Εικόνες σελίδας
PDF
Ηλεκτρ. έκδοση

nuisibles qu'utiles à l'effet d'une action tragique; leurs lamentations monotones, leurs conversations inutiles avec leurs confidentes, leur galante métaphysique, ne servent souvent qu'à rendre la tragédie plus longue : en général, elles parlent trop, et malheureusement bien peu d'auteurs, ont un style capable d'excuser les longs discours. L'intervention des femmes n'en est pas moins nécessaire dans une représentation théâtrale, qui doit toujours être une imitation de la vie humaine. Les anciens, qui n'étaient pas galans, n'ont dans tout leur théâtre que le Philoctète où il n'y ait point de femmes ; mais il vaut mieux renoncer aux femmes que de n'en pas faire un usage digne d'elles; il y a des actions où elles seraient froides, ennuyeuses, par conséquent trèsdéplacées tel est Marius à Minturnes.

:

Le vainqueur de Jugurtha, l'exterminateur des Cimbres et des Teutons, six fois consul d'une république maîtresse du monde, réduit à s'enfoncer dans un marais, arraché tout couvert de fange de cet asile honteux, traîné dans les prisons de Minturnes, livré au glaive d'un esclave cimbre qu'il épouvante d'un regard, et montrant par-là à tout l'univers que la Providence accorde aux grands hommes le privilége d'un destin particulier, que leur gloire est pour eux un rempart, et qu'un pouvoir invincible défend contre les scélérats leur personne sacrée; quel spectacle! quel tableau! La fable et l'histoire n'en offrent point de plus fier et de plus terrible; peut-être est-il encore plus du ressort de l'éloquence que de la poésie; peut-être appartient-il plus à l'épopée qu'au drame. Où est le génie capable de joindre ses fictions à cette grande réalité ? Tout le remplissage dramatique d'un trait aussi sublime ne devientpas nécessairement petit et froid? Quels personnages peut-on mettre à côté de Marius? qu'est-ce qu'un G

il

minius, un Céthégus, un Nétile? On ne sait ce qu'ils font à Minturnes : quoique le séjour du jeune Marius dans cette ville et son déguisement en soldat soit un peu romanesque, quoiqu'il ne soit point essentiel à l'action, c'est le fils du grand Marius. Le vétéran Amyclas qui donne un asile à son ancien général, est le rôle le plus intéressant et le mieux imaginé. La pièce n'a que trois actes; elle est encore beaucoup trop longue.

Horace a fixé à cinq actes, ni plus ni moins, l'étendue d'une action tragique; j'ai toujours été surpris qu'un précepte aussi hasardé fût échappé à un législateur si sage; les tragiques grecs ne divisaient point leurs pièces en cinq actes. Souvent ils font un acte d'une seule scène; mais aussi leurs scènes disent toujours quelque chose. Quand Voltaire voulut traiter le sujet d'OEdipe, à peine trouva-t-il dans Sophocle de quoi remplir deux de nos actes. Notre théâtre nous paraît plus plein que celui des anciens, parce qu'il est gonflé d'inutilités et de bavardages.

Il y a beaucoup trop de conversations dans Marius à Minturnes; l'auteur a rempli ses trois actes d'un fracas qui produit peu d'effet; ce qui manque à son plan, c'est cette noble et antique simplicité qui surtout était commandée par un pareil sujet. Le troisième acte est particulièrement surchargé de discours et d'incidens`qui refroidissent beaucoup l'intérêt. Le soldat cimbre, après avoir laissé tomber son glaive, après s'être écrié : il m'est impossible de tuer Marius, ne doit point rester sur la scène; il ne doit point surtout répéter ces paroles; plus elles sont frappantes, plus la répétition en est vicieuse. Que dirait-on du vieil Horace qui prononcerait deux fois le qu'il mourút? L'espèce de combat qui s'engage au dénouement, n'est qu'une pantomime essentiellement puérile, toujours mal exécutée, et qui fait

rire le parterre. Combien un beau vers, un sentiment noble, est-il supérieur à ce vain cliquetis d'épées, à ce simulacre de bataille que la maladresse des combattans rend toujours fort ridicule !

Cet essai de la première jeunesse de l'auteur annonçait des talens distingués, de la verve, de l'imagination, un génie abondant et riche, que l'âge pourrait aisément resserrer dans les limites du goût; une disposition naturelle au grand et au sublime, mais qui dégénérait souvent en déclamation. On y remarque de beaux vers dans le goût de Corneille, des tirades bien frappées, mais, en général, une versification dure et pénible, et plus de penchant à imiter Lucain que Virgile.

On a beaucoup applaudi ce vers :

L'or n'a-t-il de valeur que lorsqu'il paie un crime?

On a fait l'application des proscriptions de Sylla aux horreurs révolutionnaires.

Démasquons ce Sylla, tyran d'un peuple libre ;

Des flots du sang romain grossissant ceux du Tibre;
Qu'on le voie implacable, ambitieux ingrat,
Ne venger que lui seul en vengeant le sénat,
Prudent en sa fureur, accabler de sa haine
Ceux sur qui reposait la liberté romaine;
Par d'utiles forfaits s'assurer les faisceaux,
Changer Rome en désert, nos palais en tombeaux,
Et chargeant tous les bras d'immoler ses victimes,
Rendre le monde entier complice de ses crimes.

Les vers suivans ont aussi offert une allusion vivement sentie :

Une patrie éteinte, un repaire de crimes,

Peuplé de délateurs, de bourreaux, de victimes,
Où l'égoïsme impur remplaçant l'amitié,

Au fond de tous les cœurs a séché la pitié;
Où la paix convulsive et souvent assassine,

Nous prépare aux horreurs d'une guerre intestine.

Les deux derniers vers de la pièce ont un grand mérite, puisqu'on les a retenus :

Il est des monumens au-dessus du ravage,
Et l'on admire encor les débris de Carthage.

Ce serait deux beaux vers de poëme épique; mais ils sont déplacés dans la bouche du personnage, et ce n'est pas à Marius qu'il convient de dire qu'on admire ses débris. (14 ventose an 9.)

LES VÉNITIENS.

PAR quel motif a-t-on essayé de reproduire une pièce que le public s'obstine à repousser, moins encore à cause de l'horrible atrocité du dénouement, qu'à cause de l'ennui et du dégoût qu'elle inspire d'un bout à l'autre? C'est ce qu'il ne m'appartient pas de rechercher. Mon devoir est de prouver que ce genre déshonore notre scène tragique; que c'est par impuissance qu'on a recours à de pareilles horreurs, et qu'on mêle la religion aux passions du théâtre; que les poëtes qui jouent à la chapelle, qui s'environnent de bourreaux sont tout à fait dépourvus de goût.

Les Vénitiens ne sont point une tragédie; ni l'action, ni les personnages n'ont l'importance tragique. Que les Anglais prennent des marchands de Londres pour des héros, nous n'admettons pas même pour les principaux acteurs d'une véritable tragédie, des inquisiteurs de Venise; qu'à la fin de la pièce un homme soit étranglé derrière un rideau, par ordre de l'inquisition d'état, cette exécution atroce ne forme point un dénouement tragique; je ne vois dans tout l'ouvrage qu'un mauvais dranie mal conçu, mal écrit, terminé mal écrit, terminé par le ministère

du bourreau..

L'auteur a pensé qu'une assemblée du sénat de Venise serait une exposition fort intéressante : cette assemblée est encore plus insipide que celle des chevaliers de Syracuse dans Tancrède. Comment M. Arnault s'est-il flatté de réussir, où son maître, M. de Voltaire, avait échoué?

Ce qu'il y a de pis dans cette assemblée du sénat de Venise, on propose, on discute, on promulgue une loi portant défense à tout noble vénitien, sous peine de mort, d'avoir le moindre commerce avec les agens des puissances étrangères. Depuis qu'on fait des tragédies, on n'a jamais rien imaginé de plus froid que cette discussion politique; les spectateurs s'embarrassent fort peu de Venise, de son sénat, de ses inquisiteurs et de ses lois.

Pendant que le conseil, après la séance, va rendre grâce à Dieu dans l'église de Saint-Marc (car on est fort dévot dans cette pièce ), deux inquisiteurs ennemis l'un de l'autre, Contarini et Capello, restent pour causer; et le résultat de l'entretien est que Contarini promet Blanche sa fille en mariage à Capello, parce qu'il trouve le parti très-avantageux. Voilà le premier acte, qui ne laisse aucun désir de voir la suite.

Au second acte, Blanche s'entretient avec sa nourrice, de son amour pour Montcassin, jeune français, amoureux de la république de Venise, et devenu un héros parce qu'il a dénoncé la conspiration du marquis de Bedmar, et battu des brigands à Brescia. Le sénat l'a récompensé en faisant écrire son nom en lettres d'or avec ceux des fondateurs de Venise, et en lui donnant le titre de noble vénitien, titre qui lui coûtera cher comme nous verrons. Contarini signifie à sa fille qu'il va la marier, et, comme il dit que c'est à un héros Blanche, persuadée qu'il n'y a point d'autre héros que le dénonciateur Montcassin, croit que c'est de lui dont il s'agit, et reçoit la nouvelle avec transport. Capello, sur

« ΠροηγούμενηΣυνέχεια »