Εικόνες σελίδας
PDF
Ηλεκτρ. έκδοση

En homme qui avait de la tactique, l'auteur commença par s'emparer des suffrages les plus marquans, par le moyen des lectures de société : il allait de maison en maison colportant son libelle sous le manteau; acueilli partout comme un philosophe courageux, comme le fléau du despotisme. Telle était alors la bonhomie des gens comme il faut, qu'ils croyaient rendre un hommage généreux à la liberté et à l'égalité, en admirant une rapsodie audacieuse où ils étaient cruellement bafoués. C'est par le même principe qu'ils supportaient à leur table l'impertinence et la fatuité des académiciens parasites, qui venaient très-assidument les endoctriner, et les ennuyer de leur sublime bavardage : c'était alors le bon ton, c'était la mode de recevoir comme des oracles, les rêveries de ces illuminés; c'était cette niaiserie qui constituait alors la philosophie et les idées libérales.

Voilà donc Beaumarchais et Figaro prônés par la ville comme les restaurateurs de la raison humaine. Quelques censeurs de la police se laissèrent même séduire au point de capituler; avec quelques retranchemens, on extorqua leur approbation. L'adroit auteur battait ainsi la cour avec toute l'artillerie de la capitale ; il eut l'art de se ménager des intelligences jusque dans le sein de la place qu'il assiégeait. Le plus jeune des frères du roi, celui qui avait le moins d'expérience, s'imagina que c'était protéger les lettres que d'accueillir ce misérable imbroglio, et dans cette idée, il disposa tout pour le faire jouer dans son château de Maisons. M. de Vaudreuil, qui avait les grâces d'un courtisan plus que les lumières d'un homme d'état, crut se mettre à la mode et se donner du relief en demandant la permission d'honorer sa maison de Gennevilliers par la représentation de cette merveilleuse farce. Jamais affaire d'état, jamais négo

ciation importante ne fut traitée avec tant de sérieux et de gravité : toute la cour de France s'agitait pour l'œuvre d'un bateleur, pour une parade de tréteaux; et cette honteuse faiblesse était le plus sûr présage de la prochaine décadence d'une cour qui se respectait si peu.

Cependant le roi, investi de toutes parts, faisait encore quelque résistance : l'opinion en imposait à ses lumières; son désir de popularité luttait contre sa conscience. Il se laissa un jour arracher la permission de faire un essai de cet ouvrage fameux sur le théâtre des Menus. Voilà les comédiens français qui se préparent au grand œuvre; tout Paris est en rumeur; la nouvelle de la victoire de Denain y avait jadis causé moins d'ivresse on se dispute, on s'arrache les billets d'entrées; dès le matin les voitures défilent avec fracas. Mais, ô douleur à onze heures, un ordre du ministre défend la représentation: un deuil général succède à l'allégresse; les équipages s'en retournent tristement au petit pas, et les chevaux l'œil morne et la tête baissée, semblaient partager le chagrin de leurs maîtres.

Les irrésolutions du faible monarque, flottant entre le bon sens et la philosophie, se prolongèrent un temps considérable; c'était un cercle continuel de permissions révoquées presqu'aussitôt qu'accordées. Beaumarchais sans se rebuter, pressait le siége avec une ardeur infatigable enfin la philosophie triompha; il était dans l'ordre des destins que l'ancienne monarchie fût détruite, et que les rênes de l'empire français fussent remises en des mains plus fermes et plus sûres.

Beaumarchais fit jouer la vanité, comme la dernière mine qui devait faire sauter la cour. Il se servit avec adresse, auprès des dépositaires de l'autorité, de cette phrase philosophique qui se trouve dans la pièce : Il n'y

a que les petits hommes qui redoutent les petits écrits; petite maxime qui ne pouvait tromper que de petits hommes. Les grands hommes, les hommes d'état connaissaient toute l'étendue du mal que peuvent faire de petits écrits ; et tout en méprisant d'aussi viles productions, ils savent en faire justice et en réprimer les auteurs; ils ne sacrifient point la tranquillité publique, le bon ordre, les bonnes mœurs et les lois à la vaine gloriole d'une philosophie aussi dangereuse que ridicule : les petits hommes sont toujours ceux qui appréhendent le plus de passer pour petits. Un axiome de comédie déconcerta la haute sagesse des ministres de ce temps-là; le monarque lui-même céda à la crainte de paraître petit, et se persuada peut-être qu'il était un grand homme en favorisant l'insolence d'un baladin.

Enfin, Figaro fut accordé à la curiosité et à l'impatience publique. Jamais représentation ne fut plus tumultueuse et plus bruyante. Beaucoup d'amateurs couchèrent la veille à la comédie, dans les loges des acteurs, afin d'être plus sûrs de trouver place le lendemain. Les fastes du théâtre n'offrent point d'exemple d'un succès aussi prodigieux, aussi constant. La pièce eut cent représentations extraordinairement suivies; le public semblait ne pouvoir se rassasier de cette farce, véritable thermomètre du goût qui régnait alors. Elle valut cinq cent mille francs aux comédiens, et quatre-vingt mille francs à l'auteur.

Mais la fortune n'avait pris plaisir à élever si haut Beaumarchais, que pour le trahir plus cruellement : l'autorité ne s'était montrée si faible, si indulgente, si aveugle en sa faveur, que pour déployer ensuite contre lui une rigueur hors de saison, au moment même de son triomphe. A la soixante-quatorzième représentation de la pièce, Beaumarchais fut arrêté et conduit à la

maison de correction de Saint-Lazare, comme un jeune libertin. Il avait alors cinquante-cinq ans, et pouvait être regardé comme incorrigible. On rit le premier jour de ce coup d'autorité; le second on en demanda la raison; le troisième on raisonna, on commença même à plaindre le prisonnier; le quatrième on apprit que, par un trait d'inconstance aussi singulier que tout le reste, le gouvernement avait rendu la liberté à Beaumarchais. Figaro étant alors suspendu par l'indisposition d'un acteur, il paraît que, dans l'intervalle, le gouvernement s'était chargé de donner au public la comédie. (27 thermidor an 12.)

DESAUDRAIS.

MINUIT.

Ce qu'on doit le moins estimer en littérature, ce sont les singes qui ne savent qu'imiter et copier. Le rôle du petit page dans Figaro, quoique peu d'accord avec la morale, est du moins une invention ingénieuse et plaisante; mais la répétition qu'on en fait dans Minuit est un peu fade. Ce Floridor, amoureux de sa cousine, est bien au-dessous de Chérubin amoureux de la comtesse; il fait trop l'enfant et le petit mignard. Je ne sais quel âge il a; je le crois trop formé pour ces petites ingénuités enfantines; Chérubin n'a que quinze ans ; je soupçonne Floridor d'en avoir davantage : autrement, l'oncle, tout bête qu'il est, ne serait pas assez fou pour marier son neveu à la fin de la pièce. Ce qui a de la grâce dans un enfant de quinze ans, est fade et ridicule dans un jeune homme bon à marier. Du reste, Floridor parle dans la pièce en écolier de quatorze ans, sauf quelques traits d'esprit ou de sentiment que l'auteur lui prête assez mal à propos. La soubrette le menace du fouet; sa maîtresse lui donne pour étrennes des dragées d'attrape; elle le reçoit à près de minuit dans sa chambre à coucher : partout on le traite en enfant, et on le marie au dénouement comme un homme. Minuit est une de ces petites comédies musquées, une de ces bagatelles à l'eau-rose,

« ΠροηγούμενηΣυνέχεια »