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succès; le respect et l'intérêt qu'ils inspirent défendent la pièce et couvrent ses défauts; mais l'auteur des Etourdis est bien modeste, s'il a cru avoir besoin d'une pareille protection.

C'est peut-être manquer d'égards pour les héros de notre littérature, que de nous les présenter ivres et dans un état qui dégrade l'humanité. C'est un spectacle plus humiliant que comique, de voir les coryphées de la raison humaine déraisonnant comme une troupe d'ivrognes. Je ne dispute point sur la vérité de l'anecdote; il serait à souhaiter qu'elle fût fausse, et Voltaire n'avait pas tort de la révoquer en doute, pour l'honneur des gens de lettres et des artistes. Il ne faut pas beaucoup de jugement et de délicatesse pour sentir l'indécence de transformer la retraite de Molière, à Auteuil, en un cabaret des Porcherons, et de faire d'un souper de beaux-esprits, une orgie crapuleuse de porte-faix et de cochers de place. Les Lacédémoniens montraient à leurs enfans des esclaves ivres, pour leur inspirer l'horreur de l'ivresse : est-ce pour nous la faire estimer, que l'auteur nous montre de grands hommes abrutis par l'intempérance?

Molière, sans doute en qualité de maître de la maison, y paraît possédé d'une double ivresse; les vapeurs de l'amour se joignent aux fumées de Bacchus pour lui tourner la tête, et quoiqu'il ait moins bu que les autres, il est plus complétement fou, puisqu'il est enivré des attraits d'une jeune fille. La disproportion de son âge avec celui de sa maîtresse, dont il pourrait être le père, rend cette sorte d'ivresse plus ridicule encore que celle

du vin.

On suppose qu'il s'est brouillé avec la petite Béjart laquelle, à la faveur d'un déguisement, vient le trouver à Auteuil pour se raccommoder. Les barbons se brouil.

lent rarement avec les petites filles : ce sont les petites filles qui se brouillent avec les barbons; ces amans surannés ont toujours tort, et jamais leurs jeunes maî tresses ne font les avances de la réconciliation. Melle, Béjart prend bien mal son temps: un salon plein de buveurs n'est pas un lieu propre pour une entrevue amoureuse. Tous les historiens de Molière nous apprennent que madame Béjart surveillait beaucoup sa fille, qu'elle en était jalouse, et, par conséquent, qu'elle n'avait garde de la mener à Auteuil, chez Molière, pour faciliter un raccommodement.

Si Molière s'est brouillé avec la petite Béjart, ce n'est pas lorsqu'il en était amoureux, c'est lorsqu'il est devenu son mari; et sa dernière réconciliation avec sa femme lui a, comme on sait, coûté la vie. Toute cette petite fable, que M. Andrieux a cousue à son Souper, est mesquine, mal imaginée, contraire aux convenances, contraire à tous les mémoires du temps : quand on met Molière dans une pièce, il faut tâcher, par respect pour un tel personnage, d'y mettre aussi de la raison.

Pour ennoblir ce que son orgie pouvait avoir d'ignoble, M. Andrieux a rappelé la conduite héroïque de Boileau, qui se déclara le défenseur du grand Corneille à la cour, et fit rétablir sa pension: ce trait prouve que les plus belles qualités du cœur s'allient très-bien avec la satire morale et littéraire. Le courage et la franchise nécessaires pour dire la vérité, ou du moins son avis, sont précisément les vertus qui produisent les grandes actions n'attendez rien de généreux de ces doucereux flatters, qui trompent tout le monde et trouvent que tout est bien. L'attachement et la fidélité admirables de La Fontaine pour son bienfaiteur tombé dans la disgrâce, occupent aussi une place dans ce Souper d'Auteuil.

L'auteur a voulu du moins relever par des souvenirs honorables des personnages qu'il dégradait par leur extravagance bachique.

Je ne conçois pas comment La Fontaine, ivre d'une autre liqueur que celle de l'Hypocrène, peut, après avoir cuvé son vin par quelques moyens de sommeil, se trouver la tête assez libre pour composer les plus beaux vers qui soient sortis de sa plume. Quant aux vers de Molière sur les peintures du Val-de-Grâce, ils ont bien pu être faits dans l'ivresse ; et il eût été sage de n'en le seul point parler, car le peintre Mignard est, je crois, qui ait pu les trouver bons. Ce peintre est assez déplacé dans une société de gens de lettres, et le musicien Lully encore plus. Celui-ci était un intrigant, un débauché crapuleux, un plat bouffon, un bas flatteur, plus avili par ses mœurs qu'honoré par ses opéras, dont tout le monde se moque aujourd'hui. On prétend que c'est lui Boileau avait en vue dans ces vers énergiques : que

En vain par sa grimace, un bouffon odieux

A table nous fait rire et divertit nos yeux;

Ses bons mots ont besoin de farine et de plâtre;
Prenez-le tête-à-tête, ôtez-lui son théâtre,

Ce n'est plus qu'un cœur bas, un coquin ténébreux;
Son visage essuyé n'a plus rien d'affreux.

que

Les hommes du caractère de Lully réussissent toujours au théâtre comme dans le monde. Ce personnage est celui qui a le plus diverti l'assemblée : entr'autres plaisanteries assaisonnées de l'accent italien, il fait un récit comique de la manière dont il a dupé son confesseur. Ce a père, appelé auprès de lui dans le cours d'une grande maladie, exigeait que le malade brâlât ce qu'il avait noté de son dernier opéra; il fut très-édifié de voir le pénitent se prêter de bon cœur à ce sacrifice, si douloureux pour un musicien. Le confesseur étant

parti après avoir bien et dûment brûlé cette œuvre du démon, un jeune seigneur arrive, et reproche au malade d'avoir eu une pareille complaisance pour un janseniste. Paix, monseigneur, répond Lully, j'en ai là une copie. Ce petit conte était tout propre à égayer la verve de M. Andrieux, déjà célèbre par quelques pamphlets philosophiques du même genre. Une petite pointe d'impiété est, pour ce poëte, ce qu'est pour les convives une petite pointe de vin; elle le met en belle humeur. Cependant quelques compilateurs d'anecdotes racontent l'aventure d'une manière moins réjouissante : ils prétendent que Lully crut en effet avoir trompé le confesseur; mais que ce fut lui-même qui fut pris pour dupe, puisqu'il mourut de cette même maladie peu de temps après.

Pour achever ce qui concerne ce musicien, voici quelques vers de Pavillon, sur le magnifique tombeau que la veuve de Lully fit élever à son mari, dans l'église des Petits-Pères. On y voit la Mort qui, d'une main, tient un flambeau renversé, et de l'autre soutient un rideau au-dessus du buste de Lully.

Pourquoi, par un faste nouveau,
Nous rappeler la scandaleuse histoire
D'un libertin indigne de mémoire,
Peut-être même indigne du tombeau?
S'est-il jamais rien vu d'un si mauvais exemple,
L'opprobre des mortels triomphe dans un temple
Où l'on rend à genoux ses vœux au roi des cieux!
Ah! cachez pour jamais ce spectacle odieux;
Laissez tomber, sans plus attendre,
Sur ce buste honteux votre fatal rideau,
Et ne montrez que le flambeau

Qui devrait avoir mis l'original en cendre.

Il y a peu de charité et de modération dans ces vers; mais ils nous apprennent ce que les honnêtes gens pensaient de Lully. Pavillon, auteur de cette satire, était

neveu du saint évêque d'Aleth, avocat-général au parlement de Metz, et membre de l'académie française. Que ne joignait-il à tous ces titres celui de philosophe tolérant !

Fleury représente Molière; Michot, Lully; Damas, Boileau; et Saint-Fal, La Fontaine : ils contribuent beaucoup par leur talent à soutenir ce vaudeville. Melle. Volnais est chargée du petit rôle de la petite Béjart, et s'en acquitte avec l'ingénuité et la grâce convenables. Depuis fort long-temps on ne la voit plus que dans quelques petits bouts de rôles comiques; on ignore quand elle fera sa rentrée dans la tragédie.

Cet ouvrage n'annonce aucun progrès dans le talent de M. Andrieux : il y a des mots heureux parmi plusieurs autres fort médiocres, de jolis vers agréablement tournés, de l'esprit, et toujours de l'esprit. Quel pauvre éloge pour un poëte comique! J'attends toujours un plan, des situations, des caractères; c'est là ce qui vaut la peine d'être loué : les arides spéculations de la politique ont sans doute étouffé l'heureux germe que l'auteur avait fait paraître dans les Etourdis. Helvétius, le Trésor et le Souper d'Auteuil, sont des argumens contre le système du perfectionnement successif de l'espèce humaine. (19 messidor an 12.)

LA SUITE DU MENTEUR.

D'UNE très-médiocre pièce du grand Corneille, en faire une bonne, était une entreprise peu réfléchie. Le sujet est ingrat, peu conforme à nos mœurs : le fond, de quelque manière qu'on le brode, ne peut jamais être qu'un mauvais roman espagnol; mais Voltaire avait dit qu'avec quelques changemens on pouvait faire de la Suite du Menteur une pièce excellente, un chef-d'œuvre.

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