haïssant la cour et les grands, et cédant cependant à des considérations d'intérêt, à des vues de fortune. Ce caractère singulier, tracé de la main d'un grand maître, anime tout l'ouvrage.

Lady Bellaston est encore une copie fidèle des dames de Londres, qui savent couvrir la débauche du voile de la pruderie. La sœur de Verstern avec sa politique, et quelques autres femmes, sont des personnages du second et troisième ordre. Alworthy, froid par lui-même, contraste bien avec le fougueux Werstern. Sophie est la digne maîtresse de Tom Jones. Tous ces rôles sont bien joués. Damas, qui représente Fellamar, a une tenue imposante, beaucoup d'aplomb, de dignité et d'éclat. Baptiste aîné, dont je n'ai pas souvent occasion de

chanter les louanges dans les pères nobles de la tragédie, est fort bien placé dans le rôle de Werstern. Armand ne laisse rien à désirer dans celui de Tom Jones, quoique ce rôle exige beaucoup de choses; taille, figure, tournure, fermeté, aisance, grâces de toute espèce; Armand suffit à tout. Tom Jones n'a jamais été aussi bien représenté dans tout ce qu'il a d'aimable et d'intéressant. Melle. Bourgoin est pleine de douceur et de sensibilité dans le rôle de Sophie. Melle. Régnier a fort bien saisi l'esprit et le caractère de lady Bellaston ; ce rôle lui fait honneur : l'air, le ton, la mise, tout convient au personnage; tout est d'accord avec ses discours et ses actions. Les autres rôles, moins imposans, sont joués comme ils doivent l'être l'ensemble de la représentation est satisfaisant.

Tom Jones à Londres engagera peut-être nos belles qui lisent des romans, à relire l'excellent roman de Tom Jones, traduit par M. de la Place : c'est encore le meilleur traducteur, et celui qui a le mieux conservé le ton de l'original. Ces dames, à qui je suppose toujours du sentiment et du goût, quoiqu'elles soient habituées à lire des ouvrages où il n'y en a point, seront peut-être étonnées qu'on ait fait autrefois un roman aussi amusant, aussi ingénieux, tout à la fois aussi touchant et aussi gai que Tom Jones, tandis qu'on en fait aujourd'hui de si pitoyables, de si insipides et de si ennuyeux. Je souhaite qu'elles soient vivement frappées de cette différence, et qu'elles sentent tout ce qu'elles perdent en se réduisant à la lecture des nouveautés, tandis que tant d'ouvrages excellens qu'elles ne connaissent pas, manquent de lecteurs; et, pour ne parler que des romans, il n'y a certainement aucune comparaison à faire entre les romans de Richardson, de Fielding, de Le Sage, de Marivaux, de Duclos, de l'abbé Prévost, et les effroyables sottises

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