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circonspects à blâmer ce qui choque notre goût et nos mœurs : ces idées d'Hamlet nous semblent, il est vrai, burlesques et bouffonnes; mais je ne sais si le galimatias ennuyeux et froid vaut beaucoup mieux que le bouffon et le burlesque ce qu'il y a de très-certain, c'est que l'Hamlet de Shakespeare occupe toujours, et attache quelquefois, tandis que celui de Ducis fait bâiller à la représentation, et qu'on n'en peut pas soutenir la lecture. (21 germinal an 11.)

OEDIPE CHEZ ADMÈTE.

ON rencontre des beautés dans la tragédie de M. Ducis; deux ou trois situations sont d'un intérêt assez vif; il y a quelques belles tirades, quelques beaux vers; tout cela coûte un peu cher, il est vrai, et se mêle à beaucoup de langueur et d'ennui. Il y a deux pièces pour une, deux actions dans la pièce, et la pièce est sans action. OEdipe n'est jamais allé chez Admète : Admète et son époux Alceste n'ont jamais rien eu de commun dans l'ancienne mythologie avec OEdipe et sa famille.

M. Ducis avait déjà donné deux tragédies anglaises, Hamlet et Roméo et Juliette, lorsqu'il s'avisa de vouloir faire une tragédie française de deux tragédies grecques, l'Alceste et l'OEdipe à Colonne : de ces deux tragédies, il n'y en a qu'une dont il ait tiré un assez bon parti, c'est l'OEdipe à Colonne. L'Alceste n'est qu'un remplissage, et tout l'avantage qu'il en ait retiré, c'est le rôle froid d'Admète qui attend, pendant toute la pièce, que quelqu'un veuille bien mourir pour lui; et le rôle inutile d'Alceste, qui se dévoue à la mort pour son mari, mais qui a soin de l'en avertir, afin qu'on s'oppose à ce beau projet : semblable à ces faux braves

qui ne tirent l'épée que devant témoins, afin qu'on les sépare.

Polynice va chez Admète demander du secours contre son frère Etéocle; refusé par Admète, il devrait sortir de sa cour, où il ne peut plus faire qu'une triste figure; il reste cependant, parce que le poëte a besoin de lui il ne pourrait pas faire sa tragédie si le fier Polynice ne savait pas supporter l'affront d'un refus. Dans cet entretien d'Admète avec Polynice, Admète fait part très-indiscrètement de ses chagrins domestiques à un étranger qu'il renvoie mécontent; et Polynice, encore plus imprudent, fait confidence de ses crimes au roi dont il sollicite le secours : ces deux fautes de jugement sont nécessaires au poëte qui ne saurait autrement comment se retirer de son exposition, et cette exposition elle-même n'apprend rien. La pièce ne commence qu'au second acte; c'est alors que l'oracle demande la vie d'Admète; Alceste n'en sait rien, et croit son mari sauvé; ignorance très-peu vraisemblable, mais qui produit une scène intéressante entre le mari et la femme : l'une, dans l'ivresse de la joie, s'abandonne à des transports de tendresse; l'autre, accablé de l'amour de sa femme, lui fait ses adieux qu'elle prend pour des remercîmens. On annonce dans le second acte l'arrivée d'OEdipe; Alceste veut qu'on le renvoie, et Admète ne se presse pas de l'aller recevoir. Il ne se passe rien entre les deux actes; OEdipe paraît au troisième, sans avoir vu le roi. Il fallait que le poëte amenât la scène où OEdipe est reconnu par les habitans qui veulent l'arracher du temple des Euménides. Il n'y a point de beauté dans la pièce qui ne coûte à l'auteur plusieurs fautes graves; il a bâti sur de mauvais fondemens.

OEdipe, en arrivant, écrase Admète et Alceste. Ce pauvre mari ne manque pas de gens qui veulent mourir

pour lui, sans parler de sa femme. OEdipe et Polynice se dévouent; mais rien n'est plus froid que ses dévouemens; et ce roi qui est là en attendant la vie ou la mort, est le plus pitoyable personnage qui jamais ait paru sur la scène; on lui a donné, pour l'amuser, des récits à faire et des sentences à débiter : tout l'intérêt se concentre sur Edipe et sur Polynice. Ce n'est pas qu'on se soucie beaucoup des remords d'un scélérat tel que Polynice; mais les reproches de son vieux père, et le le pardon qui les suit, sont touchans pour nous, qui sommes toujours très-faibles au théâtre, et dupes d'une fausse sensibilité. Les Grecs, plus fidèles observateurs des caractères, étaient persuadés qu'il y a des crimes qu'un père ne doit pas pardonner. Chez Sophocle Edipe reste inflexible cette opiniâtreté lui convient mieux; le scélérat Polynice n'éprouve point, dans la tragédie grecque, de violens remords; il n'obtient point de pardon, et se retire. Ses adieux à ses sœurs sont un morceau plus vrai, plus naturel, plus touchant, que tout le pathos de la pièce française.

J'ai remarqué un trait tout à fait comique dans la conversation d'Edipe avec Admète : Edipe veut se retirer dans la crainte d'apporter à son hôte le malheur qui le suit. Admète, qui s'attend à mourir, prie Œdipe de rester pour être le consolateur de sa femme et le précepteur de ses enfans : hélas ! un vieillard aveugle n'est guère propre à consoler une veuve; et pour être précepteur d'enfans, il faut savoir autre chose que deviner des énigmes : c'est cependant là que se borne toute la science d'Edipe.

Le pardon accordé par Edipe à Polynice est d'autant moins convenable, qu'il semble que la clémence du père soit en contradiction avec la justice des dieux; ils rejettent cette victime impure qui s'offre à la mort pour

Admète. Polynice, comme un autre Caïn, est enragé de voir que le ciel repousse son offrande : cette offrande, il est vrai, est fort étrange, et le fils dénaturé qui a chassé son père, a mauvaise grâce de vouloir mourir pour un étranger. La conversion de Polynice était trop prompte pour être solide : ce fils d'Edipe ressemble à ces libertins de l'ancien régime qui, après avoir fait bien des sottises, allaient s'ensevelir à la Trappe, mais n'y restaient pas long-temps.

Il y a dans le cinquième acte une faute que les écoliers même savent éviter aujourd'hui : le théâtre reste vide entre la troisième et la quatrième scène. La pièce se termine par la mort d'OEdipe qui s'est dévoué pour Alceste, et dont les dieux ont accepté le dévouement. L'intérieur du temple s'ouvre; on entend les cris d'Alceste mourante : sans doute qu'elle meurt de peur. Mais d'où lui vient cette peur de mourir, puisqu'elle sait qu'elle a dans OEdipe un bon remplaçant? Ce vieillard tient l'autel embrassé, et offre aux dieux le sacrifice de sa vie, lorsqu'un coup de tonnerre le renverse au pied de l'autel. M. Ducis a fort embelli plusieurs pièces anglaises; il a gâté au contraire les deux pièces grecques auxquelles il a touché, en souillant par le galimatias, le phébus tragique et le charlatanisme théâtral, qui flattent le goût français, la vérité, le naturel et la simplicité qui composent le style grec. Les tragédies des Grecs nous paraîtraient aussi admirables que leurs statues, si nous étions d'aussi bons juges du moral que du physique, et si nous savions apprécier les caractères aussi bien que les formes. Telle qu'elle est, la tragédie d'OEdipe chez Admète eut du succès dans la nouveauté ; elle fut jouée pour la première fois le vendredi 4 décembre 1778, et remise au théâtre le 30 novembre 1780. Cette reprise ne fut pas si bien accueillie; on fut

alors plus choqué des longueurs, des invraisemblances et des vices du plan, que touché des situations pathétiques qui se trouvent dans le troisième et le cinquième acte. (18 avril 1812.)

LE ROI LÉAR.

JAMAIS le charlatanisme théâtral n'entassa plus de moyens pour produire moins d'effet. Le tonnerre, les éclairs, la grêle, des forêts, des cavernes, une conjuration, une bataille où le vainqueur se trouve être le vaincu, une jeune fille qui vit dans un souterrain avec un vieillard, sous la protection d'un jeune homme, un roi qui, après avoir été imbécille toute sa vie, finit par devenir complétement fou, et occupe de son radotage la moitié de la pièce joignez à cela le phébus et le galimatias d'un style qui fait pâlir celui de Brebœuf, des apostrophes au ciel, à la foudre, aux vents, aux rochers, à toute la nature, des apostrophes aux larmes aux plantes médicinales, etc., vous aurez une idée du Roi Léar, dont on vient de donner une reprise.

Il était cependant si nouveau et si étrange de voir un fou sur la scène tragique, que cette production extravagante eut quarante représentations en 1783, dans un temps où la satiété du beau et du bon faisait rechercher l'extraordinaire et le bizarre: on crut voir dans la folie le sublime de la sensibilité; et la sensibilité était alors tellement à la mode dans toutes les sociétés, qu'elle dégénérait en niaiseries. Le jeu naturel et vrai de Brizard, son extérieur imposant et vénérable couvrirent un peu les défauts de l'ouvrage. Quoique Monvel ait mis dans ce rôle tout ce qui dépend de l'intelligence et du talent, il est si éloigné des avantages physiques de Brizard, il y

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