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monarque, se jette de dépit dans le parti des ennemis. Il peut encore jouer un rôle important dans l'histoire ; mais, en sa qualité de traître à son pays, il ne peut plus être intéressant sur la scène..

Coriolan se fait trop prier pour pardonner à sa patrie; il ne peut pas même redevenir Romain sans trahir les Volsques auxquels ils s'est donné ; et quand les Volsques le tuent, ils punissent justement un perfide. L'aventure de Coriolan doublement traître, fournit à l'histoire une belle narration, au poëte dramatique des déclamations sans intérêt.

Il n'en est pas de même du Philoctète le héros est boiteux, et n'en est que plus intéressant. Philoctete n'est pas un traître; c'est lui, au contraire, qui est trabi par des fourbes et par des méchans soi disant politiques. Le compagnon et l'ami d'Hercule, le dépositaire de ses flèches, allait au siége de Troie; il s'était fait par mégarde, avec une de ces flèches empoisonnées, une plaie incurable qui le rendait insupportable à l'équipage du vaisseau où il s'était embarqué avec Ulysse. Le perfide Ulysse profite de son sommeil pour l'abandonner dans l'île de Lemnos alors inhabitée. Philoctète se réveille seul avec sa douleur et sa plaie; il passe dix ans dans ce désert, se nourrissant de sa haine, de sa vengeance, et de quelques racines. Au bout de dix ans, en rentrant dans sa grotte, il aperçoit des hommes. Quel coup de théâtre! quelle situation unique, tout à la fois merveilleuse et naturelle! Un homme seul dans une île déserte, c'est en même temps du romanesque et du vrai. Les Grecs, au bout de dix ans, ont besoin de Philoctète et de ses flèches pour se rendre maîtres de Troie; ils envoient des députés à cet homme si lâchement abandonné, et, à la tête de la députation, ils mettent Ulysse, dont le nom seul est en horreur à Phi

loctète. Cette députation ne devait pas réussir. Philoctète aime mieux mourir dans son désert que d'aller servir les Grecs; c'est le sublime de la haine, de la vengeance et de l'opiniâtreté : ce caractère de Philoctète est d'une admirable énergie; mais il n'est pas pour nous assez théâtral, parce qu'il n'a que la force de résistance et point du tout celle d'action. L'éloquence et la poésie n'ont rien à désirer dans les discours de Philoc tete; mais la scène n'y trouve pas assez d'aliment parce que la haine de Philoctète n'agit point; sa vengeance ne s'exerce que par un refus.

Ulysse, homme d'état, politique profond, qui ne considère en tout que la chose publique, forme un beau contraste avec Philoctète aveuglément livré à ses passions. Le jeune Néoptolème, fils d'Achille,' guerrier noble, franc et généreux, est opposé an roi d'Ithaque, vieux renard, pétri de ruses et d'artifices; c'est Néoptolème qui négocie. Ulysse est trop odieux à Philoctete pour oser se montrer d'abord. La répugnance de Néoptolème à se prêter aux ruses d'Ulysse, produit des beautés d'un geure neuf; il était impossible de conclure naturellement un semblable traité : Philoctète doit être inflexible, aucun moyen humain ne peut vaincre son ressentiment; il faut qu'Hercule prenne la peine de descendre lui-même de l'Olympe pour persuader son compagnon et son ami. Horace semble approuver l'usage de ces machines quand le noeud vaut la peine qu'un dieu se mêle de le dénouer. Nous autres Français, nous n'aimons pas à voir les dieux s'immiscer dans les affaires de notre théâtre; ces dénouemens nous paraissent froids: la catastrophe du jeune Valmore prouve qu'ils sont quelquefois dangereux, et qu'il n'est pas sûr pour un comédien de jouer le rôle d'un dieu.

La pièce est sans femmes et sans amour; les Grecs

mettaient rarement de l'amour dans leurs tragédies, ils le réservaient pour la comédie. Sur les sept tragédies de Sophocle qui nous restent, il y en a deux où il y a de l'amour, Antigone et les Trachiniennes : c'est comme s'il n'y en avait point. Il n'y a aucune scène entre les amans; et, dans le cours de la pièce, il n'est jamais parlé d'amour. Rousseau a dit, dans sa lettre sur les spectacles: « Qui doute que chez nous la meilleure pièce de Sophocle ne tombát tout à plat. » M. de Laharpe a donné un démenti à J.-J. Rousseau. Il a fait représenter sur le Théâtre Français le Philoctète de Sophocle, et ce Philoctète n'est point tombé tout à plat; il a même obtenu un succès d'estime. On a su gré à l'académicien français d'avoir enrichi notre scène d'un chef-d'œuvre grec. Phi loctète est resté au théâtre; il y est accueilli assez froi-. dement, à peu près comme les femmes embrassaient les savans pour l'amour du grec.

Le style de cette traduction, ou imitation de Sophocle, est quelquefois assez soigné, assez correct; rarement il est assez vigoureux, assez éloquent, assez pathétique ; on n'y retrouve point l'énergie, la chaleur et le coloris de Sophocle on a quelquefois disputé pour savoir s'il fallait traduire les anciens poëtes en prose et en vers. Il y a des littérateurs qui rejettent absolument la prose, et qui n'admettent que les vers; ce qu'il y a de certain, c'est que la plupart de nos traductions d'anciens poëtes, soit en vers, soit en prose, ne sont pas lisibles. Delille, malgré tout son talent poétique, est resté fort au-dessous de Virgile dans les Géorgiques, et bien plus encore dans l'Enéide; mais il est très-supérieur à tous les traducteurs en prose. Ici, j'observe qu'il y a deux traducteurs du Philoctète de Sophocle, l'un en prose, l'autre en vers: le traducteur en prose est l'illustre Fénélon, archevêque de Cambrai; le traducteur en vers est M. de Laharpe.

Or, la prose du prélat l'emporte de beaucoup sur les vers de l'académicien; elle est vive, naturelle, animée ; elle rend l'esprit, le mouvement, le génie de Sophocle avec une liberté pleine de sentiment et de grâce; dans les vers de M. de Laharpe, on reconnaît un esclave de la rime, un esclave de Sophocle, qui copie gauchement son maître. Vous qui voulez avoir une idée assez juste de l'éloquence du poëte grec, lisez dans le Télémaque le récit des aventures de Philoctete fait par lui-même : c'est du Sophocle tout pur; c'est son âme avec laquelle l'âme de Fénélon paraît être de niveau; la rime ne servirait qu'à refroidir le traducteur, qu'à lui donner une allure gênée et contrainte; la prose de Fénélon est de la poésie; elle en a la chaleur, l'expression, la variété, l'harmonie: cet épisode du Télémaque a bien un autre charme que la tragédie de M. de Laharpe. ( 16 septembre 1813. )

MÉLANIE.

Les titres des tragédies et des comédies ne sont souvent pour moi que des textes, tirés à la vérités d'écritures très profanes, mais qui peuvent fournir des commentaires de la plus pure morale. Mélanie me rappelle le mépris et la haine dont les sophistes, charlatans et novateurs, honoraient les couvens de l'ancien régime. Ils mettaient cependant quelque différence entre les moines et les religieuses les moines leur semblaient trop henreux. En effet, ces tranquilles cénobites jouissaient en paix dans leur précieuse obscurité des biens les plus réels de la vie, étaient beaucoup plus heureux que des écrivains rongés de jalousie, dévorés d'ambition, forcés chaque jour d'accoucher laborieusement de quelque épigramme, ou de quelque petit conte pour payer leur écot à la table des grands; condamnés à flatter ce qu'ils mé

prisaient, à fronder ce qu'ils estimaient; vonés à toutes les tracasseries de l'intrigue, asservis aux intérêts d'une secte, et réduits à mettre leur esprit aux gages de ceux dont ils attendaient leur fortune. C'est dans cet état d'esclavage qu'ils vantaient la liberté, tandis que les moines, dans la prison apparente du cloître, étaient libres des passions et des besoins qui constituent la plus honteuse des servitudes.

Essentiellement galans, les philosophes plaignaient les religieuses; elles étaient à leurs yeux d'innocentes victimes d'un fanatisme meurtier ; leur clôture était une ; atteinte portée aux lois de la nature, aux droits du cœur, un vol fait aux plaisirs du monde, au domaine de l'amour. La libre circulation des femmes étant à peu près établie par l'évangile de la nouvelle religion, cette portion d'un sexe aimable, mise en séquestre dans les couvens, était un attentat contre le commerce un crime de lèse-philosophie au premier chef. Sous la monarchie, le théâtre était interdit à leurs réclamations; mais aussitôt que la révolution eut ouvert à leur zèle une libre carrière, on ne vit plus sur la scène que des couvens et des grilles; on n'entendit parler que de souterrains, de cachots, d'exécrables cruautés exercées par la supersti tion et le fanatisme dans l'ombre des monastères. Ces histoires, qui ressemblent à celles de la Barbe-Bleue, devinrent le tragique du jour.

M. de Laharpe, malgré la solidité de son esprit, se laissa tenter par les succès faciles que promettaient ces déclamations à la mode; il fit représenter sur le théâtre sa Mélanie, qui se lisait depuis long-temps dans les sociétés. Cette pièce, estimable par la pureté du style, est extrêmement médiocre du côté des caractères et de l'action théâtrale. Je ne sais pourquoi les comédiens troublent la cendre de l'auteur par la représentation

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