Εικόνες σελίδας
PDF
Ηλεκτρ. έκδοση

[ocr errors]

n'oseroient l'attaquer. Le même craignoit que Dieu ne lui demandât compte du temps qu'il employoit à gouverner son état, et qu'il déroboit aux affaires spirituelles a

Les Grecs, grands parleurs, grands disputeurs, naturellement sophistes, ne cessèrent d'embrouiller la religion par des controverses. Comme les moines avoient un grand crédit à la cour, toujours d'autant plus foible qu'elle étoit plus corrompue, il arrivoit que les moines et la cour se corrompoient réciproquement, et que le mal étoit dans tous les deux; d'où il suivoit que toute l'attention des empereurs étoit occupée quelquefois à calmer, souvent à irriter des disputes théologiques, qu'on a toujours remarqué devenir frivoles, à mesure qu'elles sont plus vives.

Michel Paléologue, dont le règne fut tant agité par des disputes sur la religion, voyant les affreux ravages des Turcs dans l'Asie, disoit en soupirant le zèle téméraire de certaines personnes, qui, que en décriant sa conduite, avoient soulevé ses sujets contre lui, l'avoit obligé d'appliquer tous ses soins à sa propre conservation, et de négliger la ruine des provinces.,, Je me suis contenté, disoit-il, de pourvoir à ces parties éloignées par le ministère des gouverneurs, qui m'en ont dissimulé les besoins, soit qu'ils fussent gagnés par l'argent, soit qu'ils appréhendassent d'être punis b. "

[ocr errors]
[ocr errors]

29

وو

[ocr errors]

a Pachymère, liv. VII.

b Pachymère, liv. VI, ch. XXIX. On a employé la traduction de M. le président Cousin.

Les patriarches de Constantinople avoient un pouvoir immense. Comme, dans les tumultes populaires, les empereurs et les grands de l'état se retiroient dans les églises, que le patriarche étoit maître de les livrer ou non, et exerçoit ce droit à sa fantaisie, il se trouvoit toujours, quoiqu'indirectement, arbitre de toutes les affaires publiques.

[ocr errors]

Lorsque le vieux Andronic a fit dire au patriarche qu'il se mêlat des affaires de l'église, et le laissât gouverner celles de l'empire: C'est, lui répondit le patriarche, comme si le corps disoit à l'ame: Je ne prétends avoir rien de commun avec vous, et je n'ai que faire de votre secours ,, pour exercer mes fonctions."

[ocr errors]
[ocr errors]

De si monstrueuses prétentions étant insupportables aux princes, les patriarches furent très-, souvent chassés de leur siège. Mais, chez une nation superstitieuse, où l'on croyoit abominables toutes les fonctions ecclésiastiques qu'avoit pu faire un patriarche qu'on croyoit intrus, cela produisit des schismes continuels; chaque patriarche, l'ancien, le nouveau, le plus nouveau, ayant chacun leurs sectateurs.

Ces sortes de querelles étoient bien plus tristes que celles qu'on pouvoit avoir sur le dogme, parce qu'elles étoient comme une hydre qu'une nouvelle déposition pouvoit toujours reproduire.

a Paléologue. Voyez l'histoire des deux Andronic, écrite par Cantacuzène, liv. I, ch. L.

La fureur des disputes devint un état si naturel aux Grecs, que, lorsque Cantacuzène prit Constantinople, il trouva l'empereur Jean et l'impératrice Anne occupés à un concile contre quelques ennemis des moines a: et, quand Mahomet II l'assiégea, il ne put suspendre les haines théologiques ; et on y étoit plus occupé du concile de Florence que de l'armée des Turcs .

Dans les disputes ordinaires, comme chacun sent qu'il peut se tromper, l'opiniâtreté et l'obstination ne sont pas extrêmes: mais, dans celles que nous avons sur la religion, comme par la nature de la chose chacun croit être sûr que son opinion est vraie, nous nous indignons contre ceux qui, au lieu de changer eux-mêmes, s'obstinent à nous faire changer.

Ceux qui liront l'histoire de Pachymère connoîtront bien l'impuissance où étoient et où seront toujours les théologiens par eux-mêmes d'accommoder jamais leurs différents. On y voit un empereur qui passe sa vie à les assembler, à les écouter, à les rapprocher; on voit de l'autre une hydre de disputes qui renaît sans cesse; et l'on

a Cantacuzène, liv. III, ch. XCIX.

b Ducas, histoire des derniers Paléologues.

c On se demandoit si on avoit entendu la messe d'un prêtre qui eût consenti à l'union; on l'auroit fui comme le feu: on regardoit la grande église comme un temple profane. Le moine Gennadius lançoit ses anathêmes sur tous ceux qui désiroient la paix. Ducas, ibid.

d Andronic Paléologue.

sent qu'avec la même méthode, la même patience, les mêmes espérances, la même envie de finir, la même simplicité pour leurs intrigues, le même respect pour leurs haines, ils ne se seroient jamais accommodés qu'à la fin du monde.

En voici un exemple bien remarquable. A la sollicitation de l'empereur, les partisans du patriarche Arsène firent une convention avec ceux qui suivoient le patriarche Joseph, qui portoit que les deux partis écriroient leurs prétentions chacun sur un papier; qu'on jetteroit les deux papiers dans un brasier; que, si l'un des deux demeuroit entier, le jugement de Dieu seroit suivi; et que, si tous les deux étoient consumés, ils renonceroient à leurs différents. Le feu dévora les deux papiers; les deux partis se réunirent: la paix dura un jour; mais, le lendemain, ils dirent que leur changement auroit dû dépendre d'une persuasion intérieure et non pas du hasard, et la guerre recommença plus vive que jamais a.

On doit donner une grande attention aux disputes des théologiens; mais il faut la cacher autant qu'il est possible, la peine qu'on paroît prendre à les calmer les accréditant toujours, en faisant voir que leur manière de penser est si importante, qu'elle décide du repos de l'état et de la sûreté du prince.

On ne peut pas plus finir leurs affaires en écoutant leurs subtilités, qu'on ne pourroit abolir les

a Pachymère, liv. I.

duels en établissant des écoles où l'on raffineroit sur le point d'honneur.

Les empereurs grecs eurentsi peu de prudence, que, quand les disputes furent endormies, ils eurent la rage de les réveiller. Anastase a, Justinien b, Héraclius, Manuel Comnène 4, proposèrent des points de foi à leur clergé et à leur peuple, qui auroit méconnu la vérité dans leur bouche quand même ils l'auroient trouvée. Ainsi, péchant toujours dans la forme et ordinairement dans le fond, voulant faire voir leur pénétration qu'ils auroient pu si bien montrer dans tant d'autres affaires qui leur étoient confiées, ils entreprirent des disputes vaines sur la nature de Dieu, qui, se cachant aux savants parce qu'ils sont orgueilleux, ne se montre pas mieux aux grands de la terre.

C'est une erreur de croire qu'il y ait dans le monde une autorité humaine à tous les égards despotique; il n'y en a jamais eu et il n'y en aura jamais: le pouvoir le plus immense est toujours borné par quelque coin. Que le grand seigneur mette un nouvel impôt à Constantinople, un cri général lui fait d'abord trouver des limites qu'il n'avoit pas connues. Un roi de Perse peut bien contraindre un fils de tuer son père, ou un père de tuer son fils ; mais obliger ses sujets de

a Evagre, liv. III.

b Procope, histoire secrète.

Zonare, Vie d'Héraclius.

d Nicétas, Vie de Manuel Comnène.

• Voyez Chardin.

« ΠροηγούμενηΣυνέχεια »