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la baisse ; il ressemble trop à nos Turcarets de l'ancien régime, pour que la peinture en soit bien piquante. Ce rôle, très bien joué par Grandmesnil, est également étranger à l'intrigue; il n'a de rapport à la pièce que parce que c'est chez lui que madame Dirval est logée.

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M. Basset, autre agioteur, prend encore moins de part à l'action, mais il a une teinte plus comique, et se trouve un moment en scène avec Formont. On a beaucoup ri de certaines façons de parler écrites dans la langue de ces messieurs, telles que c'est différent; votre domaine est-il conséquent? Il y a aussi trois femmes, placées là par l'auteur, pour représenter le corps trèsnombreux des femmes folles et ridicules de Paris; elles paraissent fort méprisables sans être plaisantes, toujours par la raison que leurs travers et leurs folies ne sont point assez liées à l'action principale; elles embarrassent le théâtre et affaiblissent l'intérêt.

Le personnage de Formont est très-théâtral, et il est joué par Fleury avec une perfection rare. C'est une espèce de misantrope moins brusque et moins emporté que celui de Molière; ce n'est pas par humeur contre l'espèce humaine, c'est par le vif intérêt qu'il prend à sa sœur qu'il fronde rigoureusement les mœurs du jour; il produit surtout un grand effet dans une scène où il se trouve vis-à-vis le séducteur et une femme galante, qui veulent jeter du ridicule sur ses manières et ses principes. Il oppose les usages de son pays, où l'on dort la nuit, où l'on veille le jour, etc.; au train de vie de Paris, cela n'est pas neuf; mais cela est vrai et bien placé. On a beaucoup aimé aussi la distinction qu'il fait de cette classe nombreuse d'honnêtes gens qui, à Paris, pratiquent la vertu en silence, d'avec cet essaim d'étourdis qui font du fracas et donnent le ton: la scène où il dé

masque le séducteur, est d'une invention neuve et hardie; mais elle n'est point préparée : elle est mal placée, et l'exécution ne répond pas au dessein.

J'ai déjà dit que le rôle de madame Dirval était froid, et Melle. Mézerai jone très-naturellement ces sortes de rôles. Le caractère de madame Euler est noble, plein de douceur et de prudence; c'est la vertu dans toute sa dignité le talent de Melle. Contat lui prête encore un nouveau mérite. Damas joue avec beaucoup de finesse et d'intelligence le rôle de Déricourt; mais l'aisance et la grâce ne s'y trouvent pas. Il y a dans son maintien, comme dans son débit, de la roideur et de l'affectation.

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A travers les nombreux applaudissemens dont on a couvert la pièce, et que la réputation de l'auteur justifie, le public impartial a su démêler les beautés et les défauts. De jolis vers, des détails charmans, des traits naïfs, et qui paraissent neufs à force de simplicité, des saillies heureuses, des sentimens doux et honnêtes, un dialogue naturel et facile; plusieurs belles scènes, dignes du premier comique de nos jours; une excellente morale, un caractère de candeur, de probité et de vertu, qui fait aimer l'auteur; voilà ce que nous avons reconnu avec plaisir dans la pièce nouvelle.

Mais l'équité sévère dont nous faisons profession ne nous permet pas de dissimuler qu'il y a de dissimuler qu'il y a beaucoup de longueurs, et une foule de petites naïvetés puériles. Les conversations ne finissent pas; l'action se traîne avec peine; un caquetage continuel, une sorte de tatillonage dans le dialogue, un vain babil qui remplit des scènes vides, répand une certaine langueur sur tout l'ouvrage. On y aperçoit des réminiscences assez fortes du Misantrope, et surtout du Séducteur; trop de comique usé, peu de liaison et d'ensemble. C'est une pièce d'intrigue, où il n'y a point d'intrigue, et une suite de

conversations en cinq actes, plutôt qu'une véritable comédie. (9 thermidor an 8.)

LES CHATEAUX EN ESPAGNE.

CETTE Comédie de Collin est restée au théâtre, grâce à Molé. Cet excellent acteur y joua le principal rôle avec une verve de gaieté et de folie qui entraîna tous les spectateurs : le succès fut disputé, les sifflets se jetèrent à la traverse; Molé emporta tout d'assaut. Il y a des détails charmans dans la pièce, il y a des songes

délicieux. L'homme aux châteaux est un fou dont le théâtre devrait être aux Petites-Maisons; mais on le voit, on l'entend avec le plus grand plaisir sur la scène. L'action et l'intrigue sont faibles. Il y a un amant transi qui refroidit la pièce au lieu d'y jeter de l'intérêt; la délicatesse de cet amant ressemble beaucoup à la niaiserie. Après Molé, Fleury a joué le rôle de Dorlange avec beaucoup de talent et de succès : c'est aujourd'hui Armand qui en est chargé : il s'en acquitte avec grâce, et une très-aimable vivacité de jeune homme.

Quoique le fond de la pièce ne soit pas très-raisonnable, le principal personnage est un être chimérique, un aventurier, un juif errant, sans feu ni lieu, sans parens, sans famille, sans argent, voyageant comme les capucins, et vivant aux dépens de ceux dont les maisons se rencontrent sur sa route : il a fallu une dépense extraordinaire d'esprit, de gaieté et de jolis vers, pour établir solidement dans cette comédie un pareil dom Quichotte avec son Sancho, car il en a un presqu'aussi fou que son maître. Un homme sur le pavé, qui n'a pas de gîte, qui n'a pas le sou, et qui a un domestique! cela est burlesque. Mais un domestique

est toujours nécessaire dans une comédie, pour que le maître ait avec qui causer, et la soubrette à qui parler.

L'idée des Châteaux en Espagne est morale et philosophique. Toute la vie humaine n'est qu'une suite de châteaux en Espagne, un tissu d'erreurs et d'illusions : les malheurs que l'on craint n'arrivent pas, ceux qu'on ne craint pas arrivent; on espère des biens dont on ne jouit jamais, il en vient qu'on n'espérait pas; on dédaigne le présent, on vit dans l'avenir: on forme des projets, on conclut des marchés la veille de sa mort; on bâtit des maisons quand on n'a besoin que d'un tombeau.

Tu secanda marmora

Locas sub ipsum funus, et sepulcri

Immemor struis domos.

Jouir n'est pas un bien à l'usage de l'homme, espérer et rêver, voilà son élément. La raison est un ministre disgracié; toute la faveur, tout le crédit sont pour la passion et l'imagination. Un bourgeois se retire après avoir fait une petite fortune: il va, dit-il, se reposer ; il meurt d'ennui six mois après. Un grand seigneur maudit la cour: il crie à l'injustice; il ne veut plus vivre que pour lui dans ses terres : on l'y exile, et il y meurt d'ambition rentrée.

Certaines passions paraissent inexplicables. L'avare et surtout le joueur étonnent on ne conçoit pas quel plaisir l'un peut avoir à garder, l'autre à perdre son argent; mais l'avarice et le jeu sont les deux passions les plus fortes, les plus incurables, parce que ce sont celles qui occupent le plus l'âme, qui lui donnent les plus vives secousses: voilà pourquoi il est si important dans la jeunesse de se donner des goûts nobles et honnêtes qui puissent occuper et remplir l'âme sans la dé

grader. L'avare jouit de tout ce qu'on peut se procurer avec de l'argent, et n'en dépense point; le joueur jouit de tout l'argent qu'il peut gagner, lors même qu'il en perd beaucoup. L'espoir des châteaux en Espagne est moins vif, mais plus agréable et plus doux que celui du jeu, qui rònge et qui ruine. Les châteaux en Espagne sont la consolation et la richesse du pauvre, quand le pauvre les bâtit sans frais; mais souvent il veut donner un fondement à ses châteaux, les asseoir sur quelque chose. Victor, le valet de Dorlange, établit le sien sur un billet de loterie : on peut gagner le gros lot; cette possibilité s'achète, et l'achat se répète souvent: il faut être aussi niais que l'était Janot, pour croire qu'on peut gagner à la loterie sans y avoir mis. Dans la fameuse pièce des Battus paient l'amende, Janot a dépensé quelqu'argent pour lire la liste des gagnans de la loterie, et voir s'il est du nombre : on lui demande s'il a mis à la loterie, et comme il répond qu'il n'y a pas mis, on se moque de lui; mais Janot, sans se déconcerter, réplique: Que sait on? l'hasard. Le hasard est la divinité des sots. Le docteur Bartholo dit fort bien : · Il n'y a point de vent, il n'y a point de premier venu ; c'est toujours quelqu'un posté là exprès pour ramasser les papiers qu'une femme a l'air de laisser tomber. De même il n'y a point de hasard. Le hasard dans les jeux est calculé : ce n'est point du hasard pour ceux qui savent le sonmettre à leurs combinaisons, c'est de l'arithmétique et de l'algèbre : il n'est hasard que pour les imbécilles qui s'y fient, et qui en sont dupes.

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Ce sont de jolis châteaux en Espagne que ceux des Chasseurs, de la Laitière, et du Curé dans La Fontaine. Celui de Pyrrhus, dans Boileau, est noble et intéressant; ceux de Dorlange font beaucoup d'honneur au talent de Collin. Parmi nos comiques modernes, il y

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